En s’intéressant à l’Arctique, une des zones les plus polluées de la Russie, Andy Bruno réintègre la question de l’environnement à l’histoire russe du 20e siècle et montre comment le moment soviétique s’insère, inversement, dans le récit de l’anthropocène.
Depuis le Shoah de Claude Lanzmann, on croyait l’extermination des Juifs d’Europe irreprésentable au cinéma. Le Fils de Saul a remis en cause ce présupposé. Les partis pris esthétiques et narratifs de cette fiction posent pourtant problème.
Les objets qui nous entourent continuent-ils d’exister lorsque nous avons le dos tourné ? C’est ce que nous pensons spontanément. Mais quelle est l’origine de cette croyance, qui selon Étienne Bimbenet construit notre humanité ?
Le regard de la société change sur ses déchets. Entre usages et réemplois, un ouvrage collectif se penche sur ces transformations de nos modes de consommation et de production.
Et si la traite des êtres humains était moins une forme contemporaine de la violence qu’une catégorie de l’action publique aux effets ambivalents ? C’est la thèse de Milena Jakšić : la lutte contre la traite consacre une figure de « bonne » victime au détriment de celles qui ne s’y conforment pas.
L’histoire populaire de la France que conte Michelle Zancarini-Fournel est celle de figures individuelles et de combats politiques souvent occultés. Comblant nos « failles mémorielles », elle suggère aussi une autre narrativité.
Peuple jeune contre vieux pays décadents, religion contre raison, esprit contre matérialisme : les relations entre la Russie et l’Occident font fleurir les clichés. En rappelant comment les idées circulent, une anthologie montre l’Europe au miroir russe, de Pierre le Grand à Vladimir Poutine.
L’inflation carcérale que nous connaissons en France est moins le signe d’une hausse de la criminalité que d’une sensibilité accrue de notre société à l’égard de certaines déviances. L’acte punitif s’en trouve ainsi radicalement transformé.
Les paléontologues distinguent cinq périodes au cours desquelles les espèces animales ont disparu en masse. La sixième, celle de l’extinction de l’homme, est-elle arrivée ? La question nous ramène en tout cas à la fragilité de nos conditions de vie. À bon entendeur, salut !
Des collaborateurs de Vichy exilés au Canada ? Après la guerre, des criminels français trouvèrent refuge sur les rives du Saint-Laurent, où prospéra une singulière pépinière royaliste et anti-républicaine.
De Hobbes, on a l’habitude de brosser un tableau sans nuance : son œuvre justifierait l’absolutisme le plus terrible, sa théorie politique serait le comble de l’immoralité. Cette lecture, explique L. Foisneau, est injuste.
Depuis deux siècles, le monde s’est fortement enrichi et a vu la santé de sa population s’améliorer. Mais cette rupture historique ne doit pas masquer les grandes inégalités d’accès au développement entre les pays, nous rappelle le prix Nobel d’économie Angus Deaton.
Traditionnellement associé aux études littéraires, le style devient une référence indispensable pour parler des pratiques contemporaines de communication. Marielle Macé propose ici d’appeler « style » certaines formes d’expérience de vie. Aux dépens de la stylistique ?
La diplomatie multilatérale favorise-t-elle l’égalité entre États ? À partir d’une comparaison entre l’ONU et de l’OTAN, Vincent Pouliot montre que la scène internationale est structurée par des logiques hiérarchiques dont les diplomates peinent à s’extraire.
Enzo Traverso étudie ce qu’il tient pour une « tradition cachée » de la pensée de gauche : la mélancolie, dont le désenchantement provoqué par l’effondrement de l’URSS est la dernière figure. Panthéon des vaincus, leçon des défaites ou réflexivité salvatrice ?
Après avoir fait la guerre aux pauvres, les États-Unis l’ont déclarée aux criminels. Une histoire des politiques pénales depuis 1960 saisit la genèse intellectuelle et politique du traitement punitif souvent réservé aux membres des minorités.
De Nalkowska à Milosz, nombreux sont les écrivains polonais à avoir évoqué la Shoah. Leurs « textes-témoins », qui mettent en lumière l’expérience des victimes juives et l’attitude des Polonais, soulignent aussi le rôle de la poésie dans la littérature polonaise.
À partir d’une histoire des entreprises dans les colonies françaises d’Afrique du Nord, Samir Saul prend le contrepied d’une interprétation encore dominante qui rapporte la décolonisation à la baisse des profits des activités françaises dans ces colonies.
La cour constitutionnelle est-elle une instance démocratique ? Non, répond J. Waldron, qui considère que le pouvoir judiciaire n’a pas à se substituer aux citoyens pour déterminer leurs droits. Mais sa conception de la séparation des pouvoirs est-elle encore d’actualité ?
Le ghetto noir n’a cessé d’attirer l’attention des chercheurs et de la société américaine. Revenant sur le parcours intellectuel de plusieurs de ses penseurs, l’ethnographe Mitchell Duneier saisit la sédimentation de ses significations. Une entreprise d’histoire intellectuelle, politique et sociale.
D. Miller défend une position tranchée en matière d’immigration : les États ont le droit de fermer leurs frontières, mais aussi, dans une certaine mesure, le devoir d’accueillir les réfugiés. Ses arguments cependant peinent à convaincre.
Comment lire et mesurer les opinions politiques exprimées sur les réseaux sociaux ? Le politiste Julien Boyadjian tente de répondre en dressant le profil sociologique des « twittos politiques ».
Dumping juridique généralisé, droits de propriété monstrueux : échappant largement au droit, les entreprises ont su le détourner à leur profit, explique le juriste J.-P. Robé, qui plaide pour la réglementation juridique de ces formes inédites du pouvoir privé. Mais la mondialisation le permet-elle ?
Gregory Mann retrace l’histoire de l’État au Sahel, entre imaginaire précolonial, structures coloniales et conflits postcoloniaux. À force de déléguer ses responsabilités à des organismes internationaux et à des ONG, celui-ci aurait hypothéqué sa souveraineté.
Le négationnisme économique. Et comment s’en débarrasser a suscité en France de vives discussions. Que peut-on en tirer pour une réflexion sur les méthodes en sciences sociales et les termes du débat scientifique ?
Dans un recueil d’articles mêlant analyse et féminisme, l’historienne américaine Abigail Solomon-Godeau critique l’esthétisme du discours muséal, et les canons photographiques qu’il impose aux artistes.
Nos frontières sont-elles démocratiques ? Il n’y a pas de démocratie sans demos, et celui-ci suppose des limites clairement définies. Mais elle est aussi un mouvement d’extension des droits qui milite pour la reconnaissance d’un droit de cité aux étrangers.
Dans un ouvrage documenté et limpide, Robert J. Gordon retrace le progrès économique aux États-Unis depuis 1870. La croissance soutenue de la productivité et du niveau de vie semble s’être épuisée depuis 1970 : la révolution numérique pourrait à cet égard n’être que mirage.
Les transformations de la société allemande et de l’Europe se lisent à même les rues de Berlin. Champ de ruines en 1945, c’est aujourd’hui l’une des destinations les plus prisées d’Europe. Un petit ouvrage revient sur ce qui fait d’elle une capitale d’exception.
À partir d’un « événement infime », l’exécution de deux traîtres de la vallée d’Aoste en 1943, Sergio Luzzatto livre une vaste fresque d’histoire et de mémoire de la Résistance, sur fond de chasse aux Juifs, de délation, et de guerre civile.
Nicolas Sarkozy avait placé en 2007 l’identité nationale au cœur de sa campagne. Mais l’idée est apparue beaucoup plus tôt dans le discours politique : dans les années 1980, le gouvernement socialiste en avait fait le pivot de sa politique culturelle.
Les monothéismes d’aujourd’hui seraient-ils moins tolérants que les divinités païennes ? Jetant le pavé antique dans la mare moderne, l’essai de Maurizio Bettini conduit à s’interroger sur les différents modes de croyance, de l’Antiquité à nos jours.
Un recueil documenté rassemble désormais une centaine d’articles de Jean Starobinski sur la littérature et les arts. Il rappelle la place majeure qu’occupe dans le paysage critique des 70 dernières années une œuvre qui ne cesse d’entrevoir et de susciter des correspondances.
Comment la Chine a-t-elle conduit les procès des criminels de guerre japonais sur son territoire après 1945 ? Barak Kushner offre un éclairage nouveau sur les crimes de guerre du Japon impérial et le révisionnisme japonais, au centre de vives querelles mémorielles entre Pékin et Tokyo.
De l’Espagne du 13e siècle à la colonisation du Nouveau Monde, de l’obsession du lignage à la biologie de l’hérédité, l’historien J.-F. Schaub retrace les étapes de la construction de l’idée de race. Il montre que c’est la généalogie, plus que le phénotype, qui fournit le prétexte à cette naturalisation de la différence qu’est la racisation.
Le débat public démocratique gagnerait-il à faire droit à l’expression des convictions religieuses ? Le philosophe Jean-Marc Ferry plaide pour le décloisonnement des champs politique et religieux en vue de leur enrichissement mutuel. Mais est-ce justifié ?
Entre le 18e et le 20e siècle, la lutte contre la pauvreté passe en Angleterre par la multiplication des workhouses. Entre accueil et répression, ces « maisons de travail » restèrent redoutées des indigents jusqu’à leur fermeture définitive en 1945, nous rappelle l’historien Jacques Carré.
L’amour ne se réduit ni à la conjugalité ni à la passion : en l’abordant comme un ensemble de gestes et de pratiques, Michel Bozon montre qu’il s’agit de se donner et parfois de s’abandonner soi-même. C’est alors l’épuisement plus que la haine qui menace dans cette vision apaisée des relations amoureuses.
Alors que la classe ouvrière a perdu aujourd’hui de sa centralité, l’historien Xavier Vigna invite à relire les écrits sur et par les ouvriers. Dans cet ouvrage ambitieux, il montre que l’écriture aussi peut être un lieu d’affrontements.
Qu’a pensé Kant de la Révolution française ? L’a-t-il célébrée, en dépit des réserves que l’idée même de révolution semble lui inspirer ? Pour C. Ferrié, on ne peut répondre à ces questions qu’en convoquant une autre herméneutique, qui admette la dimension pragmatique des écrits politiques kantiens.