Le sentiment n’est pas une affection, mais le mode par lequel l’individu se rapporte au monde, dont il procède et se détache pour être un sujet perceptif. La phénoménologie, explique R. Barbaras, doit donc être complétée par une cosmologie.
Le changement climatique anime les débats scientifiques, économiques et politiques depuis cinquante ans. Romain Felli propose une histoire de l’adaptation aux changements climatiques et dénonce son instrumentalisation par la logique de marché, au détriment des plus vulnérables.
Les entreprises privées ont-elles leur mot à dire sur les programmes scolaires ? Dans les faits, leur intervention est croissante et de plus en plus perçue comme légitime, ce que déplore la sociologue Lucie Tanguy.
Dans un ouvrage résolument ambitieux, le sociologue John Skrentny propose une reformulation de la question raciale sur le lieu de travail aux États-Unis, hors du prisme de l’affirmative action. Il y voit les prémisses d’une nouvelle politique, qu’il nomme « réalisme racial ». Mais peut-on ainsi postuler que la race est une réalité indépassable ?
La maternelle est progressivement devenue le premier moment de la scolarité. La sociologue et experte influente Pascale Garnier analyse la progressive normalisation de cette école au sein du système scolaire français, et nous invite à questionner l’évidence de sa nature scolaire.
À l’initiative de deux ouvrages collectifs, William Novak, Steven Sawyer et Jim Sparrow poursuivent leur œuvre de rénovation de l’histoire de l’État nord-américain. Ne se limitant pas à en arpenter les frontières, ils l’étudient comme un pouvoir à côté d’autres, en relation avec d’autres. Espérons qu’ils montreront la voie à l’histoire d’autres États, pas seulement démocratiques.
Alors que les dégâts sociaux et environnementaux causés par la course effrénée à la croissance sont connus, celle-ci reste considérée comme la solution miracle aux maux de la société. L’historien Matthias Schmelzer revient sur les racines de ce dogme des « 3P » : puissance, progrès, prospérité.
L’État Providence existe ailleurs qu’en Europe ou dans le monde anglo-saxon. L’historien Bernard Thomann montre que le Japon a construit très tôt une politique sociale originale tout en étant exposé à de multiples influences internationales.
Le principe de précaution gouverne dans une large mesure les politiques publiques. Souvent considéré comme mal défini, il est cependant loin de faire l’unanimité. D. Steel se propose d’en défendre un usage raisonnable, à ses yeux indispensable.
Le libéralisme est à reconstruire : il s’est dévoyé et a trahi l’esprit de liberté qui l’animait. Les textes politiques de John Dewey nous incitent, comme le montre J.-P. Cometti dans un ouvrage posthume, à retrouver le « sens du possible ».
En analysant trois daguerréotypes représentant la rue du Faubourg-du-Temple les 25 et 26 juin 1848, l’historien Olivier Ihl dessine une « géographie barricadière » de Paris et retrace un moment d’histoire urbaine. Ces clichés donnent à voir la matérialisation d’une aventure collective au début de la Deuxième République.
Les décideurs politiques sont souvent accusés de faire preuve de cynisme dans la conduite des affaires internationales. Pour d’autres, il s’agit seulement de « réalisme ». Mais que recouvre exactement ce terme ? Deux ouvrages récents reviennent sur la genèse des concepts Realpolitk et géopolitique et remettent en cause la dichotomie entre les valeurs et les intérêts.
Le premier septennat de Mitterrand : grandes réalisations de la gauche au pouvoir ou fin des espérances collectives ? Politique de modernisation ou trahison du peuple ? Retour sur la décennie 1980, qui achève la « seconde révolution française ».
Un livre collectif approfondit la connaissance du règne de Louis IX sans occulter la politique anti-juive des rois de France, ni confiner les juifs aux « pages sombres » de l’expulsion. Il s’agit, en réinscrivant le judaïsme médiéval dans l’histoire de France, de normaliser l’histoire juive.
L’amour est sans raison et ses formes sont nombreuses. Vouloir la réduire à la seule monogamie, c’est ne tenir compte ni de sa nature et ni de sa richesse. La philosophie de l’amour, explique R. de Sousa, traque les fausses évidences, et prône la plus grande liberté.
Il est aujourd’hui incongru d’imaginer un Vietnamien se définir comme « Indochinois ». Pourtant, le territoire colonial a longtemps servi de cadre à l’expression de l’identité nationale Viet. Ce phénomène n’illustre pas tant l’efficacité de l’éducation dispensée dans les écoles de l’Empire français que le caractère négocié de la colonisation en Asie. Retour sur un classique.
La guerre contre le terrorisme mobilise des moyens contraires aux libertés démocratiques. Aux États-Unis, le recours à ces moyens exceptionnels s’est accompagné d’efforts pour contourner le droit, avec parfois la complicité de la Cour suprême qui en est pourtant le garant.
Comment rendre compte de notre expérience du contemporain ? À travers une analyse transhistorique d’une catégorie encore largement mésestimée dans l’histoire des arts et les études littéraires, L. Ruffel décrit l’utopie d’un XXIe siècle multiple, pluriel et pleinement démocratique.
Fort de son expérience de sapeur-pompier, le sociologue Romain Pudal peint un métier traversé par de fortes tensions. Tiraillés entre l’image virile du pompier sauveur des flammes et un quotidien fait aussi d’assistance aux populations défavorisées, les pompiers s’interrogent sur le sens de leur travail.
Selon Xavier Ragot, l’ouvrage de Robert Boyer démontre qu’une plus grande place doit être donnée à la « théorie de la régulation » au sein des recherches actuelles en économie. Cela doit toutefois se faire en permettant circulation et hybridation des idées avec les autres courants de la pensée économique.
Dans un ouvrage pluridisciplinaire, Catherine Coquio montre que le culte contemporain de la mémoire et de la vérité cache en fait une crise qui empêche d’avancer.
Qu’est-ce que l’histoire peut apporter à l’analyse du terrorisme contemporain ? Jenny Raflik propose de relire son essor sous l’angle de la montée en puissance de la mondialisation. Compte rendu suivi d’une réponse de l’auteure.
La fameuse crise de la littérature est en réalité celle de son partage. Une forme d’anesthésie a enferré les études littéraires dans des routines théoriques qui étouffent les réactions du lecteur ordinaire. Hélène Merlin-Kajman pose les jalons d’une « analyse transitionnelle » qui rend justice aux émotions et à l’aptitude à occuper, par le langage, des espaces communs.
Le naturalisme est une conception très influente aujourd’hui dans le monde scientifique. Et très controversée également : on peine à mesurer sa fécondité, voire à le définir. D. Andler, conscient de ses limites, en propose une version critique.
Pour réparer une société, il n’est pas nécessaire de prendre son bâton de « civilisateur » républicain. Les romans de George Sand, loin d’être des contes champêtres, proposent une manière souterraine de faire de la politique – un projet démocratique sans prêche ni violence.
La question de la place de la violence dans la Révolution française est un sujet de débat, scientifique et politique, depuis le tout début du XIXe siècle. Deux livres récents offrent de nouvelles perspectives et de nouveaux regards.
Qu’a fait l’Inde à la littérature française ? Guillaume Bridet croise les sources et les approches pour montrer comment, après la Grande Guerre, la réception des écrivains indiens ‒ Tagore au premier chef ‒ favorise le passage de l’exotisme à une vision décolonisée. L’analyse décentre à la fois les études orientalistes et l’histoire littéraire traditionnelle.
Les sexualités minoritaires font l’objet de nombreux discours, pas nécessairement proportionnels à leur diffusion : autant que les manières de les pratiquer, ce sont les manières d’en parler qui posent question. À mi-chemin de l’essai à la fiction, Marco Vidal propose des voies à explorer.
Les droits de l’homme ont fait l’objet de nombreuses critiques depuis leur déclaration en 1789. Aujourd’hui encore, ils sont accusés de desservir la démocratie et de favoriser l’individualisme. Mais ce procès, expliquent J. Lacroix et J.-Y. Pranchère, n’est pas justifié.
En étudiant les débats politiques et juridiques sur la citoyenneté au prisme de la situation coloniale au XIXe siècle, en métropole et dans les colonies, Silyane Larcher propose une généalogie de la citoyenneté profondément renouvelée et conduit à repenser la construction de la République.
Les laboratoires pharmaceutiques sont devenus des acteurs incontournables des politiques de santé. Auriane Guilbaud analyse les enjeux posés par ces relations entre firmes et organisations internationales dans le cadre de partenariats public-privé à l’échelle mondiale.
Si le théâtre est profondément politique, c’est parce qu’il est engagé et participatif : il répond à l’urgence des temps, en traitant le spectateur comme un citoyen et en faisant de la scène un espace social inclusif. Retour sur un potentiel révolutionnaire.
Antique et renaissante, mi-lolita, mi-déesse, la nymphe est, selon G. Didi-Huberman, marchant dans les pas d’Aby Warburg, un personnage récurrent de l’histoire de l’art, qu’elle irrigue de son nimbe et de sa fastueuse fluidité.
À travers une enquête ethnographique dans le huis clos du quartier européen de Bruxelles, Sylvain Laurens étudie les rapports entre milieux d’affaires et institutions européennes et montre que leur proximité tient moins à une connivence idéologique qu’à une histoire partagée.
Rompant avec la vision du paysan éternel et des campagnes conservatoires des traditions, Joëlle Zask montre que l’agriculture nourrit une véritable culture démocratique. Cultiver sa parcelle, c’est reconnaître une communauté d’égaux. Amour de la terre, amour de la liberté et de l’égalité ?
Le Kamasutra écrit au IIIe siècle n’est pas seulement un ouvrage érotique : c’est aussi un traité d’art de vivre pour les citadins aisés, quelle que soit la caste à laquelle ils appartiennent, quelle que soit leur sexualité, et qu’ils soient étalon, taureau ou lièvre, éléphante, jument ou hase.
Avec la volonté d’écrire une histoire totale, B. Joyeux-Prunel propose une approche socioculturelle et transnationale inédite des avant-gardes artistiques. Au delà d’une simple histoire des styles, les avant-gardes apparaissent alors comme de véritables événements politiques et sociaux, pris dans de complexes réseaux d’influence.
En URSS, de nombreux films ont été consacrés aux années de révolution et de guerre civile. Leur étude met en lumière le travail de l’idéologie et de la censure, tout en posant la question de la réception et de la « vérité documentaire ».
Un nouveau recueil sous la direction d’Emmanuel Alloa, portant sur le développement des études visuelles, éclaire ce que l’anthropologie apporte à notre perception de l’image. La richesse et la diversité des approches, cependant, rend difficile une perception unifiée de la question.
Peut-on encore défendre les langues mortes sans être taxé de conservatisme et sans idéaliser les cultures antiques ? Prolongeant le débat ravivé en 2015 par la réforme du Collège, l’helléniste Pierre Judet de La Combe milite pour le maintien d’un rapport direct et critique avec les Anciens.