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Entretien Société Entretiens écrits

Les sciences sociales comme présence au monde
Entretien avec Didier Fassin


par Nicolas Duvoux & Mathieu Trachman , le 24 mars 2015
avec le soutien de Les entretiens du Collège



À l’occasion de la parution de son ouvrage sur la prison, Didier Fassin revient sur sa trajectoire intellectuelle. Celle-ci se caractérise par une diversification progressive des thèmes et des enjeux de l’enquête, mais aussi par l’élaboration d’une posture de recherche, à la fois critique et éthique, individuelle et collective.

Didier Fassin est professeur de sciences sociales à l’Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Il a été le directeur fondateur de l’Iris, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux. Conduits sur trois continents, ses travaux d’anthropologie et de sociologie traitent dans une perspective critique de questions morales et politiques dans les sociétés contemporaines, des expressions multiples de l’inégalité des vies, et des formes de l’engagement des sciences sociales. La Vie des idées publiera bientôt la recension de son dernier ouvrage, L’Ombre du monde : une anthropologie de la condition carcérale, paru en 2015 au Seuil.

L’ancrage dans l’anthropologie médicale

La Vie des idées : Vos premiers travaux se sont inscrits dans le champ de l’anthropologie médicale, et ont développé une critique de la santé publique. Vous avez enquêté sur la santé en milieu urbain au Sénégal, sur la mortalité des femmes dans les Andes équatoriennes, sur l’expérience du sida en Afrique du Sud, sur l’histoire du saturnisme en France, en analysant à chaque fois la manière dont la dimension politique pouvait s’y lire. Pouvez-vous nous rappeler dans quel contexte vous avez mené ces travaux et quels en étaient les enjeux ?

Didier Fassin : À mes débuts en sciences sociales, étant médecin praticien, j’ai assez logiquement été attiré – et un peu poussé aussi – vers l’anthropologie médicale qui était alors en pleine émergence et même effervescence. Venue des États-Unis, elle avait connu un développement rapide en France au début des années 1980, avec un grand colloque du CNRS, où se retrouvaient des ethnologues et des médecins qui faisaient ce qu’on appelait alors de l’ethnomédecine, à savoir une démarche assez classique de collecte et de mise en forme des représentations des maladies, des pratiques des malades, des recettes des guérisseurs dans des sociétés traditionnelles : Jean Benoist et Alain Epelboin se situaient dans cette ligne plutôt empirique. Leur approche faisait toutefois l’objet d’une critique et d’une contre-proposition de la part d’anthropologues sociaux qui ne considéraient pas que la médecine constitue, dans ces sociétés, un domaine séparé clairement identifiable, mais que la maladie et la manière dont on y fait face, tout comme le corps et ce qu’on en dit, donnent à lire le sens donné au malheur et les rapports de pouvoir dans une société : Marc Augé et Françoise Héritier étaient les tenants de cette orientation nettement plus théorique. En somme, les premiers s’inscrivaient dans l’héritage de W.H.R. Rivers (l’analyste des relations entre médecine, magie et religion) et les seconds dans la lignée d’E.E. Evans-Pritchard (le théoricien de la sorcellerie et de la politique). Mes travaux initiaux, au Sénégal, se situaient dans l’esprit de l’anthropologie de la maladie plutôt que de l’ethnomédecine.

Cependant, l’une comme l’autre me semblaient trop prises dans une vision du monde décalée des réalités ordinaires tant de l’expérience de la maladie (qui n’était pas seulement affaire d’interprétation et de symboles mais aussi de souffrance, d’anxiété et de mort) que de la pratique de la médecine (où le dispensaire jouxtait la consultation du marabout, où le généraliste se servait de la radiologie comme d’une technique divinatoire, où les agences de coopération internationale menaient à la fois des programmes de vaccination et des actions de promotion des guérisseurs). Surtout, ces deux approches tendaient à représenter le monde social de manière unifiée quand, au contraire, ce qui me frappait, c’étaient la pluralité des mondes et les disparités devant la maladie. Je me suis donc progressivement déplacé vers ce que j’ai proposé d’appeler une anthropologie politique de la santé, explorant « l’espace politique de la santé » et faisant droit aux « enjeux de santé publique » - titres de deux de mes livres de cette période. Au fond, il s’agissait de proposer une démarche plus réaliste, moins exotique, plus critique aussi, qui rende compte des transformations en cours sur le continent africain, un peu comme l’avait fait, trois décennies plus tôt, Georges Balandier, directeur de ma thèse de doctorat, lorsqu’il avait écrit sa Sociologie actuelle de l’Afrique noire, en se démarquant des ethnologies africanistes anhistoriques et dépolitisées de son époque telles les cosmogonies de Marcel Griaule. Mes recherches ultérieures en Équateur, en Afrique du Sud et en France se situent clairement dans cette perspective où l’histoire et la politique ont toute leur place, où les inégalités sociales et les conflits idéologiques sont pris au sérieux.

La Vie des idées : Si vos objets de recherche se sont diversifiés, la question de la vie – dans ses dimensions médicales, politiques, mais aussi morales, traverse votre travail. Il implique un dialogue avec des analyses foucaldiennes, mais aussi avec d’autres philosophes, comme Judith Butler. Qu’est-ce qui motive l’attachement à ce thème, et comment l’aborder en anthropologue ?

Didier Fassin : C’est en effet un paradoxe dont j’ai mis longtemps à prendre conscience. Alors que la vie constitue la matière même de l’anthropologie – vie des gens au milieu desquels on conduit ses recherches, vie qu’on leur demande de raconter – elle n’a guère été thématisée en tant que telle, et moins encore problématisée. Ou plutôt, elle l’a été dans l’héritage, pas toujours reconnu, de Georges Canguilhem, pour qui la vie, c’est d’abord le vivant, autrement dit le biologique, même s’il n’exclut pas, dans l’un de ses textes, une autre dimension, expérientielle, à savoir le vécu. Ce riche courant anthropologique, de Paul Rabinow à Sarah Franklin, se réfère à la notion de « vie même », life itself, étudiant la manière dont les sciences de la vie, la génomique et l’épigénétique notamment, redéfinissent notre conception de ce qu’on pourrait appeler la nature humaine.

En revanche, de la vie des personnes, à la fois en tant que trajectoire biographique et condition humaine, comme dit Hannah Arendt, ou de façon plus ordinaire, en tant que rapport au monde, aux autres et à soi, comme le propose Veena Das, il était, jusqu’à une période récente, peu question en anthropologie. C’est cette autre voie que j’ai voulu emprunter, en analysant plus spécifiquement la manière dont les sociétés traitent à la fois la vie, de manière absolue, et les vies, de façon relative. La vie est en effet devenue une sorte de valeur suprême qu’il faut préserver par-dessus tout, ce que Walter Benjamin avait déjà identifié, parlant de « sacralisation de la vie ». En même temps, les vies concrètes sont traitées de manière très inégale du point de vue de ce qu’elles valent, au point que Maurice Halbwachs pouvait dire qu’en fonction de l’importance qu’elle accorde à la vie de ses membres, chaque société a finalement « la mortalité qui lui convient ».

En liant ces deux aspects, j’ai proposé de reformuler deux concepts de Michel Foucault : plutôt que le biopouvoir, qui est un pouvoir sur la vie, je suggère que la biolégitimité, autrement dit le pouvoir de la vie, ou plus exactement la reconnaissance de la vie comme bien supérieur, est l’élément fondamental du rapport philosophique à la vie dans le monde contemporain ; plutôt que de biopolitiques, qui signifient la régulation des populations, j’invite à penser les politiques de la vie, sous la multiplicité des manières dont on traite les vies. Contrairement à ce que l’on croit, Michel Foucault, dont le travail a été une source d’inspiration essentielle pour moi, ne parle quasiment pas de la vie dans son œuvre, alors même qu’il utilise des termes dont l’étymologie semble s’y référer. C’est cette lacune que j’essaie de combler. Je l’ai fait en croisant, autant que possible ce que les politiques font aux vies humaines et comment les individus font l’expérience de cette vie. Ma récente ethnographie de la prison peut être lue selon cette grille : d’une part, ce que notre manière de punir sélectivement révèle de la valeur que notre société accorde à certaines vies par rapport à d’autres, et d’autre part, comment les détenus vivent ces fragments d’existence à l’écart du monde.

Probablement est-ce là que mon travail se distingue de celui de Judith Butler. La vie précaire dont elle parle est ontologique, c’est la précarité de toute existence, au sens d’Emmanuel Levinas. Je parle de gouvernement des vies précaires, au pluriel, en m’attachant aux conditions objectives et subjectives d’existences qui sont inscrites dans une histoire et prises dans des rapports d’inégalité. Toutes les vies n’ont pour moi pas la même précarité : les jeunes de milieu populaire et d’origine immigrée vivant dans des cités et les jeunes des classes supérieures habitant les quartiers riches, les résidents des townships noirs sud-africains et les citadins des gated communities blanches, les réfugiés palestiniens et les citoyens israéliens, pour m’en tenir à des exemples que j’ai étudiés, ne font pas l’expérience de la même précarité de la vie.

Le tournant de l’anthropologie politique et morale

La Vie des idées : Vous avez attaché de plus en plus d’importances aux enjeux moraux des relations sociales, aux normes mobilisées par les individus ou par les politiques pour distinguer le bien du mal, aux variations du juste et de l’injuste. Comment aborder la morale en anthropologue ?

Didier Fassin : En travaillant sur une série de sujets contemporains allant de la régularisation des sans-papiers pour raison médicale en France à la prise en charge des orphelins du sida en Afrique du Sud, il m’est devenu évident que les enjeux politiques autour de ces questions étaient sous-tendus par des sentiments moraux, notamment par une mobilisation compassionnelle qui entrait en tension avec la logique répressive : on pourchassait pour les expulser les étrangers en situation irrégulière, mais on leur accordait un titre de séjour lorsqu’ils souffraient de maladies graves ; on manifestait de l’empathie à l’égard des enfants africains dont les parents étaient morts du sida, mais on redoutait qu’ils ne soient une menace pour la sécurité en devenant des délinquants ou des mercenaires. Compassion et répression entraient dans une relation dialectique. En s’appuyant sur une série d’enquêtes conduites pendant une dizaine d’années, le livre sur le gouvernement humanitaire tente d’explorer ces tensions autour des politiques et des pratiques humanitaires à l’égard des chômeurs, des pauvres, des immigrés et des demandeurs d’asile dans le contexte français, d’une part, et à l’égard des sinistrés d’une catastrophe naturelle au Venezuela, des habitants des territoires palestiniens lors de la seconde Intifada et des victimes du sida en Afrique du Sud, d’autre part.

La prise de conscience de cette imbrication de la morale et de la politique m’a conduit à tenter de réfléchir plus avant, dans le cadre d’un contrat du Conseil européen de la recherche, sur ce que l’anthropologie pouvait avoir à dire sur ce thème. Je n’étais évidemment pas le premier à le faire, même si les travaux étaient alors peu nombreux. J’ai donc dans un premier temps dressé une sorte de cartographie intellectuelle de l’anthropologie morale. Elle se déploie selon deux axes principaux. Le premier axe, d’inspiration durkheimienne, se rattache à la tradition kantienne de l’éthique du devoir : les individus obéissent à des normes sociales dont la transgression donne lieu à des sanctions. Les ethnologies nourries de cette approche se sont concentrées, dès les années 1950, avec Kenneth Read en Papouasie-Nouvelle Guinée et John Ladd chez les Navajos, sur les codes moraux, c’est-à-dire l’ensemble de règles et de principes que les individus respectent dans leur société. Évidemment cette approche soulignait le rôle de la contrainte. Le second axe, d’inspiration foucaldienne, s’inscrit dans le lointain héritage aristotélicien de l’éthique de la vertu : les individus se construisent comme sujets moraux par un travail sur eux-mêmes qui n’est jamais réductible à l’application de normes dictées de l’extérieur. Les ethnographies se réclamant de cette nouvelle lecture se sont développées, au début des années 2000, notamment avec James Laidlaw, qui s’est efforcé de comprendre les pratiques de renoncement des Jaïns indiens, et Saba Mahmood, qui a voulu redonner sens à la place de la prière dans les mouvements piétistes parmi les femmes musulmanes d’Égypte ; il s’agit pour ces auteurs de penser des subjectivités morales, autrement dit des techniques de soi engageant des expressions exigeantes d’une éthique personnelle. Au contraire des précédentes, ces études privilégient donc la liberté.

Au-delà de leurs évidentes différences, ces deux lignes de recherche ont en commun de considérer qu’il existe un objet moral qu’il est possible d’isoler sous la forme de codes ou de subjectivités. Sans nier l’intérêt de cette proposition, il me semble que le travail empirique nous montre que la morale n’est jamais entièrement isolable des conditions sociales de production de valeurs et d’affects, et en particulier de leurs dimensions historique, culturelle et politique. La compassion, par exemple, est un sentiment moral dont on pourrait supposer qu’il est une manifestation universelle d’empathie envers des êtres souffrants. Pourtant son expression sociale varie dans le temps et selon les contextes. Pensons à la manière dont en France les foules se réjouissaient de séances de supplices jusqu’au XVIIIe siècle, dont la flagellation des esclaves aux États-Unis il y a cent ans ou la lapidation des auteurs d’adultère en Iran il y a seulement quelques années étaient des spectacles populaires, enfin dont aujourd’hui encore, dans de nombreux pays du monde, les surveillants traitent les détenus et les policiers les suspects sans susciter d’indignation. L’entrée de la compassion dans le gouvernement des hommes et même, plus récemment, des animaux est donc un fait historique et politique. Plus généralement, je crois heuristique de penser la morale comme un objet en quelque sorte impur, comme une gemme qu’on ne pourrait extraire de sa gangue sociale. C’est dans cette voie que s’était engagé Max Weber en associant l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme ou encore en distinguant une éthique de conviction et une éthique de responsabilité. Cette dernière correspond à l’éthique conséquentialiste des philosophes, qui considère qu’une conduite morale n’est pas déterminée en termes de devoir ou de vertu mais en fonction de ses conséquences prévisibles. Cette approche est la grande oubliée des travaux anthropologiques d’inspiration durkheimienne et foucaldienne coupés des dimensions historique et politique de la production de morale. C’est celle que j’ai essayé de développer dans mes recherches.

La Vie des idées : Dans vos travaux récents, vous avez justement repris la notion d’ « économie morale » pour analyser des situations aussi diverses que les demandes d’asile, le traumatisme psychique, la police ou la prison. Que signifie cette notion, et dans quelles traditions s’inscrit-elle ? Pourquoi s’attacher aux questions morales aujourd’hui, alors que les enjeux économiques des rapports sociaux sont souvent considérés comme beaucoup plus déterminants, et quelle est cette « économie » des économies morales ?

Didier Fassin : Le concept d’économies morales m’a permis de penser les enjeux moraux autour de problèmes contemporains. Il en existe une première version, celle de l’historien britannique E.P. Thompson qui, au début des années 1970, affirmait, contre ses collègues marxistes orthodoxes, que, lorsqu’ils se révoltaient, les paysans au XVIIIe et les ouvriers au XIXe siècle n’étaient pas seulement mus par des raisons matérielles, comme la pauvreté, voire physiologiques, comme la faim, mais par des raisons morales, à savoir la rupture du contrat social les liant avec les commerçants, dans le premier cas, avec les patrons, dans le second. Au fond, contre l’amoralité de l’économie de marché qui n’admet que la concurrence sans limite, ils défendaient une économie morale traditionnelle faite de devoirs et d’obligations réciproques. Mais il existe une seconde version, celle de l’historienne des sciences états-unienne Lorraine Daston qui, s’intéressant au travail des savants du XVIIe siècle, récuse à la fois les approches rationalistes, voire idéalistes, qui décrivent la science comme un exercice de la raison, et stratégiques, voire cyniques, qui considèrent les scientifiques s’inscrivent dans des jeux de pouvoir. Pour elle, l’économie morale de la science est constituée des réseaux de valeurs et d’affects à l’œuvre dans le travail des savants, à travers l’investissement moral qu’ils ont dans des principes tels que l’objectivité ou la quantification. Ces deux significations des économies morales sont a priori sans lien, la première étant une économie au sens contemporain des biens et des services et la seconde une économie au sens classique d’un arrangement ordonné de choses. J’ai pourtant essayé de les rapprocher et de les dépasser, ou plutôt de me servir des forces de l’un pour contrebalancer les faiblesses de l’autre, et réciproquement. La première est trop normative (elle désigne le côté du bien) et trop restrictive (elle ne vaut que pour les dominés). La seconde a perdu la dimension politique (en particulier l’importance du conflit).

J’ai donc proposé de définir l’économie morale comme la production, la circulation et l’appropriation de valeurs et d’affects autour d’un objet social. C’est là un élément essentiel. Pour E.P. Thompson et ses émules, comme James Scott, l’économie morale caractérise un groupe, par exemple les paysans. Pour Lorraine Daston, et ceux qu’elle inspire, elle concerne une activité, notamment la science. Pour les uns comme pour les autres, il s’agit au fond d’une sorte de culture ou de sous-culture, soulignant la dimension économique pour les premiers et la dimension morale pour les seconds, dans les deux cas avec le risque d’une certaine réification. En considérant que l’économie morale fait sens par rapport à un objet social, on évite cet écueil, car elle évolue en fonction de la manière dont la société le problématise. Prenons l’exemple de l’économie morale de l’asile. Dans les années 1970, plus de neuf demandeurs sur dix obtenaient le statut de réfugié. Au début des années 2000, ils étaient moins de deux sur dix. Ce qui a changé, entre les deux moments, ce n’est pas, comme on le croit souvent, l’augmentation du nombre de candidats à l’asile, car il n’existe aucune corrélation entre ce chiffre et le taux de reconnaissance. C’est la façon dont on considère les requérants. Il y a quarante ans, les persécutés des dictatures latino-américaines étaient considérés comme des résistants héroïques tandis que les boat people fuyant les régimes communistes asiatiques étaient vus comme des victimes absolues. Quelques décennies plus tard, tout le travail de l’administration à leur égard vise à traquer les erreurs, les inconsistances et les contradictions dans les récits et les preuves, pour débusquer les supposés faux demandeurs, y compris lorsqu’ils viennent de pays dont on sait les violences qui s’y déroulent, comme Haïti ou la République démocratique du Congo. Du point de vue des sentiments moraux, on est passé de l’admiration et de la compassion à la suspicion. Autrement dit, ce sont moins les conditions objectives que les perceptions subjectives qui ont évolué. Dans une même logique, j’ai analysé l’économie morale de l’immigration, pour montrer comment la légitimité du corps de l’immigré, fondée sur sa productivité pendant les premières décennies de l’après-guerre, s’était recentrée sur la souffrance au cours de la période récente, la maladie faisant l’objet d’un discrédit pendant les années de croissance économique et à l’inverse autorisant désormais la régularisation, ou bien encore l’économie morale de la punition, afin de rendre compte de l’évolution des politiques pénales vers une sévérité croissante déconnectée des tendances de la criminalité et focalisée sur la petite délinquance plutôt que la délinquance économique et financière avec pour résultat la multiplication par trois de la population carcérale en un demi-siècle, essentiellement au détriment des milieux populaires, surtout d’origine immigrée.

La Vie des idées : Tout en évitant le risque de la réification, la notion a donc pour vous une dimension critique.

Didier Fassin : La portée critique des économies morales telles que je les conçois tient à ce qu’elles mettent en évidence et permettent dès lors de questionner les valeurs et les affects que nous naturalisons habituellement, en les considérant comme allant de soi. En réintroduisant les dimensions historique et politique, comme on le voit pour les exemples de l’asile, de l’immigration ou de la punition, elles montrent que nous n’avons pas toujours suspecté les candidats au statut de réfugié, que la compassion manifestée à l’égard des immigrés malades a pour contre-point la perte de leur valeur économique et de leur reconnaissance politique, que la rigueur sélective dans l’allocation des peines de prison est l’une des réponses à l’approfondissement des inégalités sociales. L’économique, le politique, le judiciaire, le social relèvent aussi de choix moraux de nos sociétés.

Ethnographie, public, écriture

La Vie des idées : Aujourd’hui, vous posez la question de la dimension critique ou politique des sciences sociales dans le cadre d’une « ethnographie publique ». Qu’entendre par une telle expression, et comment se distingue-t-elle d’autres formes d’engagement ? Quelle axiologie, quels critères mettez-vous en œuvre pour intervenir dans le débat public en tant que sociologue ou anthropologue ?

Didier Fassin : Les chercheurs en sciences sociales, dès lors qu’ils s’expriment par l’écrit ou oralement, rencontrent un public. Il peut s’agir de collègues dans un séminaire, d’étudiants dans un amphithéâtre, de lecteurs intéressés par un livre, d’auditeurs d’une émission de radio. Or, cette dimension publique de notre travail est pratiquement absente de la recherche et de l’enseignement. Les seules tentatives qui aient été proposées en ce sens ces dernières années, principalement aux États-Unis, relèvent d’une approche normative, celle de Nancy Scheper-Hughes, en faveur d’une anthropologie publique, ou dans un sens un peu différent, celle de Michael Burawoy, pour une sociologie publique. Ces démarches sont respectables et je me reconnais pour une part dans l’effort d’aller vers un public qui ne soit pas seulement académique, mais mon propos, lorsque je considère l’ethnographie publique, n’est pas d’ordre normatif. Il est de nature analytique.

Ce qui m’intéresse, c’est de penser le rapport des sciences sociales à leur public, ou plutôt, comme le dit Michael Warner, à leurs publics et même leurs contre-publics. C’est de ne pas arrêter la recherche à la publication d’un livre ou d’un article, mais de comprendre ce qui se passe ensuite. Il est tout de même remarquable que le mot « publication », qui engage donc le projet de rendre public et de rencontrer un public, ne soit pas véritablement pris au sérieux par les sociologues et les anthropologues qui n’en font pas un objet d’analyse scientifique. Or, cette vie publique des sciences sociales prolonge notre recherche à travers sa réception, les réactions qu’elle suscite, les critiques qu’elle provoque, les implications qu’elle peut avoir sur les personnes ou les institutions dont nous parlons. J’avais commencé à réfléchir à cette question à la suite de la parution de mon livre sur le sida en Afrique du Sud qui, d’un côté, avait transformé la manière dont les chercheurs, les responsables politiques et les organisations non gouvernementales, dans les pays du Nord, appréhendaient la controverse scientifique et la crise politique qui en résultait, et de l’autre, avait donné lieu, dans le pays concerné, à des lectures parfois hostiles de certains acteurs prééminents de la lutte contre l’épidémie. Je m’étais alors interrogé sur les différentes modalités de la responsabilité du chercheur en fonction de sa situation dans l’espace social étudié.

Cependant c’est surtout avec mes ouvrages sur la police et sur la prison que je me suis décidé à faire de cette dimension publique de notre travail un objet de réflexion en tant que tel. Il faut dire que dans les deux cas j’avais d’emblée conçu, à travers l’écriture, un rapport différent avec le public. Bien plus qu’autrefois, la sociologie et l’anthropologie se donnent en effet une forme et un langage qui les coupent d’une audience large et les confinent dans les cercles académiques. Il y a de bonnes raisons à ce qu’il en soit de la sorte : l’institutionnalisation, la légitimation et, si l’on peut dire, la scientifisation de ces disciplines passent par l’adoption de certaines règles que je respecte moi-même quand je publie des articles dans des revues scientifiques. Mais il y va aussi d’un souci de se protéger : on peut être d’autant plus critique qu’on n’est pas lisible et donc pas lu par ceux que l’on critique. Il est vrai que l’ethnographie, parce qu’elle implique l’autorité de la chose vue ou entendue et parce qu’elle recourt à une écriture libérée de l’habituel appareil académique opacifiant, peut produire un effet puissant sur le lecteur. Élaborer une réflexion sur la manière dont l’institution policière juge les accusations de violence portées contre ses agents sans pouvoir dire ce qui s’est réellement passé, ou décrire une scène de violence ordinaire telle qu’elle s’est déroulée dans un commissariat en interprétant sa signification, n’a pas le même impact sur le public.

Or, n’y a-t-il pas un intérêt intellectuel – et même une nécessité éthique – à la confrontation avec un public plus large, y compris ceux qu’on étudie, et à la sollicitation de journalistes, de responsables politiques, de lecteurs profanes, autrement dit à l’épreuve de questions qu’on ne se pose plus dans l’entre soi de la recherche ? La démarche présente des risques, bien sûr, ou tout au moins des enjeux spécifiques, qui sont évidemment différents selon qu’on dispose d’une quarantaine de pages pour analyser le problème complexe de la discrimination et du racisme dans les forces de l’ordre ou d’une minute pour répondre à une question sur ce thème en direct à la radio. On peut choisir de se tenir à l’écart du débat public : cette attitude, habituelle, est estimable. On peut aussi penser que les sciences sociales ont quelque chose à gagner dans la rencontre avec des publics, à la fois en reconnaissance et en pertinence sociales, mais aussi en extension de leur domaine de réflexion : c’est ma position aujourd’hui et je la défends sans prosélytisme. J’ai commencé à la constituer en objet de recherche dans plusieurs articles scientifiques, ainsi que dans un séminaire international que j’ai organisé et qui va prochainement donner lieu à un ouvrage collectif dans lequel des chercheurs se penchent dans un esprit critique sur la vie publique de leur ethnographie.

La Vie des idées : L’ethnographie est une méthode particulière, c’est aussi un travail d’écriture spécifique. Vous utilisez ainsi différents registres d’écriture, dans vos livres, vos articles dans des revues académiques, vos interventions dans des journaux. Comment qualifier la spécificité de l’écriture ethnographique ?

Didier Fassin : En effet, l’ethnographie est à la fois méthode, à savoir présence longue parmi celles et ceux que l’on étudie, et écriture, comme son étymologie le suggère. La plupart des travaux qui lui sont consacrés, qu’ils soient pédagogiques ou réflexifs, se concentrent sur le premier aspect, disons le « terrain », parfois cultivé jusqu’au fétichisme, en négligeant le second. Or il n’y a pas d’ethnographie sans écriture. Les auteurs de l’ouvrage important Writing Culture, dirigé par James Clifford et George Marcus, l’avaient bien relevé, mais c’était pour remettre en cause l’autorité ethnographique. Je crois pour ma part que cette autorité existe bien et qu’il faut donc non pas la récuser, ce qui est sans effet, mais l’assumer dans son ambiguïté et dans la responsabilité qui en résulte.

C’est en effet dans ce travail d’écriture, qui n’est ni simple transcription d’un matériau patiemment collecté ni même traduction d’une matière brute dans une forme organisée que s’élabore l’œuvre ethnographique. En cela, ce travail est une création. Si l’ethnographie est le type même de la démarche inductive, autrement dit partant des faits empiriques pour produire des analyses théoriques, c’est dans ce moment de création que tout se joue. Le matériau collecté ne parle pas : on le fait parler. De la même manière qu’on ne sait pas ce qu’on va trouver lorsqu’on commence une enquête utilisant cette méthode, on ignore en bonne partie ce que sera le produit final au moment où on se met à l’écrire. Si on le sait par avance, alors ce n’est plus une recherche. Il y a, dans le travail d’écriture, une double élaboration, qui est à la fois scientifique et littéraire.

Par la liberté qu’il autorise, le livre me semble offrir l’espace matériel et intellectuel où se réalise le mieux cette création. A la différence de l’article de revue, qui obéit à des codes précis, qui fait l’objet de la sanction des pairs et qui fonctionne au fond sur le mode de la reproduction de ce qu’un milieu donné considère comme étant de la bonne science, le livre est ce qu’en fait son auteur. Je crois que trop peu de chercheurs en sciences sociales tirent avantage de cette liberté : ils écrivent un livre comme ils écriraient une série d’articles. Ce qui explique que certains anthropologues aient cherché à faire, pour se libérer du carcan académique, ce que Vincent Debaene appelle leur « deuxième livre », dont le parangon est Tristes tropiques – aujourd’hui un classique, qui valut cependant à son auteur des commentaires assez méprisants de certains de ses influents collègues.

Écrire une ethnographie c’est non seulement restituer un monde mais aussi en livrer le sens. C’est le donner à comprendre. La description, la narration, l’interprétation ont partie liée. Le choix d’une scène, d’un événement ou d’un concept n’est jamais neutre. J’ai essayé, dans mes derniers ouvrages, de mettre en œuvre de manière de plus en plus délibérée cette méthode d’écriture en m’attachant à ne pas séparer artificiellement l’empirique et le théorique comme on tend souvent à le faire, mais à instiller l’analyse dans le cœur du récit, à montrer le cheminement de la réflexion, à développer une sorte de dialogue avec le lecteur, à renvoyer l’appareil critique en fin de volume. Il ne s’agit toutefois pas d’opposer des écritures – l’ouvrage, l’article scientifique, la tribune de presse, et pour d’autres, le film – mais de les différencier. Chaque forme et chaque support ont leurs qualités propres, mais c’est dans le livre que l’ethnographie trouve le mieux à se déployer. Dans l’article scientifique, les conventions sont plus fortes. Dans la tribune de presse, l’espace est trop restreint.

La Vie des idées : Cette ethnographie est devenue, de plus en plus au fur et à mesure de vos travaux, collective : c’est le cas du travail sur les nouvelles frontières de la société française, ou de celui sur la morale de l’État. Comment fonctionne cette ethnographie collective et, outre l’accumulation de données, permet-elle de produire des connaissances spécifiques ?

Didier Fassin : L’expérience collective de l’ethnographie avait initialement une fin surtout pratique, à savoir la construction d’un laboratoire de recherche autour de projets intellectuels communs. S’agissant des doctorants, c’était aussi un moyen de leur obtenir une rémunération en les intégrant dans des programmes scientifiques. C’est ainsi que s’est développée une partie de mes travaux sur la santé publique, le saturnisme infantile, l’urgence sociale, l’immigration et l’asile. Cette expérience s’est ensuite prolongée en lien avec une évolution des financements de la recherche publique, au niveau français et plus encore européen, portant sur des projets toujours plus grands et plus coûteux, ce qui, du reste, ne correspond pas nécessairement aux besoins des sciences humaines et sociales. Dans cette période, j’ai expérimenté plusieurs formats, entre sept personnes pour l’enquête sur le sida dans le contexte sud-africain et quarante pour la recherche sur les nouvelles frontières de la société française, avec une situation intermédiaire d’une douzaine de chercheurs et doctorants pour le programme sur l’anthropologie morale de l’État, qui a particulièrement bien fonctionné.

A priori, le travail ethnographique se prête pourtant mal à l’exercice collectif : construire dans la longue durée des relations de confiance et d’intimité, être présent dans des moments délicats de la vie d’une personne ou d’une institution, tout simplement trouver sa place dans un véhicule de police ou une cellule en prison suppose généralement d’être seul, mais il y a des exceptions comme assister à une audience judiciaire ou une réunion publique. Pratiquée à plusieurs, l’ethnographie implique donc souvent une multiplication des terrains : l’enquête sur l’État s’est ainsi déroulée dans quatre prisons, quatre tribunaux, une cour de justice, une circonscription de police, un service de protection judiciaire de la jeunesse, une mission locale pour jeunes demandeurs d’emploi, une maison des adolescents en milieu hospitalier, toutes ces institutions ayant en commun de prendre en charge des personnes de milieu populaire, souvent d’origine immigrée, confrontées à des formes diverses de précarité. Cette diversification des sites a permis d’aborder de nombreuses configurations institutionnelles et d’enrichir ainsi notre compréhension de l’État. Nous avons enquêté à dix pendant cinq ans. Il aurait été impossible à un chercheur seul de mener à bien une telle recherche.

Mais s’il n’était pas sur le terrain, le travail collectif avait lieu avant et après : avant, dans la construction de l’objet de la recherche, de sa méthode, de ses techniques, de ses principes éthiques ; après, dans l’analyse des données, la discussion des interprétations, la confrontation des différences, l’élaboration d’un cadre théorique d’ensemble. Il ne faut d’ailleurs pas penser cet avant et cet après comme deux moments au début et à la fin de la recherche. C’est au contraire tout au long de l’enquête, dans certains cas même quotidiennement que des échanges avaient lieu, permettant des réajustements, l’introduction de nouvelles questions, l’exploration de nouvelles idées. Quand ces interactions durent pendant cinq ans, se construisent ainsi une démarche et un ethos communs qui, d’une part, aboutissent à des résultats de recherche bien plus riches et affinés, et d’autre part, contribuent à la formation en quelque sorte d’un chercheur collectif – comme Pierre Bourdieu parlait d’un intellectuel collectif. En cela, il y a dans cette approche une potentialité de transformation du champ scientifique.

La Vie des idées : Sur vos terrains, la description ethnographique rencontre des travaux littéraires ou journalistiques. Dans le cas de la police ou des banlieues, la description ethnographique fait face à des œuvres comme The Wire, auquel vous avez consacré un article. Comment abordez-vous le rapport entre l’ethnographie et la fiction ?

Didier Fassin : L’ethnographie se situe à l’intersection du travail scientifique et du travail littéraire. J’essaie de défendre et de pratiquer les deux. Il y a un enjeu majeur, pour les sciences humaines et sociales, à n’en rabattre sur aucune de ces deux exigences. Certains contestent la scientificité de l’ethnographie, en disant que les constats établis sont circonscrits par le terrain d’enquête, ce qui ne permet pas leur généralisation, et sont le produit de l’interprétation du chercheur, ce qui n’autorise pas leur objectivation, et ils lui opposent des approches quantitatives sur la base d’échantillons tirés au sort avec des techniques contrôlées, qui garantiraient l’une et l’autre. Cette forme de délégitimation n’est du reste pas seulement de nature scientifique : elle engage aussi des enjeux politiques, en discréditant la fonction potentiellement critique de l’ethnographie. Je revendique au contraire cette scientificité, et je crois que l’on peut souvent dire des choses plus justes lorsque l’on consacre des mois ou des années à étudier un monde social de l’intérieur que quand on fait passer des questionnaires d’une heure par des enquêteurs qui ne connaissent pas ce monde.

Pour autant, l’ethnographie est aussi une pratique littéraire, non pas dans la mesure où il s’agirait de « bien écrire », mais parce que c’est un travail de création, qu’il s’agisse, à certains moments, de reconstituer un monde social, ou bien à d’autres, de faire émerger des propositions théoriques. Dans certains travaux récents, j’ai essayé de repenser les relations entre ethnographie et fiction, en mettant en parallèle d’une part mon enquête sur le sida en Afrique du Sud et les admirables ouvrages de J.M. Coetzee, comme Disgrace, et d’autre part mon étude sur la police en France et la remarquable série télévisée de David Simon, The Wire. Dans les deux cas, la barre est placée haut, du côté de la fiction… En m’appuyant sur une distinction que fait implicitement Marcel Proust dans Le Temps retrouvé, entre la vraie vie et la vie réellement vécue, et sur une autre assez proche que propose Martha Nussbaum, entre la réalité comme horizontale, à la surface des faits, et la vérité comme verticale, plongeant dans les profondeurs de l’existence, j’ai essayé de repenser la relation entre ethnographie et fiction. De prime abord, on pourrait penser que la première décrit la réalité quand la seconde recherche la vérité. Mais je montre que, de même que les chercheurs tentent à travers leurs interprétations d’accéder à une forme de vérité qui transcende les faits qu’ils rapportent, les auteurs de fiction s’intéressent de plus en plus souvent à la réalité sur laquelle ils s’appuient volontiers pour construire leurs œuvres. Au-delà de ce parallèle entre les deux approches, ma réflexion se veut une défense et illustration de l’ethnographie, bien loin de sa définition lévi-straussienne qui la réduisait à une collecte de données, alors qu’elle implique au contraire, sous des modalités diverses, la totalité de la pratique et du savoir des sciences sociales.

par Nicolas Duvoux & Mathieu Trachman, le 24 mars 2015

Aller plus loin

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Pour citer cet article :

Nicolas Duvoux & Mathieu Trachman, « Les sciences sociales comme présence au monde. Entretien avec Didier Fassin », La Vie des idées , 24 mars 2015. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net/Les-sciences-sociales-comme-presence-au-monde

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