À travers l’étude croisée des livres récents de Peter Kraus et Neil Fligstein, Jean-Claude Barbier explore les scénarios d’avenir de l’Union Européenne. Il ressort de cette analyse que les questions culturelles, les processus d’identification et la question linguistique tiennent une place centrale dans la légitimation de ces institutions inédites.
Ce texte est publié en partenariat avec la revue Sociologie.
Référence électronique de l’article original : Jean-Claude Barbier, « Union européenne : cultures politiques, langues et identifications des citoyens », Sociologie [En ligne], N°1, vol. 1 | 2010, mis en ligne le 03 mars 2010, URL : http://sociologie.revues.org/122.
Recensés :
Peter A. Kraus, A Union of Diversity, Language, Identity and Polity-building in Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.
Neil Fligstein, Euro-Clash, the EU, European Identity and the Future of Europe, Oxford, Oxford University Press, 2008.
La sociologie est accueillante à la diversité, comme le montrent les deux ouvrages que nous recensons ici. Il est probablement très difficile de trouver deux textes plus différents qui traitent pourtant du même objet sociologique, l’avenir politique de l’Union européenne (UE) et sa légitimité, en même temps que d’un sujet d’actualité dans le débat public en France en 2010, les « identités nationales ». Les deux auteurs sont pourtant sociologues, et s’expriment en anglais. Ce n’est pas difficile pour N. Fligstein puisqu’il est américain. P. Kraus, qui a, lui aussi, une formation de sociologue, parle plus d’une demi-douzaine de langues européennes. Son ouvrage est la traduction de l’original écrit en allemand, issu de sa thèse en science politique. À part le sujet commun de leur recherche et la discipline (sociologie politique de l’Europe), tout diffère : la construction de l’objet, les données empiriques, la méthode, le rapport entre l’analyse et la position normative, et, inévitablement, leurs conclusions.
P. Kraus propose une analyse originale au sein d’un champ de production plutôt dominé par la science politique dite « néo-institutionnaliste » : il centre en effet son travail sur un sujet ignoré de la plupart des auteurs, l’importance politique des langues. Ce sujet est d’autant plus marginal que la règle qui s’impose désormais à tous et toutes est la publication en anglais. N. Fligstein entend, pour sa part, « approfondir la sociologie de l’Europe » (p. 137). Il affirme que le projet d’intégration européenne a toujours été « un projet de classe » (a social class project, p. 251), prédisant que la division en « trois camps » (a rough division of people in Europe into three camps, p. 250) au sein de l’UE va produire, quand ce n’est pas déjà fait, un « clash » entre eux, surtout celui des riches aux qualifications élevées et les pauvres, « moins qualifiés » (less educated) qui ne voyagent pas. W. Streeck, qui n’a pas été convaincu par la lecture de Euroclash, a qualifié ironiquement les camps de « the good, the undecided and the ugly » (2009, p. 546).
Le titre de P. Kraus est une variation sur une formule de la rhétorique officielle communautaire, qui n’est pas avare de textes et de formules pleins d’emphase, exaltant la diversité de ce morceau du continent. Sans en tirer pour autant de conséquence autre que symbolique, on ne peut s’empêcher de repérer la connotation du « clash » de N. Fligstein avec le fameux titre de S. P. Huntington. Si, dans le cas de P. Kraus, l’Union est étudiée dans sa diversité de façon systématique, dans le cas de N. Fligstein, l’approche est universalisante, et les marques de la diversité sont systématiquement minorées. Cette opposition, qui n’est pas la moindre, entre les deux auteurs, s’explique au moins en partie par leur parcours personnel. N. Fligstein se qualifie lui-même d’outsider de l’Europe et, comme l’a noté W. Streeck, il affiche un biais normatif « favorable à l’Europe », répandu dans les universités nord-américaines (2009, p. 546). P. Kraus, professeur à l’université d’Helsinki, familier des recherches comparatives européennes, est, par contraste, un insider, qui s’efforce de ne pas traiter ensemble les propositions normatives qu’il apporte en faveur du multilinguisme et l’analyse de sociologie du politique qu’il conduit.
Les deux auteurs se préoccupent tous deux de l’avenir de l’Europe politique. N. Fligstein traite cette question à l’aide de scénarios : il considère celui où l’évolution économique défavorable aboutit à l’éclatement de l’Union comme le plus négatif, alors qu’à l’opposé celui qu’il tient pour le plus favorable serait une extension de l’intégration européenne incluant les politiques sociales. Il présente deux autres scénarios intermédiaires, qui lui semblent les plus probables : le premier est plus ou moins la continuation de la configuration actuelle. Le deuxième verrait une coopération accrue dans le domaine de la politique industrielle et des politiques budgétaires. De son côté, P. Kraus ne cache pas que la question qui décidera de la poursuite de l’intégration européenne est celle des conditions de possibilité de la construction d’un « ordre politique légitime » (a legitimate political order, p. 180). Il n’y a pas de chance, selon lui, que des effets de spill-over (débordement) entraînent que le processus d’intégration par le marché en vienne à « déteindre » sur la culture politique. Dans cette mesure, ses scénarios se réduisent à une alternative : soit l’Union trouve les moyens d’un « multilinguisme convergent » (converging multilingualism, p. 172, sur la définition duquel on revient ci-après), ce qui veut dire qu’elle construit une véritable politique linguistique (ou une politique des langues, a politics of language, p. 198), soit elle n’y parvient pas, et, dans ce deuxième cas, c’est la poursuite des tendances actuelles d’une intégration limitée. Après une présentation de l’essentiel des contenus respectifs des deux ouvrages on comparera leur apport au regard de trois de leurs thèmes communs, les identités des Européens, la politique en Europe et la question des langues.
Euroclash (N. Fligstein)
Euroclash commence par un chapitre consistant, qui décrit la dynamique historique de l’intégration européenne ; ce chapitre sert également à l’auteur d’introduction et de présentation de ses thèses. Il apparaît effectivement « fasciné » (amazed) devant ce qui a été accompli, tant sur le plan des réalisations économiques et industrielles, que sur le plan des « communications » intra-européennes. On note au passage un choix important fait ici par l’auteur : son attention va surtout aux média, au football et à la télévision, aux échanges qui se passent dans les voyages de tourisme et d’affaires, en particulier chez les travailleurs indépendants (professionals). La communication politique transeuropéenne n’est pas abordée, ni dans le sens du métier des « spin-doctors », ni dans le sens de la communication des contenus politiques, des choix et de la délibération. Le point essentiel de ce chapitre est la présentation de l’hypothèse selon laquelle s’est mise en place en Europe, de façon indifférenciée selon les pays, une dynamique de « trois camps », qui ont des intérêts différents dans le processus d’intégration [1] : l’auteur choisit ici une hypothèse explicative classiquement utilitariste, selon laquelle le soutien à l’Europe serait directement déterminé par les bénéfices que les groupes en question en retirent. Des trois camps, l’upper-class représente la catégorie des « gagnants » (winners qui s’opposent à losers et à la middle-class, qui se trouve entre les deux). Dans sa conclusion, l’auteur propose des estimations quantitatives des trois camps : le premier ne représente que 10 % à 15 % de la population (comprenant aussi une part des jeunes, non précisée), et les deux autres 40 à 50 %. À la différence de ces derniers, ce qui caractérise les winners, c’est qu’ils sont européens, en faveur de plus de marché et de plus de coopération internationale (p. 22). Le camp intermédiaire est présenté comme constituant un « swing group » de « middle-class voters » (p. 253). Ce dernier hésite à s’engager du côté des winners ou du côté des pauvres (the most displaced by the EU), ceux qui s’opposent à plus d’intégration et veulent un « retour » au marché national avec plus de protection sociale (a return to a national market with stronger social protection, p. 22). On ne saura jamais, dans le texte, ce qu’est cette « protection sociale » (ou ce « système de welfare »), qui, manifestement, n’est pas bien connu par l’auteur, ni sur le plan national ni sur le plan communautaire [2]. Il la considère cursivement et bizarrement comme « des privilèges » défendus par le camp des pauvres, à la formation professionnelle et intellectuelle limitée (« Any attempt, écrira l’auteur dans sa conclusion, « to create a European welfare state » « would certainly run into citizen opposition if they felt that their privileges were likely to disappear », p. 248). Ce chapitre présente donc les bases sur lesquelles le « clash » entre les camps est prévisible, sinon déjà en œuvre.
Les chapitres destinés à illustrer les avancées de la construction européenne, au nombre de trois, forment presqu’un tiers de l’ouvrage : le premier contient un rappel descriptif succinct des institutions principales, des domaines et compétences de l’Union, que l’auteur présente comme un « cauchemar administratif » (p. 38). La transformation économique de l’Europe fait l’objet du deuxième des chapitres : il s’agit pour l’essentiel d’illustrer les données de base de l’intégration en termes d’échanges, d’investissements, de concentrations des firmes et d’insertion de l’Union dans la division internationale du travail des économies développées. Ces éléments n’ont pas de rapport direct avec la thèse de l’Euroclash. Ceux apportés dans le chapitre suivant, non plus. Ce dernier traite en effet du rythme de coordination et d’intégration dans trois domaines, les télécommunications (dont la libéralisation du secteur est décrite en détail), l’industrie militaire, et, de façon plus inattendue, le football. Le football est considéré par l’auteur comme s’européanisant de plus en plus, dans la logique d’une internationalisation plus ancienne dont il retrace l’histoire. Son analyse est convaincante sur le plan de la dynamique économique, mais il reprendra plus tard le thème du football comme une illustration typique d’un processus d’homogénéisation culturelle et d’une « identité européenne » (p. 252, à côté de la pratique de l’anglais et des voyages – frequent travel – ainsi que la « popular culture »), ce qui est plus étonnant.
La construction de la thèse de l’Euroclash est développée en trois temps, sur une centaine de pages. Cette partie constitue le cœur de l’ouvrage. Le premier temps concerne l’objectif de produire une sociologie des Européens et de leurs « identités » (national and collective identities, d’abord, mais aussi European identity). Le second des chapitres (What is European society ?) est consacré à montrer comment une société « européenne » est en voie de constitution (par l’immigration, la formation d’associations, l’européanisation de l’éducation, ainsi que la « culture populaire (popular culture) ». Le dernier chapitre s’attaque à la question de la politique en Europe. Les identités multiples des Européens et les formes européanisées de leur sociabilité sont des thèmes qui ont donné lieu à un foisonnement de publications spécialisées, dans les nombreuses revues européennes de langue anglaise. N. Fligstein choisit ici de mettre ensemble une série de données disparates – ce dont il s’excuse d’emblée (p. viii). G. Ross a noté que ces dernières sont quelquefois légères et au mieux succinctes (« sometimes thin », ou « slim at best », Ross, 2009, p. 542). Il est vrai que, s’agissant de l’émergence d’une société européenne, les données apportées sont peu convaincantes, car disparates et pas du tout remises dans les contextes empiriques des pays. L’analyse d’une base de données de moins de 1000 associations transeuropéennes (qu’il faudrait comparer à des millions d’associations fondées dans les États membres, d’une part, mais aussi à plusieurs milliers de lobbies agissant auprès de la Commission) paraît nettement disproportionnée. Les données sur l’immigration sont interprétées de façon contestable. De même est disproportionné, empiriquement, l’enthousiasme pour le programme Erasmus, qui, loin d’avoir rempli ses promesses initiales (la Commission visait 10 % des étudiants) n’a pas atteint ses objectifs et est resté, malgré sa haute valeur symbolique, marginal (2 % seulement des étudiants). Encore plus nettement, l’auteur surestime les réalisations de la coordination des diplômes et du programme dit « de Bologne ». Ses conclusions sont manifestement sans rapport empirique avec les résultats atteints, quand l’auteur croit pouvoir affirmer que les « élites de l’éducation » de l’Union ont toutes mis en œuvre des réformes, qui orientent l’enseignement primaire, secondaire et supérieur vers la production d’étudiants dont les diplômes seraient partout reconnus et qui connaîtraient plusieurs langues et se verraient enseigner une même histoire (p. 192). La thèse de l’européanisation de la société via la « popular culture » est aussi faiblement argumentée. Ne trouvant pas, empiriquement, de « European media » suffisamment convaincants pour sa démonstration, il s’efforce de montrer que, malgré la dispersion de ces média, leur contenu s’homogénéise, mais les exemples empiriques se limitent, en matière de presse, à la presse d’affaires et à The Economist. Ce dernier est probablement l’un des hebdomadaires les plus férocement hostiles à toute européanisation qui ne passe pas par l’universalisme économiste de langue anglaise. Dans le domaine du film et de la télévision, l’européanisation que note N. Fligstein se révèle être celle du marché dont les produits sont principalement américains (p. 205). Cela n’est guère convaincant pour illustrer le processus d’européanisation.
L’Union dans la diversité (P. Kraus)
L’argument de l’Union dans la diversité, de son côté, est clairement présenté dans son premier chapitre. La « question européenne » concerne d’abord la démocratie, sur le plan des États comme sur celui de l’Union. Depuis le traité de Maastricht en 1992, l’ère de la construction « technocratique » ou du « consensus permissif » (de la part des peuples) à l’égard de cette Union sont révolus, à cause de la montée des problèmes de légitimation de la politique du niveau qu’on appelle encore « communautaire » par habitude (même s’il n’existe plus, au sens strict, de « Communautés » depuis l’entrée en vigueur au 1er décembre 2009, du Traité dit « de Lisbonne »). Si l’Union prend les contours d’une « communauté politique », sa diversité interne, « culturelle-politique », est une donnée de fait d’une importance immense et qui ne va pas s’effacer (p. 4). La « méthode Monnet » des débuts de la construction européenne constitue une adaptation à cette donnée de fait et ce n’est pas un hasard, écrit P. Kraus, que le Droit ait été la voie préférée par les responsables pour construire l’Europe. La diversité « culturelle-politique » de l’Europe n’est pas une question d’identifications « primaires » ou « ethniques », c’est plutôt la conséquence de la coexistence d’une « mosaïque de contextes d’interprétation » qui soutiennent des cultures politiques singulières (specific political cultures, p. 8). L’auteur renvoie dos à dos les « nationalistes » et les « cosmopolites » car les premiers considèrent normativement que la diversité est un problème, alors que les seconds en sous-estiment les effets empiriques quand il s’agit de trouver des solutions légitimes pour l’ « institutionnaliser ». Le domaine qui, pour P. Kraus, nous permet de penser ce qui relève d’un plus vaste domaine de « la politique des identités » est le langage. Ce ne sont pas les aspects instrumentaux du langage qu’il suffit de considérer, bien qu’ils soient évidemment essentiels dans la communication. Il faut encore admettre leurs aspects « expressifs », ou « significatifs » (expressive) et la question de la langue, étant au cœur de la compréhension des gens entre eux, et de la reconnaissance (recognition) de la diversité culturelle, est à la base de la possibilité de l’estime de soi et des libertés individuelles, qui conditionnent la possibilité de la politique démocratique. D’où la centralité, pour l’auteur, d’une approche politique de l’intégration européenne qui tienne compte des langues.
P. Kraus traite largement de la possibilité d’un « demos » européen et des identités nationales. Le premier de ces thèmes est l’occasion de montrer la complexité du débat qui s’exprime souvent par la thèse du « déficit démocratique » dans l’Union européenne. Ici, P. Kraus examine les rôles des institutions, notamment l’importance du Parlement européen, l’hypothèse de référendums, etc.., pour arriver à souligner les obstacles suivants à une intégration politique « plus profonde » : l’existence d’une communauté démocratique liée à celle de frontières – un thème que M. Ferrera a exploré en liaison avec la question de la protection sociale (Ferrera, 2005) que, curieusement P. Kraus ne cite pas ; l’existence d’une expérience collective installée dans l’histoire ; des types d’identification nationale qui servent de base à un système d’obligations réciproques et de loyautés ; un langage comme medium et condition de possibilité de l’intercompréhension. Si un recours au modèle classique de l’État-nation ne peut servir de solution à la construction européenne – ici, l’auteur fait entre autres référence à l’analyse de leur formation étudiée par S. Rokkan – il n’empêche que, sans territoires de la solidarité et de la réciprocité, sans langue commune ni identification culturelle commune, les fondations politiques de l’Union sont inévitablement précaires (the foundations of political unity in the EU look precarious, p. 36). L’absence de demos européen est un problème concret, empirique, indépendamment des analyses normatives qui s’y attachent. Le second thème de la première partie de l’ouvrage affronte la question des identités, qui fait l’objet d’une discussion comparative au paragraphe suivant. Le « défi » de la possibilité de démocratie à l’échelle européenne préoccupe P. Kraus, qui note que ses conséquences se sont manifestées de façon croissante depuis le référendum de Maastricht en 1992. Cette démocratie ne peut, de toute façon, qu’être « multi-niveau » et l’auteur souligne l’importance du principe de subsidiarité, qui a, jusqu’à présent, laissé au niveau national l’essentiel de la politique économique (malgré la monnaie et les coordinations des critères dits de Maastricht) et, surtout, sociale. L’augmentation, indéniable, du rôle, des pouvoirs et de la place du Parlement européen n’est pas en mesure de résoudre ce « défi », pas plus que les idées actuelles limitées d’organiser, par exemple, des consultations référendaires transnationales. Reste la réalité incontournable de la séparation des communautés politiques et du rôle central des États-nations dans la régulation politique, manifestée, entre autres, par la persistance de la diversité des systèmes juridiques. La solidarité n’a pas encore trouvé sa voie concrète au niveau supranational dans l’Union européenne, et, quelles que soient les limites de ces États-nations qui sont incapables de répondre à des défis mondiaux, les limites territoriales restent la base de la perception de sentiments de réciprocité et d’identification.
Les identifications/identités des Européens
La question des identités/identifications est naturellement au centre de l’analyse de nos deux auteurs. À ce propos N. Fligstein et P. Kraus rappellent opportunément les travaux de K Deutsch, E. Gellner et B. Anderson. Sur le plan empirique, comme tous les chercheurs, ils sont malheureusement limités par les contraintes posées par l’outil technique de l’enquête internationale, coûteux, mais aussi partiel, discutable et méthodologiquement difficile à exploiter. Ils se reportent, comme nous tous, à l’enquête Eurobaromètre (N. Fligstein limite son analyse précise aux données de la vague 2004). Des données récentes sont disponibles qui montrent, quand on les replace dans l’histoire plus longue, une grande stabilité des réponses des interviewés quant à l’équilibrage de leur « identités » multiples – il vaudrait mieux sans doute ici parler d’identification–, si tant est qu’on se contente d’une telle mesure. En effet, la fragilité et la relativité des réponses en fonction des questions posées est bien connue (Barbier, 2008, p. 49-52). En toute hypothèse, il est difficile d’apporter du nouveau si l’on se borne à approcher l’identité/identification par les enquêtes internationales, qui illustrent à la fois la marginalité de l’identification prioritaire (ou exclusive) à l’échelon européen (P. Kraus, p. 50-57) montre bien cette marginalité, ainsi que les scores très faibles de l’identification européenne au Royaume-Uni), la prééminence incontestable des identifications nationales sur les autres (avec des exceptions rares, comme celle de la Belgique) et la divergence considérable des identifications entre les pays, qui, à ce niveau, en outre, peut évoluer conjoncturellement. Ce sont les points que souligne à l’inverse P. Kraus, dans les sections où il illustre les « limites de l’identité européenne », à partir des mêmes données d’Eurobaromètre, mais replacées sur la durée.
L’argument qui intéresse spécifiquement N. Fligstein, pour sa thèse de l’Euroclash, consiste dans la polarisation sociale des attitudes « européennes » ; il ne s’attarde donc pas sur la question de l’objectivation des attachements principalement nationaux des Européens. C’est pourtant un des points essentiels qui ressort de ces enquêtes à la validité limitée, dont le principal enseignement est la stabilité des identifications. La thèse de la polarisation, au sein de chaque pays, des sentiments vis-à-vis de l’Europe est bien connue et des travaux nombreux ont analysé plus en détail les points d’application de l’européanisation limitée de la politique (Costa et Magnette, 2007). Ainsi, B. Cautrès et G. Grunberg (2007) ont montré l’existence d’un « biais élitiste » dans les attitudes, les individus les plus qualifiés, aux revenus les plus élevés étant beaucoup plus favorables à l’européanisation. Toutefois ce que montraient ces auteurs était aussi le lien étroit entre le « sentiment d’identité nationale et le soutien à l’Europe » (ibid., p. 31), de même que la liaison entre cette identité et le rapport aux « avantages sociaux », c’est-à-dire l’importance des systèmes de protection sociale. Les peuples des États membres de l’UE, si on se borne là aussi à l’objectivation par les enquêtes Eurobaromètre, sont à la fois attachés à l’existence de la protection sociale, comme l’exemple britannique l’a constamment montré ; en même temps, ils ont des opinions variées sur la performance comparative de leur système, les Français et les Belges étant ceux qui pensent, pour des majorités écrasantes, à la fin des années 2000, que leur système national pourrait être imité à l’étranger (par exemple, pour des données récentes, voir Eurobaromètre n° 71, 2009).
Différemment, N. Fligstein choisit de tirer de ses analyses statistiques l’argument spécifique selon lequel le petit nombre des « plus favorables » à l’Europe est celui qui a profité des avantages de l’européanisation, et, que dans l’avenir, ce nombre va augmenter en raison de la mobilité et de la qualification supérieures, portées en particulier par les jeunes. Ce faisant, il semble raisonner comme si, au lieu de la formation nationale séparée des identifications et des attachements (particulièrement, à la protection sociale), il existait en Europe des groupes réellement transnationaux, ses « trois camps ». Son ignorance de la protection sociale, dont l’importance apparaît dans les travaux de B. Cautrès et G. Grunberg et dans bien d’autres, est fort dommageable. Au contraire, P. Kraus qui, il est vrai, ne consacre pas de développements détaillés à la protection sociale, insiste sur le fait que ce qu’il appelle « cultural identity » est l’expression manifeste de « pratiques culturelles instituées politiquement » (p. 38). L’identité (avec son aspect complexe du processus sociologique d’identification) ne se résume pas à l’expression d’opinions provoquées par le questionnaire Eurobaromètre. Sur ce point, N. Fligstein, comme avant lui R. Brubaker, considère que la construction des identités nationales (et plus généralement, de la communauté nationale, empirique et sociologique, cf. Barbier, 2008, p. 38-41) comme le résultat contingent de stratégies des élites qui convainquent les populations qu’elles appartiennent à une nation (Fligstein, ibid., p. 4). Très différemment, P. Kraus accueille le fait empirique de la complexité de phénomènes identitaires et culturels (« expressifs »), présents en tant que conditions de possibilité de la communauté politique, et de sa capacité à gérer en son sein les conflits et les différences. Il propose une description détaillée de la façon dont une problématique « identité européenne » a été vue par les dirigeants politiques de ce qui était encore « les Communautés », et de sa construction restée fort embryonnaire. Depuis les années 1970, il en évoque les étapes et les bases juridiques, à commencer par le Traité qui reconnaît l’égalité des langues et la diversité égalitaire des cultures. Il évoque l’adoption des textes importants à cet égard, avec une attention particulière à la Charte des droits fondamentaux de l’Union [3], adoptée au sommet de Nice en 2000 et récemment remise en lumière par la référence qui en est faite à l’article 6 du nouveau Traité de Lisbonne. Parmi les droits fondamentaux, il note la place des droits à la reconnaissance et la pratique de leur langue par les individus et les diverses traces, dans les traités, de cette reconnaissance, qui, pour Fligstein, n’intervient qu’au titre de la pratique d’autres langues étrangères (second language). Au lieu d’enfermer la question dans l’opposition entre fédéralisme et inter-gouvernementalisme, P. Kraus considère la question de la dynamique culturelle-politique de l’Europe comme une donnée empirique qui ne saurait s’épuiser dans la réalité empirique des États-nations actuels, et qui appelle un traitement institutionnel et politique, dans une politique des langues.
Les conceptions de la politique européenne/ la politique en Europe
La question de la/des « European politics » sépare nos deux auteurs de bien des façons que nous n’aurons pas le temps ici d’évoquer. Le terme anglais lui-même n’est pas évident à traduire en français et provoque des difficultés spécifiques quand on l’applique à l’Union européenne. Rappelons-nous la formule de V. Schmidt (2006), selon laquelle au niveau communautaire, il y aurait des « policies without politics », tandis qu’au niveau national, on aurait des « politics without policies ». Si elle frappe les esprits, l’expression débouche sur une analyse partielle. La réalité empirique est d’autant plus différente de ce résumé que les problèmes de légitimation, comme le souligne P. Kraus, augmentent : il y a bien une/des politics au niveau communautaire, mais qui s’exerce sous d’autres formes qu’au plan national ; et c’est précisément l’un des points clés de la réflexion qui nous concerne. La politique « communautaire » est coupée du « demos », alors que, quelles que soient les limites de la démocratie contemporaine que tous connaissent bien, souvent rappelées par V Schmidt, le couplage des enjeux avec la participation à la politique quotidienne et aux élections n’a lieu qu’au niveau national. C’est ici que la conception plus générale de ce qu’est la politique intervient de façon flagrante dans les deux relations de nos auteurs. Pour P. Kraus, qui y consacre un chapitre, il ne fait pas de doute que l’exercice même de la politique par les citoyens, mais aussi, par les élites diverses, est lié au langage qui permet la communication. Même s’il note que la « politisation du langage » est contemporaine de l’avènement des nations, ses observations vont plus loin en ce qu’il note que la politique ne peut prendre place sans une dimension « expressive » (qu’on peut aussi dire avec M. Weber « significative », ou associer à la notion de « significations collectives » de C. Taylor, que l’auteur cite). Au contraire, cette dimension n’apparaît pas dans l’analyse de N. Fligstein, qui privilégie, au fond, une vision de classe, rangeant le projet européen dans la catégorie des « projets de classe ». Ainsi se voit ignoré un élément essentiel de la « structure of European politics » dont traite N. Fligstein dans son dernier chapitre : les communautés politiques nationales fonctionnent chacune pour elle-même et les barrières empiriques, qui les entourent et les enferment relativement, sont aussi l’occasion de construire des solidarités et des interdépendances fortes entre les élites (le camp des gagnants) et le reste de leur société, au plan national. De ces solidarités ou interdépendances est typique le système de protection sociale qui est pour l’essentiel traité négativement et caricaturalement par N. Fligstein (voir les remarques de W. Streeck, 2009). L’Euroclash apparaît alors comme singulièrement irréel, car les trois camps sont considérés principalement comme s’ils faisaient partie d’une entité politique homogène ; mais les élites qui sont les gagnantes ne peuvent pas être considérées comme des « isolats », comme l’a fait justement remarquer F. Foret (2007, p. 208). Il y a certes de nombreux forums, de nombreuses arènes avec lesquelles la notion de « field », proposée par N. Fligstein (une « arena of social interaction where organized individuals or groups such as interest groups, states, firms, and non-governmental organizations routinely interact »,p. 8), peut être utilisée, encore doit-elle être spécifiée car, comme le fait remarquer avec insistance P. Kraus, l’espace politique européen n’est pas un espace public unique (il n’y a pas, sauf à un très grand degré de généralité, qui ne concerne pas la politique ordinaire, d’Öffentlichkeit de niveau européen). Ici, P. Kraus discute en détail les conceptions de J. Habermas et du constitutionaliste allemand D. Grimm en les opposant, chacun pour l’aspect qu’ils sous-estiment : la possibilité de communiquer qui n’est pas strictement enfermée dans la langue, pour Grimm, et l’inexistence d’un espace public homogène et fonctionnel, pour Habermas. L’apport de P. Kraus est aussi, à cet égard, de souligner, de manière comparative , les situations empiriques de multilinguisme qui existent dans le monde (Canada, Belgique, Suisse, mais aussi, de manière moins attendue, Finlande, pays dont il pratique la langue où la diglossie suédois-finlandais est répandue, et situations plurilingues dans les États membres). Concernant l’espace public, les données de P. Kraus apportent la contradiction aux analyses de N. Fligstein, par exemple dans le domaine de la presse. Au lieu d’une homogénéisation normativement souhaitée par le dernier, le premier constate la persistance des zones linguistiques de diffusion et le traitement différencié, on pourrait dire la construction différenciée des nouvelles et de l’actualité : ce n’est même pas parce qu’on peut, nous dit-il, observer un traitement accru de « questions européennes » que l’on pourra à bon droit parler de communications culturelle-politique accrue, pour être en mesure de délibérer à propos d’un « common good » à l’intérieur d’un cadre qui soutient une cohésion sociale (p. 151). Non seulement les barrières à l’exercice en commun de la politique découlent des contraintes empiriques, mais encore les déterminants de cet exercice ne peuvent se réduire à des décisions quant au fait que les gens aient ou non bénéficié de l’européanisation, thèse constamment répétée par N. Fligstein, avec une nette propension, en la matière, pour la postulation d’acteurs rationnels. S’il est bien avéré en effet que l’éducation et les revenus sont des déterminants des opinions européennes des citoyens dans les divers États membres, leur choix face à l’Europe est aussi à situer dans leur cadre national, pas seulement, comme le laisse entendre N. Fligstein, pour les plus pauvres et les moins qualifiés, qui chercheraient à sauver leurs « privilèges » face à la libéralisation, mais, bien plutôt pour les sociétés dans leur ensemble (à l’exception de franges hyper-marginales, qui peuvent s’exonérer d’obligations de financer la protection sociale). Ces espaces de solidarité et de réciprocité ont bien été étudiés par B. Rothstein (1998) et par nombre de ses collègues scandinaves. De ce point de vue, si Euroclash il y a, ce ne serait pas un phénomène d’opposition unique, opposant des élites européanisées et des pauvres, des jeunes qui voyagent et des vieux nationalistes, mais une mosaïque d’affrontements bien réels entre les élites et les autres couches sociales, pays par pays, comme l’illustrent très bien les manifestations actuelles de populisme ethno-nationaliste dans plusieurs pays, manifestations au demeurant très faiblement coordonnées, et dont les déterminants, en partie conjoncturels, sont toujours marqués par des spécificités nationales.
L’importance centrale des langues dans l’Union européenne
Les analyses de la politique des deux auteurs sont donc très différentes, et l’on terminera cette mise en perspective comparative par la façon dont ils abordent, de façon si contrastée, la question linguistique. Les langues sont abordées de façon superficielle dans l’ouvrage de N. Fligstein, dont l’attention paraît en quelque sorte polarisée par la nécessité de prouver l’existence sociologique de ses trois « camps ». Comme tous les chercheurs, il utilise, de même que P. Kraus, les données des enquêtes Eurobaromètre, qui, malgré leurs limites – notées par les deux auteurs – s’imposent en quelque sorte comme des données de « premier secours ». Mais, N. Fligstein est convaincu par l’analyse de la Commission européenne, qui tend à embellir le cosmopolitisme intra-européen en analysant les enquêtes qu’elle commandite. Si, en effet, il apparaît effectivement que plus d’un Européen sur deux annonce pratiquer une seconde langue, ce n’est pas l’essentiel du message : d’une part il s’agit d’une mesure bien ambiguë, car faite sur la base d’auto-déclaration par des gens qui pratiquent « en voyage » ou en « regardant la télévision » ; d’autre part et surtout, ces moyennes cachent d’immenses inégalités, entre catégories sociales, entre hommes et femmes, entre pays, entre langues (Barbier, 2008, p. 251-258). Contrairement à cette vision optimiste, la pratique des langues est encore fort limitée. P. Kraus parle de l’opposition entre le multilinguisme officiel et la réalité bien plus prosaïque de l’usage de l’anglais de service, qui s’accompagne de l’usage persistant des langues nationales. Ce que montre P. Kraus, c’est que l’enjeu n’est pas simplement celui des « langues étrangères », des langues des « autres », mais d’abord celui de politiques linguistiques, à la fois au niveau national (il consacre un développement à l’ancrage divers de ces politiques dans le cadre national, que l’enquête de N. Fligstein n’aborde pas), et au niveau « communautaire ».
D’où la proposition d’un converging multilingualism, « multilinguisme convergent », qui constitue la proposition normative la plus importante de l’ouvrage de P. Kraus dans sa conclusion. Au passage, celui-ci espère que l’élargissement vers l’Europe centrale favorise le camp du multilinguisme. L’analyse repose sur plusieurs constats : en premier lieu, l’usage spontané de l’anglais international comme lingua franca ne peut pas être considéré comme neutre et pose des problèmes de justice. En deuxième lieu, cet usage généralisé, s’il s’imposait, poserait des problèmes politiques et de rétrécissement de la richesse culturelle européenne, malgré sa défense intéressée par les Britanniques et la campagne orchestrée pour dénoncer les coûts du multilinguisme (P. Kraus cite à ce propos François Grin qui démontre à la fois l’avantage considérable britannique dans la situation actuelle, et le fait que l’option d’un « tout-à-l’anglais » n’est pas systématiquement la moins coûteuse). Troisièmement, les limites inhérentes à l’anglais international – qui, d’ailleurs, sont nuisibles à l’anglais authentique – font que cette lingua franca est inadaptée pour une grande variété d’activités humaines, dont, au premier chef, la politique, mais aussi les rapports humains en général (P. Kraus développe l’analyse de la faiblesse des visions instrumentales de la langue qui la réduisent à une fonction de code, ignorant l’expressivité). Enfin, le traitement politique de l’égalité des langues est gros de possibilités de conflits. Le populisme ethno-nationaliste en est un exemple dans de nombreux pays, mais cette question devrait devenir plus visible à l’avenir : elle pourrait aisément être intégrée dans l’analyse de N. Fligstein, s’il envisageait de spécifier empiriquement des variantes d’Euroclashes au niveau national, éventuellement cristallisées, dans le futur, dans des conflits linguistiques, dont l’actualité belge semble emblématique. Le principe du « multilinguisme convergent » vise, au contraire, à la promotion de situations de diglossie ou de bi- et trilinguisme variables selon les situations socioculturelles (par exemple dans le contexte latin, le contexte scandinave, le contexte germanique, etc.). De ce point de vue, la faiblesse actuelle de la promotion du multilinguisme, sous le couvert de l’hommage symbolique systématique à la variété de la haute culture en Europe, préoccupe P. Kraus. Une politique européenne, au sens de communautaire, reste ainsi à construire, c’est la conclusion de son ouvrage qui se ferme par des considérations sur la montée du besoin de reconnaissance chez les citoyens, dont la reconnaissance de la diversité linguistique fait partie (y compris pour les langues régionales et des minorités). Cette reconnaissance, ainsi que l’application novatrice du principe de subsidiarité en matière linguistique, lui semblent faire partie de la nécessaire « politisation » de questions linguistiques qui n’ont jamais été thématisées systématiquement en tant qu’objets d’intervention explicite, et encore moins en tant que politiques financées – à part l’interprétariat et quelques opérations de prestige ou de « haute culture ». C’est, finalement parce que l’Europe intégrée a besoin de légitimité qu’elle ne peut pas se passer de se poser la question de ses langues et de sa diversité culturelle-politique. P. Kraus présente cette nécessité comme un cas particulier de l’accroissement de la « réflexivité » à propos de la diversité culturelle et comme un défi majeur. Cette conclusion jure avec celle de l’ouvrage de N. Fligstein, opposant des « winners » et des « losers » en quelque sorte désincarnés, du point de vue des avantages calculables qu’ils ont reçus et recevront potentiellement de l’intégration européenne.
Ce texte est publié en partenariat avec la revue Sociologie.
Référence électronique de l’article original : Jean-Claude Barbier, « Union européenne : cultures politiques, langues et identifications des citoyens », Sociologie [En ligne], N°1, vol. 1 | 2010, mis en ligne le 03 mars 2010, URL : http://sociologie.revues.org/122.
Barbier J.-C., La Longue marche vers l’Europe sociale, Paris, PUF « Le lien social », 2008.
Costa O. & Magnette P., dir., Une Europe des élites ? Réflexions sur la fracture démocratique de l’Union européenne, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 2007.
Cautrès B. et Grunberg G., « Position sociale, identité nationale et attitudes à l’égard de l’Europe, la construction européenne souffre-t-elle d’un biais élitiste », in Costa O. & Magnette P., dir., Une Europe des élites ? Réflexions sur la fracture démocratique de l’Union européenne, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 2007, p. 12-31.
Ferrera M., The Boundaries of Welfare, European Integration and the New Spatial Politics of Social Protection, Oxford, Oxford University Press, 2005.
Foret F., « La dimension élitaire dans la légitimation européenne », in Costa O. & Magnette P., dir., Une Europe des élites ? Réflexions sur la fracture démocratique de l’Union européenne, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 2007, p. 203-223.
Ross G., « Review Symposium », Socio-Economic Review, 2009, 7, p. 540-545.
Rothstein B., Just Institutions Matter, the Moral and Political Logic of the Universal Welfare State, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
Schmidt V. A., Democracy in Europe, EU and National Polities, Oxford, Oxford University Press, 2006.
Streeck W., « Review Symposium », Socio-Economic Review, 2009, 7, p. 545-552.
Pour citer cet article :
Jean-Claude Barbier, « Union européenne : cultures politiques, langues et identifications des citoyens »,
La Vie des idées
, 10 juin 2010.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://booksandideas.net/Union-europeenne-cultures
Nota bene :
Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction (redaction chez laviedesidees.fr). Nous vous répondrons dans les meilleurs délais.
[1] Cette indifférenciation entre en contradiction avec le fait empirique, au demeurant noté par l’auteur, de la propension divergente des électeurs à admettre plus d’intégration européenne de type fédéral, comme par exemple entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne, propension qu’il n’explique pas.
[2] L’auteur reprend, mais de façon paradoxale, la thèse classique des travaux de science politique, selon laquelle les gouvernements s’accrochent, pour garder leur pouvoir, à la détention des compétences en matière de protection sociale : la protection sociale serait la monnaie d’échange que ces gouvernements offriraient à leur électorat pour leur faire passer la difficile acceptation de la libéralisation du grand marché (p. 35).
[3] N. Fligstein n’attache pas d’importance à cet aspect des droits fondamentaux.