Essai Société

Le localisme universitaire, nouvelles évaluations


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En analysant près de 8 000 recrutements à la maîtrise de conférences en France entre 2017 et 2024, Olivier Godechot, Rachel Issiakou, Yann Renisio et Adrien Rougier reviennent sur la question ancienne et controversée du localisme académique.

La question du localisme académique [1], à savoir le recrutement préférentiel des anciennes membres de l’université comme enseignante-chercheuse [2], est un objet de débat récurrent en France [3]. Certains y voient une forme de clientélisme préjudiciable à l’équité et à la qualité du recrutement académique, d’autres une logique d’efficience privilégiant les personnes déjà adaptées à l’écosystème local, et donc susceptibles d’y être rapidement efficaces, d’autres, enfin, un reflet des préférences et de l’immobilisme des candidates elles-mêmes [4]. Il suscite des prises de position en faveur ou en défaveur de sa régulation ainsi que des travaux académiques cherchant à mesurer son amplitude et ses effets.

Une des coautrices de notre article précédent y avait d’ailleurs doublement participé en soutenant son interdiction en 2007 [5] et en menant une première estimation empirique du phénomène en 2008 [6]. En l’absence de données sur les personnes effectivement recrutées, nous avions approché ce phénomène grâce au fichier des thèses soutenues entre 1970 et 2002 en comparant la probabilité pour une docteure locale ou extérieure de devenir directrice de thèse dans une université donnée. Nous avions ainsi estimé que les docteures locales avaient en moyenne 18 fois plus de chances que les docteures extérieures de devenir directrices de thèse quelques années plus tard. Cette estimation était fort imparfaite du fait de la différence entre un recrutement comme maîtresse de conférences et une première direction de thèse [7]. En outre, le temps séparant ces deux étapes de la vie académique ne permettait qu’une approximation assez datée du phénomène, informant de fait sur le localisme entre le milieu des années 1970 et le début des années 1990.

Dans le sillage, et parfois en amont, des débats des années 2000, différentes instances, que ce soit le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, des universités ou des disciplines ont tenté de revenir sur le localisme par divers moyens.

Depuis le début des années 2000, le ministère de l’enseignement supérieur a mis au point divers indicateurs comme le « taux de recrutement local » ou « l’indice de mobilité académique » qui servent à la fois de dispositifs statistiques de mesure, mais aussi d’outils de pilotage et d’incitation lors des évaluations d’établissements ou de laboratoires. La réforme des concours de recrutement de 2008 transformant les « commissions de spécialistes » en « comités de sélection » a augmenté la part des membres extérieures à l’université d’un tiers à la moitié avec l’objectif affiché de diminuer le localisme [8].

Une discipline, les mathématiques, a collectivement décidé au début des années 2000 de bannir le recrutement local. Ses membres s’engagent à s’abstenir de recruter leurs anciennes docteures lorsqu’ils siègent dans les instances de recrutement de leur université, conduisant à une disparition quasi complète des recrutements locaux dès 2005 [9]. Dans d’autres disciplines, comme en sciences économiques, certains départements, sous l’influence des pratiques états-uniennes, s’imposent des normes similaires [10]. À partir du milieu des années 2000, certaines disciplines comme la science politique [11], suivie quelques années plus tard par d’autres comme la sociologie, se mobilisent pour collecter et publier des données sur les recrutements : composition des commissions de spécialistes puis des comités de sélection, listes des candidates auditionnées et classées. Cette opération de transparence exerce potentiellement une fonction de surveillance et pourrait inciter à une forme d’autorégulation, pour éviter les critiques suscitées par des formes trop patentes de clientélisme.

Enfin, certains établissements académiques, comme Sciences Po à partir du début des années 2010, excluent tacitement leurs anciennes docteures du choix des possibles lors d’un recrutement d’une assistant professor ou d’une maîtresse de conférences.

À un moment où différentes instances académiques en France tentent, comme dans d’autres pays [12], plus ou moins fermement et avec plus ou moins de succès, de revenir sur le localisme, il n’est pas inutile aussi de revenir statistiquement sur le phénomène, pour mesurer le chemin parcouru et, s’il y a lieu, celui qu’il faudrait encourager à l’avenir.

Dans le cadre de cet article, nous nous focalisons sur la question du localisme au niveau du concours de recrutement à la maîtrise de conférences, soit le premier niveau de titularisation possible dans la carrière universitaire en France, et nous définissons l’appartenance locale par le fait d’avoir soutenu son doctorat dans l’université qui recrute. Avant de présenter notre méthode et nos résultats, nous commençons par rappeler les termes du débat scientifique et normatif sous-jacent à cette étude.

Qu’est-ce qu’être locale ?

La définition du localisme et des personnes, candidates ou recrutées, qui peuvent être qualifiées de « locales » fait l’objet de désaccords et connaît des acceptions différentes selon les pays et les contextes institutionnels [13]. La définition la plus commune d’une recrue « locale » dans une université donnée est une personne y ayant soutenu son doctorat. Dans la pratique, se pose alors nécessairement la question des conditions et du délai pour qu’une personne locale cesse de l’être. Les instances qui se refusent au recrutement local autorisent généralement le silver-cording [14], à savoir le recrutement d’une ancienne docteure ayant obtenu, après son doctorat, un poste d’enseignante-chercheuse, de préférence pérenne, dans une autre institution – cette mobilité étant considérée comme un gage de qualité, elle diminue le risque de clientélisme lors d’un recrutement ultérieur dans l’établissement initial.

En Occident, la définition du localisme se fonde essentiellement sur le doctorat. Dans d’autres pays, comme le Japon ou la Corée, d’autres diplômes, comme le bachelor, sont pris en considération pour définir si une personne est locale. En France, d’autres formes connexes de proximité locale sont parfois associées au localisme comme le recrutement d’une personne occupant dans l’université qui recrute un poste d’enseignante-chercheuse non-titulaire comme attachée temporaire d’enseignement et de recherche (ATER), post-doctorante ou assistante de recherche. De même, lors du concours de professeure d’université, on considère comme candidates locales, les maîtresses de conférences de l’université, qu’elles soient docteures ou non de cette université. Même si cette forme de localisme est bien plus élevée que celle qui prévaut pour le maillon inférieur, elle est généralement considérée comme moins problématique [15]. Dans de nombreux pays, en particulier les États-Unis, le passage d’assistant à associate professor, ou d’associate à full professor est une promotion interne, sans mise en concurrence avec des candidatures extérieures.

Permanence des débats sur le localisme

Le localisme, et le débat qu’il suscite sont des phénomènes anciens. Au début du XXe siècle, Charles W. Eliot, le président de Harvard s’inquiétait déjà des conséquences d’une pratique alors commune [16]. Dès les années 1930, Eells et Cleveland mènent des travaux remarquables sur l’ampleur et les effets du localisme aux États-Unis [17]. Ils estiment à 34 % le nombre de « locaux » parmi les universitaires états-uniennes de 1932. Trente ans plus tard, Hargens l’estime à un niveau plus faible de 16 %, mais qui reste plus nettement plus élevé que celui de 1 % qui devrait prévaloir en l’absence de préférence pour les candidates locales [18].

Depuis les années 2000, les travaux sur le localisme académique se sont multipliés. Le fait que les universitaires soient souvent diplômées de leur propre université semble être un phénomène très répandu que l’on rencontre aujourd’hui dans toutes les disciplines et dans un très grand nombre de pays [19] : Norvège, Portugal, Italie, Espagne, Slovénie, Russie, Ukraine, Mexique, Turquie, Argentine, Brésil, Afrique du Sud, Japon, Corée du Sud, etc. En revanche, le recrutement local semble avoir largement disparu aux États-Unis depuis les années 1970 et 1980. Sans qu’il n’y ait de règle formelle d’interdiction, la plupart des départements universitaires étatsuniens, à l’exception de certaines law schools prestigieuses comme celles de Yale ou Harvard [20], ont adopté la norme de ne pas recruter leurs anciennes docteures.

Les travaux scientifiques, généralement critiques à l’endroit du localisme, mettent en évidence que cette pratique nuit d’une part à l’équité de la sélection universitaire et d’autre part à la qualité de la recherche académique.

Pour différentes raisons, les directrices de thèse ont intérêt à ce que leurs docteures soient embauchées dans leur université. Que ce soit pour la conduite des recherches ou l’organisation des enseignements, elles ont noué avec ces dernières des relations de pouvoir et de travail idiosyncratiques qu’elles gagnent à prolonger [21]. Les professeures à la tête de « fiefs » ou de « chapelles » tirent profit de recruter dans leur département d’anciennes élèves qui poursuivent et reproduisent le même type de recherche et soutiennent leurs décisions. Par ailleurs, les directrices de thèse développent aussi des relations personnelles durant la thèse avec leurs docteures, et veulent les aider à entrer dans la carrière en les protégeant de la concurrence [22]. Ces différentes considérations peuvent, consciemment ou inconsciemment, conduire à favoriser les anciennes docteures sur les candidates extérieures avec des dossiers académiques équivalents ou supérieurs.

Le localisme affecte aussi les caractéristiques des recherches produites à l’université. De nombreux résultats montrent qu’il existe une corrélation négative entre le localisme d’une part, et le volume ainsi que l’impact bibliométrique des travaux publiés d’autre part (ce qui n’empêche pas, bien sûr, nombre de « locales », tel Albert Einstein à Zürich, d’être d’excellentes chercheuses). Au Mexique par exemple, les universitaires « locales » publient dans l’ensemble 15 % d’articles en moins que les extérieures [23] et cette différence s’élève à 11 % au Portugal [24]. De plus, les travaux des recrutées locales sont en moyenne moins cités et moins fréquemment publiés dans des revues internationales à forte audience [25].

Cette relation est le produit de deux mécanismes, un effet de sélection et un effet d’immobilité. D’une part, si les candidates locales sont favorisées sur les extérieures précisément parce qu’elles sont locales, elles seront en moyenne relativement moins bien sélectionnées sur d’autres dimensions, notamment scientifiques. D’autre part, la mobilité académique est un facteur de renouvellement des réseaux et, partant, des perspectives et des discussions qui favorisent la fécondité scientifique [26]. Aussi, les recrues locales, du fait de leur immobilité initiale, auraient moins accès que les recrues extérieures à ce fructueux mélange des idées et des pratiques.

À rebours de ces arguments anti-localistes, ont été avancées d’autres explications du recrutement local qui vont, sinon en faveur du localisme lui-même, du moins à l’encontre d’une régulation de ce type de recrutement. Selon certains travaux, le localisme ne serait pas une des causes du dysfonctionnement universitaire, mais une de ses conséquences [27]. Lors du recrutement, les universités sont en position d’asymétrie d’information. Elles connaissent mieux la qualité, la motivation, l’implication et la loyauté des docteures locales qu’elles ont pu observer pendant les années de thèse que celles des docteures extérieures. Dans un contexte où peu de temps et de moyens sont consacrés au recrutement, choisir une candidate locale minimise les risques d’un échec de recrutement (quelqu’un qui ne prend pas le poste) ou d’un « mauvais » recrutement, notamment le recrutement d’une personne qui ne s’installe finalement pas dans la ville de l’université, qui ne s’implique pas dans le département, qui ne coopère pas avec les collègues ou qui demande une mutation à la première occasion. En outre, la recrue locale connaît déjà l’environnement académique, pour y avoir évolué plusieurs années, ce qui réduit considérablement le coût d’apprentissage, en particulier en ce qui concerne la prise en charge des tâches administratives et des enseignements [28].

Un dernier facteur concourt à expliquer le recrutement local : les préférences des candidates. Les docteures, comme le reste de la population, ne sont pas particulièrement mobiles [29]. Les études doctorales se terminant relativement tard (l’âge moyen en France de l’obtention du doctorat est de 32 ans), les docteures ont généralement à l’issue de leur thèse, une vie de couple ou de famille, et le cas échéant des enfants, ce qui peut rendre une mobilité géographique coûteuse à organiser [30], et ce d’autant plus que les universités françaises ne négocient pas, comme cela se pratique parfois aux États-Unis, le recrutement de partenaires (spousal hiring). Il a d’ailleurs été avancé (sans que cela soit mesuré), que du fait des rapports de genre prévalents dans les couples hétérosexuels, la restriction du recrutement local pourrait se faire au détriment du recrutement académique des femmes [31].

Les différentes analyses du recrutement local avancées ici peuvent être vues comme plus complémentaires que contradictoires. Mais, dans le débat sur l’opportunité de réguler le recrutement local, les unes et les autres mettront l’accent plutôt sur les premières ou les secondes. Les estimations proposées ci-dessous pour la France ne régleront pas la controverse, mais pourront permettre de l’éclairer avec quelques faits chiffrés.

Trois sources pour évaluer le localisme

Pour estimer l’importance du localisme, nous avons mobilisé trois sources différentes : les recrutements comme maîtresses de conférences, les qualifications [32] et les thèses soutenues. Tout d’abord, nous avons constitué une première base de données des recrutements (n = 7 889) à partir des listes de « nomination des maîtres de conférences » publiées entre 2017 et 2024 sur le site internet du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche [33]. La compilation de ces listes nous permet d’obtenir des effectifs de recrutement proches de ceux publiés par le ministère dans ses bilans annuels (cf. figure A1, montrant qu’il ne nous manque que 2 à 15 % des recrutements). De même, à partir des listes nominatives de qualifications publiées sur le site du ministère, nous avons constitué une deuxième base de données listant les personnes qualifiées par section disciplinaire sur la période 2012-2024 (n = 107 000). Les personnes qualifiées dans la même section que le poste mis au concours et/ou que la personne recrutée servent à reconstituer l’espace de concurrence potentiel pour un poste donné. Enfin, afin de retrouver l’établissement de soutenance tant des personnes recrutées que de leurs concurrentes potentielles, nous avons utilisé la base de données en libre accès intitulée « Thèses soutenues en France depuis 1985 » ainsi que l’interface de programmation d’application (API) de thèses.fr afin de couvrir la période 1999-2024 (n = 313 000) [34].

Si, lors de la parution de notre article de 2008, on pouvait nous reprocher l’utilisation de données approximatives et fragiles dont l’exploitation reposait sur de nombreuses hypothèses [35], l’utilisation de ces nouvelles sources nous offre la possibilité de suivre précisément la transition entre le doctorat et le recrutement à la maîtrise de conférences.

Il n’en reste pas moins qu’en l’absence d’identifiant unique, le rapprochement entre ces trois bases de données s’effectue sur la seule base du nom et du prénom. Du fait des variations d’écriture d’une part (accents, particules, noms composés, fautes de frappe, inversion du nom et du prénom) et du problème des homonymes d’autre part, cette identification reste sujette à deux types d’erreur : la sous-identification (identifier le même individu comme deux personnes différentes) et la sur-identification (identifier comme une seule personne deux individus différents). Nous avons mis en œuvre des règles automatiques pour limiter ces deux écueils, par exemple en supprimant les particules et accents, en testant les différentes combinaisons possibles en cas de noms composés, ou encore, lorsqu’une même qualification correspondait à plusieurs thèses, en retenant l’appariement le plus plausible sur la base de la proximité entre la section de qualification et la discipline des thèses.

Nous retrouvons ainsi les thèses de 81 000 des 107 000 qualifications (tableau 1). Le fait que nous ne retrouvions les doctorats que pour 75 % des qualifications doit beaucoup au fait que nous ne pouvons retrouver dans ce fichier français les thèses des personnes qualifiées ayant obtenu leur doctorat à l’étranger. On ne peut toutefois exclure également des échecs d’identification.

De la même façon, on retrouve au moins une qualification pour 7 464 des 7 889 maîtresses de conférences recrutées. Le taux de 5 % de non-appariement doit en partie au fait que, dans certains cas, il est possible d’être dispensé de la qualification pour concourir (personnes en poste en France ou à l’étranger dans un poste de niveau maîtrise de conférences ou équivalent). Des inconsistances dans l’écriture des noms-prénoms et/ou de nos bases de données collectées peuvent aussi jouer un rôle. Enfin, lorsque l’on combine les trois sources, on compte 5 928 recrutements pour lesquels on retrouve à la fois une qualification et une thèse.

Tableau 1. Les trois bases de données mobilisées et leur appariement
Note de lecture : On compte 7 889 recrutements à la maîtrise de conférence dans notre base de données.

Pour mesurer le localisme, à savoir la préférence pour les candidates locales, on ne peut se limiter à la seule proportion de locales parmi les recrues comme le font les rapports sur les concours de recrutement du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. En effet, un même taux de recrutement local de 20 % n’aura pas la même signification dans une petite université qui produit 0,5 % des qualifiées ou dans une grande université qui en produit 10 %. Aussi, afin de mesurer le localisme, il nous faut reconstituer sinon les concurrentes réelles, du moins l’espace des concurrentes potentielles [36].

Nous suivons ici une méthode très similaire à celle de notre article de 2008. Nous considérons toute personne qualifiée dans les quatre années qui précèdent dans la section où le poste a été publié et/ou dans la section où la candidate a été recrutée comme une candidate potentielle, sauf si elle a déjà été recrutée ailleurs une année précédente. Nous le faisons pour deux types de champs, l’un large et l’autre étroit (tableau 1). Dans le champ large, nous considérons que si une thèse n’est pas retrouvée, alors la recrue a obtenu son doctorat à l’étranger et est de facto une candidature extérieure. Cette option tend à sous-estimer quelque peu le localisme (comme le montre la figure A1). En effet, certains recrutements locaux vont être artificiellement comptés comme extérieurs du fait d’un échec d’appariement avec le fichier des thèses.

Dans le champ étroit (tableau A1), on se concentre sur un ensemble cohérent pour lequel on a le plus d’information, à savoir les personnes qualifiées dans les quatre années qui précèdent pour lesquelles nous avons retrouvé une thèse dans le fichier des thèses. On exclut les candidates et les recrues ayant réalisé leurs thèses à l’étranger ainsi que les recrues dont la dernière qualification remonte à plus de quatre ans et qui sont peut-être recrutées dans le cadre d’une mobilité. Cette restriction est plus comparable avec notre méthode de 2008 et permet d’utiliser les informations sur l’établissement de soutenance pour calculer la distance entre le poste offert et le lieu du doctorat. Toutefois elle conduit aussi à surestimer légèrement le localisme puisque l’on exclut les cas de recrutement extérieur où ont été sélectionnées des personnes ayant obtenu leur doctorat à l’étranger.

Enfin, on ne peut mesurer la préférence pour les candidatures locales que si les candidatures extérieures sont en compétition avec des candidatures locales. Or, lors de certains recrutements, il n’y a pas de candidates locales, car le département qui recrute n’a pas produit au cours des quatre années qui précèdent de docteures qualifiées dans la section où le poste est ouvert. Ces derniers cas sont exclus de l’analyse et nous considérons seulement les recrutements où candidatures locales et extérieures sont potentiellement en concurrence.

Le tableau 2 donne un premier résultat d’ensemble. Dans notre base de données, la proportion de locales est de 18 % parmi les maîtresses de conférences recrutées, 20 % lorsque l’on restreint aux concours avec concurrence entre locales et extérieures et 27 % dans le champ étroit tel que défini ci-dessus. Or en l’absence de préférence pour les candidatures locales, on s’attendrait à 2,6, 2,9 et 5,2 % de locales parmi les maîtresses de conférences recrutées dans ces trois champs respectifs. On en est loin.

Nous résumons cette préférence pour le localisme au moyen du Mantel-Haenszel odds ratio, une sorte de rapport de chance corrigé des effets de bord et de taille des départements [37]. Les candidates locales ont 9,5 fois (champ large) à 10,7 fois (champ étroit) plus de chances d’être recrutées que les extérieures. Le localisme est donc moins élevé que dans notre estimation de 2008 qui portait sur les années 1970-1980, pour lequel nous trouvions un odds ratio de 18. Il n’en demeure pas moins élevé.

Tableau 2. Vue d’ensemble sur le localisme
Note : La première colonne représente notre reconstruction de la structure de compétition entre candidatures locales et extérieures pour l’ensemble de la population. Dans la seconde colonne, on restreint aux recrutements pour lesquels on trouve des candidatures locales potentielles, à savoir des personnes qualifiées dans les quatre années qui précédent dans la section du poste ou dans celle de la personne recrutée. Dans la dernière colonne, l’on se restreint au champ le plus étroit, à savoir les recrutements où l’on trouve à la fois des candidatures extérieures et locales, où les sections d’ouverture du poste et de qualification de la recrue coïncident, et où l’on restreint aux candidatures qualifiées entre t et t-3 dont on a retrouvé la thèse dans le fichier des thèses. L’odds ratio se lit approximativement comme un rapport de chance. Le Mantel-Haenszel odds ratio corrige des effets de taille liés au nombre de candidatures. Les candidatures locales ont 9,5 fois plus de chances que les candidatures extérieures d’obtenir un poste de maîtresse de conférences.

Dans quelle discipline ce phénomène est-il plus ou moins prononcé ? La figure 1 montre la variation de notre indicateur de localisme (le Mantel-Haenszel odds ratio, noté ci-après OR) par section disciplinaire du CNU. Celui-ci varie de 0,5 en mathématiques fondamentales à 29 en physiologie.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, les mathématiques, en particulier les mathématiques fondamentales, ont mis à l’index depuis le début des années 2000 le recrutement local pour assurer l’équité des concours de recrutement [38]. On retrouve pour les mathématiques fondamentales un OR de 0,5, largement inférieur à 1 et quasi-nul en fait [39], signant ce choix délibérément « anti-localiste » ou, pour ainsi dire, « extérioriste ». Néanmoins, la section de mathématiques appliquées et applications des mathématiques ne suit pas tout à fait cette norme et semble encore favoriser un peu les candidatures locales qui ont trois fois plus de chances d’être retenues que les candidatures extérieures.

À part les mathématiques, l’ensemble des autres sections disciplinaires favorisent significativement les candidatures locales lors des recrutements. La hiérarchie de notre indicateur de localisme ressemble à celle que nous avions mise en évidence dans notre article de 2008. Elle déjoue un certain nombre de préjugés. Il n’y a pas d’un côté les sciences de la nature et les sciences humaines. En effet, parmi les sections les moins localistes, on trouve à côté des mathématiques, une section de physique fondamentale (Constituants élémentaires, OR = 3), mais aussi plusieurs sections de langues et littératures étrangères ainsi que la philosophie (OR = 4). Certaines sections de sciences de la nature, comme la chimie des matériaux (OR = 16), la « biochimie et biologie moléculaire » (OR = 23) ou plus encore la physiologie (OR = 29) sont en revanche fortement localistes. Globalement, les sections d’ingénierie sont très localistes, comme la section de « mécanique, génie mécanique et génie civil » (OR = 17) ou celle de « génie électronique, photonique et systèmes » (OR = 21). Mais ces sections côtoient aussi dans le haut de cette hiérarchie des sections de sciences humaines et sociales comme le droit privé (OR = 17) ou les sciences de gestion (OR = 16).

L’existence du concours d’agrégation du supérieur dans les sections de droit, science politique et sciences de gestion qui impose de facto une mobilité lors du recrutement professoral ne semble pas être un facteur crucial d’une plus grande tolérance pour le localisme au niveau de la maîtrise de conférences. En effet, la tendance au localisme est plus faible en droit public (OR = 7) et en science politique (OR = 6) que dans les sections précédemment citées.

Certaines autrices ont avancé que la concurrence du secteur privé pourrait expliquer le localisme [40]. En effet, dans un marché du travail tendu, les universités devraient tenir compte du fait que les docteures pourraient préférer un poste dans le secteur privé de leur ville plutôt que de changer de ville. Cette logique peut jouer à la marge, mais elle ne semble pas bien expliquer des différences de pratique entre sections disciplinaires dont le potentiel d’emploi dans le privé semble proche, comme les sciences économiques (OR = 5) et les sciences de gestion (OR = 15) ou la « chimie organique, minérale, industrielle » (OR = 5) et la chimie des matériaux (OR = 16), et ne rend pas compte du fait que le localisme est fortement présent dans des villes universitaires où le secteur privé ne semble pas devoir faire de l’ombre au secteur académique.

Figure 1. Variation du localisme par section disciplinaire du CNU
Note : On ne représente que les sections où l’on dénombre plus de 20 recrutements pendant la période avec compétition entre candidatures locales et extérieures. Les intitulés des sections disciplinaires ont été simplifiés. La ligne orange représente le taux de préférence d’ensemble pour les candidatures locales. La ligne verte représente une situation abstraite où il n’y aurait préférence ni pour les candidatures locales, ni pour les candidatures extérieures. Chaque section est suivie de trois nombres entre parenthèses : le premier correspond au nombre de recrues, le second au nombre de recrues locales, le troisième correspond au nombre de recrues locales attendues sous l’hypothèse d’indépendance. En section 66 (physiologie), où l’on compte 65 recrutements, dont 24 locaux et où on attendrait 1,4 recrutement local sous l’hypothèse d’indépendance. Dans cette section, les candidatures locales ont 29 fois plus de chances que les candidatures extérieures d’être recrutées.

Regardons maintenant la variation du localisme d’une université à l’autre (figure 2). Alors que pour les sections disciplinaires notre indicateur de localisme est très corrélé avec le taux de recrutement local calculé par le ministère (figure A2), ces deux indicateurs diffèrent sensiblement lorsque l’on s’en sert pour comparer les universités (figure A3). Par exemple, à Sorbonne Université (issue de la fusion des universités Paris 4 et Paris 6), le taux de recrutement local est de 32 % comme à l’université de Valenciennes. Toutefois, dans la première université, les candidatures locales potentielles constituent 7 % des candidatures, contre 0,9 % dans la seconde. Les candidatures locales potentielles ont donc un taux de recrutement plus élevé dans la seconde université que dans la première, ce que traduit notre indicateur de localisme qui s’élève à 6 pour la première et à 51 pour la seconde.

Dans le champ des universités ayant effectué plus de 20 recrutements, notre indicateur de localisme varie entre 0 (Compiègne) et 163 (Antilles). On trouve donc quelques établissements qui semblent avoir embrassé la norme antilocaliste, en particulier l’université technologique de Compiègne, établissement pilote et expérimental [41]. Aux côtés de celle-ci, on trouve des petits établissements comme certains instituts d’études politiques (Lille, Toulouse, Aix) ou les écoles centrales de Lyon et de Marseille, mais il est difficile de savoir si cela traduit une norme anti-localiste ou un effet du hasard du fait du nombre très faible de recrutements dans ces institutions.

On retrouve une distribution du localisme par université assez similaire à celle que nous avions mise en évidence dans l’article de 2008. En général, les universités parisiennes sont moins enclines au localisme que les universités de province, et notamment celles des petites villes. Certains établissements parisiens ont en effet un indicateur de localisme significativement inférieur à celui mesuré pour l’ensemble de la population. C’est le cas de l’INALCO (OR = 1,4), de l’université Paris 9 - Dauphine (OR = 2,1), ou encore Paris Est, qui regroupe les universités Créteil et Marne-la-Vallée (OR = 2,4). Toutefois, on trouve aussi des universités parisiennes très localistes comme le CNAM (OR = 45) ou l’université Paris-Panthéon-Assas (Paris 2), université dont le taux de recrutement local (61 %) est le plus élevé de notre liste. Sa place dans la hiérarchie du localisme (OR = 19) redescend quelque peu du fait de son rôle important dans la production des docteures qualifiées, mais reste élevée. De même on trouve des universités de province, y compris de petites villes, pour lesquelles l’indicateur de localisme est plus faible et se trouve dans la première moitié. Outre le cas déjà mentionné de l’université technologique de Compiègne, certaines universités de province, comme Lyon 1 (OR = 4) ou, dans une moindre mesure, Saint-Étienne (OR = 6) comptent parmi les établissements les moins localistes.

Le niveau très élevé de l’indicateur de localisme des universités d’outre-mer comme celles des Antilles (OR = 163) ou de La Réunion (OR = 58) (ainsi que celles de Polynésie, de Guyane et de Corse – non représentées en raison d’un faible nombre de recrutements) peut sans doute s’expliquer par une combinaison d’éloignement géographique, d’insularité et d’affirmations identitaires dans un contexte post-colonial parfois tendu [42]. Néanmoins, on remarquera que certaines universités de province comme Artois (OR = 77) ou Mulhouse (OR = 64) présentent des indicateurs de localisme plus élevés que celui de la Réunion, et ce malgré leur proximité avec les grands pôles universitaires de Lille, Paris ou Strasbourg.

Figure 2. Variation du localisme par université
Note : On ne représente que les établissements où l’on dénombre plus de 20 recrutements pendant la période. Lecture, cf. figure 1.

Après avoir dressé les grandes lignes du localisme actuel, regardons le chemin parcouru.

À défaut de pouvoir calculer précisément notre indicateur de localisme, nous pouvons utiliser tout d’abord la proportion de « locales » recrutées parmi les nouvelles maîtresses de conférences, publiée depuis 2002 par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sur son site internet (figure 3). En effet, lorsque cette proportion est estimée au niveau national, elle est très corrélée avec notre indicateur de localisme (cf. figure A2).

Figure 3. Évolution du taux de recrutement local en France (2002-2022)
Note de lecture : 21 % des maîtresses de conférences recrutées en 2022 ont soutenu leur doctorat dans l’université qui les a recrutées.
Sources : Rapports du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

La proportion de locales recrutées parmi les maîtresses de conférences se réduit d’abord à un rythme modéré de 2002 à 2008, passant de 32 à 27 %, et elle est suivie par une baisse plus prononcée et significative entre 2008 et 2010, de 27 à 21 % [43]. Même si la baisse du taux de recrutement local était déjà en cours, il est fort plausible que celle-ci ait été accélérée par la réforme de 2008 qui porte la part des membres externes d’un tiers à la moitié au sein des nouveaux comités de sélection. En revanche, après 2010, la tendance à la baisse des années 2000 s’interrompt. Le taux de recrutement local se stabilise entre 22 et 24 % entre 2010 et 2017, baisse quelque peu en 2018 pour osciller entre 20 et 22 %.

En associant les données du ministère, notre estimation du localisme pour la période 2017-2024 et celle de notre article de 2008, on peut reconstituer une évolution approximative du localisme (figure A4) qui rappelle celle décrite par Hugo Horta pour d’autres pays [44]. Dans un premier temps, le recrutement local est surtout concentré dans les grandes universités qui produisent l’essentiel des docteures, dans un second temps, il se diffuse aux petites et nouvelles universités, qui produisent peu de docteures, ce qui fait augmenter l’indicateur de localisme. Après avoir atteint un niveau maximal dans les années 1990-2000, celui-ci décroît du fait des pressions normatives dans certaines disciplines et universités.

La figure 4 permet de pénétrer le détail disciplinaire de cette transformation en comparant les résultats de l’article de 2008 (qui permettait d’approcher le recrutement des années 1970 et 1980) et ceux établis sur la période récente. Sous l’hypothèse que les deux indicateurs sont à peu près comparables, on mesure une hausse modérée du localisme au sein de quelques disciplines (situées au-dessus de la ligne pointillée bleue), comme l’histoire, la sociologie, la biologie et, de manière plus prononcée, les sciences de l’éducation. Le localisme diminue en revanche dans la plupart de disciplines, et certaines connaissent une évolution particulièrement marquée. L’évolution pour les mathématiques (fondamentales et appliquées combinées) est spectaculaire, passant d’un niveau de localisme proche du localisme d’ensemble pendant la première période, à une quasi-absence de localisme pendant la seconde. La baisse est aussi très prononcée en sciences économiques, avec un indicateur de localisme passant de 38 à 5.

Au-delà de ces deux baisses spectaculaires, la hiérarchie disciplinaire des localismes se maintient. Quand bien même le localisme diminue en sciences de l’ingénieur, en droit ou en informatique, ces disciplines restent très localistes pendant la deuxième période. De même, les disciplines comme la philosophie, l’anthropologie et la littérature qui l’étaient moins pendant la première période se maintiennent dans le bas de la hiérarchie au cours des années récentes.

Figure 4. Évolution du localisme par discipline académique
Note de lecture : Alors que d’après les données de 1970-1980, les candidates locales avaient en mathématiques 17,3 fois plus de chances d’être recrutées que les candidates extérieures, ce chiffre est passé à presque 0 pour la période de 2017-2024. La droite bleue représente la droite d’équation x = y, cela signifie que toute discipline se situant au-dessus a vu son Mantel-Haenszel odds ratio augmenter alors que toute discipline en-dessous a vu son odds ratio diminuer entre les deux périodes. Les droites verticales et horizontales orange foncé représentent l’odds ratio de l’ensemble de la période soit 18 pour 1970-1980 et 10,7 pour 2017-2024. La surface des points est proportionnelle au nombre de recrues au sein de la discipline au cours de la période 2017-2024. Nous avons tracé en vert la droite de régression log-log, pondérée par le nombre de recrues dans une discipline (équation en bas à droite).

La figure 5 réplique le même exercice pour les établissements universitaires. Elle permet de repérer, sous les mêmes hypothèses de comparabilité, quatre universités au sein desquelles l’indicateur de localisme a augmenté : la Sorbonne (regroupement de Paris 4 et Paris 6), Paris 10 (Nanterre), et ce de manière très modérée, et Paris 3 (Sorbonne Nouvelle) et Paris 2 (Panthéon-Assas), pour lesquelles la hausse est plus marquée. Dans ce dernier cas, la plus localiste des universités parisiennes a ainsi vu son OR doubler (passant de 13 à 24). Le localisme a baissé dans les autres universités, et ce particulièrement fortement à Paris 9 (Dauphine), Paris 11 (Orsay), Paris Cité (Paris 5 et 7), Lyon 1, Toulouse 1, Dijon, Rouen, Paris 13, ou de manière plus spectaculaire encore au sein de l’université technologique de Compiègne. Celle-ci était fortement localiste dans les années 1970-1980 avec un OR de 117 et devient résolument antilocaliste avec un OR de 0 au cours des années récentes.

Figure 5. Évolution du localisme par université
Note de lecture : Alors que les candidatures locales avaient 5,5 fois plus de chances que les extérieures d’être recrutées au sein de l’université Paris 9 dans les années 1970-1980, ce chiffre est passé à 2,2 pendant la période 2017-2024. Pour pouvoir représenter l’université de Compiègne sur notre graphe à échelle logarithmique, nous avons artificiellement fixé son odds ratio à 0,7 au lieu de 0. Autres éléments de lecture, voir figure 4.

Proximité spatiale et/ou relationnelle ?

Notre indicateur de localisme, qui mesure la surreprésentation des locales au sein des maîtresses de conférences recrutées par rapport à leur poids au sein des candidates potentielles, combine de fait plusieurs formes de préférence pour la proximité, proximité spatiale d’une part, proximité relationnelle d’autre part, et ces deux formes peuvent être le fait tant des établissements recruteurs que des candidates elles-mêmes. Comme nous le détaillons en première partie, les universités peuvent préférer des candidates résidant à proximité afin d’éviter que le temps de transport n’hypothèque leur investissement dans la vie du département. De même les candidates peuvent préférer trouver un emploi dans leur aire urbaine, ce qui évite les coûts de déplacements ou ceux d’un éventuel déménagement.

Logique spatiale et logique relationnelle, préférences des universités et préférences des candidates sont difficiles à identifier avec exactitude. Nous pouvons toutefois les démêler quelque peu en tenant compte de la distance entre l’établissement de soutenance et l’établissement de candidature potentielle (pour les qualifiées dont nous avons retrouvé un doctorat dans le fichier des thèses).

Le tableau 3 présente le résultat d’une telle décomposition. La distance compte [45]. Lorsque la distance entre établissements de soutenance et de recrutement augmente de 100 km, la probabilité d’être recruté diminue de 4 % pour l’ensemble des recrutements, de 10 % pour ceux offerts en France métropolitaine et de 16 % pour ceux offerts en Île-de-France (colonne 2). La prise en compte de la distance conduit à réviser sensiblement à la baisse l’avantage des candidatures locales : lOR pour l’appartenance locale diminue d’un cinquième à un tiers selon le champ considéré. Mais c’est surtout le fait d’avoir soutenu ou non dans la même aire urbaine qui conduit à faire baisser le poids de la variable d’appartenance locale (colonnes 3 et 4).

Il n’en reste pas moins que, même en tenant compte de la distance et l’appartenance à la même aire urbaine, être la candidate locale favorise fortement les chances d’être recrutée. Les candidates locales ont quand même 5,2 fois plus de chances dans l’ensemble et 4,5 fois plus de chances lors des recrutements en Île-de-France que les candidates extérieures d’être recrutées.

Ainsi notre petit exercice de décomposition, quoiqu’imparfait, suggère que la proximité géographique rend compte au mieux de la moitié de l’importance de notre indicateur de localisme [46]. L’autre moitié doit vraisemblablement à des facteurs de proximité relationnelle et institutionnelle.

Tableau 3. Localisme et proximité géographique
Note de lecture : Nous modélisons au moyen de modèles de régression logistique la probabilité pour une candidature potentielle d’être recrutée en fonction de l’appartenance locale, de la distance kilométrique (à vol d’oiseau) entre le lieu de soutenance et le poste offert et de l’appartenance de ces deux lieux à la même aire urbaine. Nous introduisons des effets fixes poste offert pour tenir compte du nombre plus ou moins élevé de candidatures potentielles. Nous présentons les odds ratios des coefficients à la place des coefficients originels de la régression logistique. Ces derniers peuvent se lire en première approximation comme des facteurs de multiplication de la probabilité d’être recrutée. Dans la première régression, le fait d’être locale multiplie par 12,4 les chances d’être recrutée dans un établissement par rapport à celles d’une personne extérieure. Ce chiffre est hautement significatif : il y a moins de 0,1 % de chances que cet effet soit dû au hasard.
Significativité : *** p< 0,001 ; ** p< 0,01 ; * p< 0,1.

Nos données permettent d’examiner un deuxième argument parfois mis en avant pour expliquer, voire justifier, le recrutement local. Son interdiction pourrait être particulièrement défavorable aux femmes, du fait de la prégnance des modèles de genre inégalitaires dans les couples et de la plus grande difficulté pour une femme d’imposer une mobilité géographique à son éventuel compagnon que dans le cas inverse [47].

Une telle hypothèse implique que les femmes sont relativement plus favorisées (ou moins défavorisées) que les hommes quand elles sont candidates locales que quand elles sont candidates extérieures. Le tableau 4 montre que ce n’est pas le cas. Nos données indiquent que les femmes sont défavorisées lors du recrutement académique. La probabilité d’être recrutée diminue de 7 % quand on est une femme. Toutefois, cette défaveur ne diminue pas lorsqu’elles candidatent localement. Au contraire, elle est légèrement accentuée, mais pas de manière significative. Deux facteurs peuvent expliquer ce résultat. Peut-être que le différentiel genré de mobilité sur le marché du travail que l’on constate à l’échelle de la société devient négligeable dans le milieu académique et à ce stade de la carrière [48]. Il se peut aussi que le différentiel genré de mobilité soit contrecarré par un clientélisme favorable aux hommes lors des recrutements locaux.

Tableau 4. Localisme et genre
Note de lecture : Comme dans le tableau 3, nous modélisons au moyen de modèles de régression logistique la probabilité pour une candidature potentielle d’être recrutée et nous présentons les odds ratios des coefficients logistiques.
Significativité : * p < 0,1, ** p < 0,01, *** p < 0,001

Peut-on apporter des éléments pour corroborer la dimension relationnelle et clientéliste du recrutement local ? De nombreux travaux s’y attellent en montrant que la productivité scientifique des recrues locales est en moyenne inférieure à celle des extérieures [49]. Dans le cadre de cet article, nous n’avons pas entrepris le travail gigantesque de collecte des publications des 100 000 personnes qualifiées de notre base de données, permettant de savoir si au moment du recrutement les candidates locales ont moins de publications que leurs concurrentes potentielles. En outre, une limite de ces travaux tient à leur focalisation exclusive sur les éléments quantifiables, en l’occurrence le nombre de publications, au détriment d’autres éléments plus qualitatifs ou d’autres facettes du métier (l’enseignement, l’implication dans les tâches administratives).

Nous présentons ici une analyse plus modeste, mais plus compréhensive du caractère potentiellement clientéliste du localisme, en nous attardant notamment sur sa dimension défensive. En effet, il arrive que certaines collègues pratiquent le recrutement local comme un moyen de défendre leurs docteures contre le localisme des autres établissements. Faisant cela, elles tentent de facto de protéger leurs docteures contre la concurrence extérieure. En généralisant ce mécanisme de défense, on peut faire l’hypothèse que les universités sont d’autant plus enclines à offrir à leurs docteures une entrée locale dans la carrière académique qu’elles savent que les portes leur resteront closes à l’extérieur.

Pour tester cette relation, nous mettons en rapport sur la figure 6 notre indicateur de localisme et le taux de succès à l’extérieur des docteures d’une université donnée [50]. Nous obtenons une corrélation négative et significative. Moins les docteures ont de chance à l’extérieur, plus on a tendance à leur réserver une opportunité locale : en moyenne, quand le taux de succès à l’extérieur diminue de 10 % (i.e. multiplication par 0,9), notre indicateur de localisme augmente de 8 % (i.e. multiplication par 1,08). Cette relation rend compte de certains contrastes, par exemple entre l’université de Paris Nanterre (Paris 10) et celle de Lorraine. Dans la première, les docteures s’exportent 1,6 fois plus que la moyenne et l’indicateur de localisme s’élève à 5,9. Dans la seconde, les docteures s’exportent 0,65 fois moins que la moyenne et l’indicateur de localisme s’élève à 12. Nous présentons aussi en appendice (tableau A3) une modélisation un peu plus sophistiquée montrant que la probabilité pour un département universitaire de recruter localement augmente d’autant plus que le taux de recrutement à l’extérieur de ses docteures a été faible lors de la campagne précédente.

Figure 6. Succès à l’extérieur et localisme d’une université
Note de lecture : Les docteures de Paris 10 s’exportent 1,6 fois plus que les docteures des autres universités. Elles ont 5,9 fois plus de chances d’être recrutées à Paris 10 que les candidates extérieures. Nous utilisons en abscisse un ratio simple des chances de succès à l’extérieur divisé par le taux de succès de moyen à l’extérieur et en ordonnée le Mantel Haenszel odds ratio (cf. figure 2). La droite d’ajustement en rouge est estimée par une régression log-linéaire pondérée par le nombre de personnes recrutées. Pour pouvoir représenter Compiègne sur un graphique à échelle logarithmique, nous fixons artificiellement son odds ratio à 0,7 au lieu de 0.

La défense de ses docteures contre la concurrence extérieure est donc une des dimensions du localisme. Mais elle n’explique pas tout, comme le montre la forte dispersion des universités sur la figure 6, qui témoigne d’une variété de configurations. Tout en ayant un haut niveau de localisme, l’université Paris-Panthéon-Assas (Paris 2) réussit à exporter ses docteures, ce qui laisse penser que le localisme dans cette université est plus élitiste que défensif. Quand bien même les universités de Compiègne, Paris Dauphine ou Paris Est ont des résultats à l’extérieur en dessous de la moyenne, elles ont un indicateur de localisme faible ou nul, peut-être en raison d’une stratégie délibérée de revenir sur le localisme, laquelle pourra peut-être modifier sur le long terme le statut et le prestige de leur établissement.

Enfin, au-delà de son aspect défensif, le localisme génère une iniquité globale, à laquelle on pense peu, mais dont les effets sont massifs : toutes les qualifiées n’ont pas la chance de voir leur ancien département académique ouvrir des postes au concours l’année où elles sont candidates. Le tableau 5 montre les conséquences de cet effet d’offre. Une personne qualifiée n’a que 2,2 % de chances d’être recrutée une année donnée quand son ancienne université de soutenance n’offre pas de poste dans sa section. Au contraire, une personne qui bénéficie de l’effet d’offre locale a une chance de 4,7 % d’être recrutée, notamment en raison des 1,9 % de chance d’être recrutée localement. Or, seulement 28 % des candidates bénéficient de cet effet d’offre locale.

Sur les quatre ans de qualification, l’écart diminue, mais reste substantiel. Seules 44 % des candidates ont la chance de bénéficier au moins une fois d’une option de recrutement local pendant les quatre années, ce qui leur permet d’avoir 10,2 % de chances d’être recrutées. Celles qui ne bénéficient pas de l’option locale ont seulement 6,6 % de chance de l’être pendant la durée de la qualification.

Tableau 5. Probabilité de recrutement en fonction de l’existence d’une option de recrutement local
Note de lecture : les candidates qui ont la chance de candidater une année où leur université de soutenance recrute dans leur section disciplinaire ont 4,7 % de chances d’être recrutées, dont 1,9 % en local.

Le localisme tel que nous le mesurons est donc le fruit de plusieurs logiques. Il résulte en partie d’une préférence pour la proximité géographique tant de la part des universités que des candidates. Mais il a aussi une dimension relationnelle défensive, potentiellement clientéliste : les universités y ont d’autant plus recours que leurs docteures ont peu de chances à l’extérieur. Cette importance du canal local de recrutement génère finalement une forte iniquité entre les candidates qui ont eu la chance de pouvoir candidater une année où leur ancienne université ouvre un poste et les autres. Cette situation n’est certes pas exceptionnelle sur le marché du travail, où les opportunités locales et les réseaux personnels comptent beaucoup, mais elle entre en contradiction avec les normes d’universalisme et de désintéressement que l’université met en avant [51].

Comment poursuivre le mouvement ?

Même si le localisme a baissé au cours des vingt dernières années, il reste à un niveau élevé et génère à la fois des iniquités et une réduction de l’espace de recrutement au détriment de la qualité moyenne (ce qui n’empêche pas bien des recrutements locaux d’être excellents et bien des recrutements extérieurs d’être décevants). Qui plus est, la baisse prononcée des années 2000 s’est interrompue dans les années 2010. Pour toutes celles qui trouvent que le localisme s’est stabilisé à un niveau trop élevé, nous proposons des pistes pour relancer la dynamique des années 2000.

  L’interdiction du recrutement local

L’interdiction du recrutement local, mesure que l’un d’entre nous avait avancée il y a quelques années et qui est soutenue par l’association Qualité de la science, est une proposition, certes contraignante, mais qui a l’avantage de la simplicité [52]. Les anciennes docteures pourraient être ainsi officiellement écartées du recrutement dans leur université de soutenance pendant une certaine durée, et ce tant que celles-ci n’ont pas obtenu de poste académique pérenne ailleurs. Cette mesure n’empêcherait pas toute forme de favoritisme et de clientélisme (qui peut se fonder sur d’autres types de relation), mais elle aurait l’avantage de cibler la plus fréquente. Par ailleurs, elle permettrait d’envisager plus sereinement la suppression d’instances contestées, comme la qualification par le CNU ou l’agrégation du supérieur en droit, science politique et science de gestion, dont l’existence est parfois justifiée par leur rôle de filtre pour limiter l’ampleur du localisme [53]. Le caractère contraignant de l’interdiction pourrait être éventuellement atténué par l’aménagement de quelques exceptions pour tenir compte de l’insularité, des grandes distances aux universités de France métropolitaine, ou des spécificités des contextes post-coloniaux (Corse, Antilles, Guyane, Polynésie).

Toutefois, on ne saurait négliger la complexité juridique d’une telle réforme qui pourrait nécessiter une révision constitutionnelle afin d’autoriser une règle potentiellement discriminatoire au regard de la législation actuelle sur les concours de la fonction publique.

 L’auto-régulation

Une option moins rigide serait que les instances académiques, que ce soient les universités, les départements ou les disciplines, choisissent volontairement d’éviter le recrutement local comme ont pu le faire les mathématiques fondamentales au milieu des années 2000 ou certains établissements au milieu des années 2010. Rien ne laisse à penser qu’adopter cette nouvelle norme antilocaliste soit préjudiciable aux disciplines et aux établissements qui la pratiquent. Au contraire, cela permet d’améliorer la sérénité des débats et l’examen approfondi des compétences des différentes candidates.

On pourrait souhaiter que les universités parisiennes jouent un rôle pilote en la matière. La présence de nombreux établissements en Île-de-France alimentant un important vivier de candidates externes habitant l’aire urbaine fait que la distance géographique ne peut plus être invoquée comme obstacle au recrutement externe. Par ailleurs, l’Île-de-France peut compter sur son pouvoir d’attraction pour attirer des candidatures internationales en provenance des grandes universités du monde. Le maintien d’un taux de recrutement local particulièrement élevé à l’université Paris-Panthéon-Assas (Paris 2), où plus de 67 % des recrues sont locales entre 2016 et 2022 (cf. Figure A5), et l’augmentation de son localisme au cours des dernières décennies (cf. Figure 5) ne laisse pas d’étonner et semble à contre-courant des bonnes pratiques de recrutement dans les établissements prestigieux.

 Les incitations

On ne peut que souhaiter, bien sûr, que la lecture de cet article soit suffisante pour relancer le débat et réenclencher la dynamique de réduction qui s’est interrompue au début des années 2010. Mais il est probable que ceci ne suffise pas. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et les universités pourraient relancer cette dynamique en augmentant les incitations en faveur du recrutement externe. Un objectif simple, mais qui permette en même temps des exceptions, serait de viser un taux de recrutement local de 5 % au concours de maîtresse de conférences. Comme le montre le tableau 2 (colonne champ étroit, dernière ligne), ce taux correspond à une situation où ni les candidates externes ni les candidates internes ne sont défavorisées. Ce taux peut se décliner en recommandation simple : limiter dans chaque université la part des recrutements locaux à un recrutement sur vingt. Mais, dira-t-on, cet objectif uniforme n’équilibre les chances entre locales et externes qu’au niveau global et non dans chaque université. Dans les établissements produisant une part importante des qualifiées, les externes seraient favorisées, dans les établissements en produisant peu, elles seraient défavorisées. C’est exact. Mais cette recommandation a l’avantage justement d’inciter les grandes universités, souvent parisiennes, et bénéficiant à ce titre d’un bassin de recrutement large, de jouer un rôle pilote et de sortir de la logique endogame.

par & & & , le 18 novembre

Pour citer cet article :

Olivier Godechot & Rachel Issiakou & Yann Renisio & Adrien Rougier, « Le localisme universitaire, nouvelles évaluations », La Vie des idées , 18 novembre 2025. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net/Le-localisme-universitaire-nouvelles-evaluations

Nota bene :

Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction (redaction chez laviedesidees.fr). Nous vous répondrons dans les meilleurs délais.

Notes

[1Nous remercions vivement Alexandra Louvet de nous avoir permis de reprendre une méthode et des résultats établis avec elle dans un précédent article : Olivier Godechot, Alexandra Louvet, [«  Le localisme dans le monde académique : un essai d’évaluation  »>https://laviedesidees.fr/Le-localisme-dans-le-monde-academique-un-essai-d-evaluation], La vie des idées, 22 avril 2008. Nous remercions Alexandra Louvet, Émiliano Grossman, Ulysse Lojkine et Arsène Perrot, pour leur aimable relecture et leurs conseils. Nous restons seules responsables des imperfections de ce travail.

[2Nous utilisons le féminin générique italisé comme procédé d’écriture inclusive. Cf. Olivier Godechot, Gisèle Sapiro, «  Inclusive : une autre écriture est possible  », NouvelObs, 8 mars 2021.

[3Judith Lazar, Les secrets de famille de l’université, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2001  ; Yves Fréville, La politique de recrutement et la gestion des universitaires et des chercheurs, Rapport d’information n°54, Sénat, 2001  ; François Clément, «  Université : la foire à l’embauche  », Le Monde, 27 juin 2007  ; Alain Trannoy, «  Universités : quel mode de recrutement  ?  », Le Monde, 23 juillet 2007  ; Olivier Beaud, Paolo Tortonese, «  Recrutement universitaire : “La prime au localisme et au clientélisme”  », Le Point, 6 novembre 2020.

[4Olivier Godechot, Alexandra Louvet, «  Le localisme universitaire : pour une régulation administrative  », art. cit.  ; Olivier Bouba-Olga, Michel Grossetti et Anne Lavigne, «  Le localisme dans le monde académique : une autre approche  », La vie des idées, 12 mai 2008  ; Bastien Bernela, Olivier Bouba-Olga, Marie Ferru, «  Spatial patterns of PhDs’ internal migration in France, 1970-2000  », Journal of Innovation Economics & Management, vol. 25, no 1, 2018, p. 33-56.

[5Olivier Godechot, «  Recrutement, autonomie et clientélisme  », Le Monde, 26 juin 2007.

[6Olivier Godechot, Alexandra Louvet, «  Le localisme dans le monde académique : un essai d’évaluation  », art. cit.

[7Philippe Cibois, «  Pour une mesure sans biais du localisme. À propos de l’article de Olivier Godechot et Alexandra Louvet, Le localisme dans le monde académique : un essai d’évaluation  », Socio-logos, vol. 3, 2008.

[8Décret n° 2008-333 du 10 avril 2008 relatif aux comités de sélection des enseignants-chercheurs.

[9Pierre-Michel Menger, Colin Marchika, «  L’antilocalisme mathématique. Recrutement, carrière et mobilité des mathématiciens dans l’enseignement supérieur en France (1984-2014)  », in Pierre-Michel Menger, Pierre Verschueren (dir.), Le monde des mathématiques, Paris, Éditions du Seuil, 2023, p. 69-182  ; ainsi que Pierre-Michel Menger, Colin Marchika, Yann Renisio, Pierre Verschueren, «  Formations et carrières mathématiques en France : un modèle typique d’excellence   ?  », Revue française d’économie, vol. 35, no 2, 2020, p. 155 217.

[10Sur l’École d’économie de Toulouse, voir Raphaël Clouet, «  Que nul n’entre ici s’il n’est économiste. Éléments pour une socio-histoire des disciplines du social.  », Mémoire de master 1, École normale supérieure de la rue d’Ulm et École des hautes études en sciences sociales, 2018, p. 29-40.

[11L’association nationale des candidates aux métiers de la science politique (ANCMSP) publie un suivi des recrutements sur son site internet.

[12Hugo Horta, «  Academic Inbreeding : Academic Oligarchy, Effects, and Barriers to Change  », Minerva, vol. 60, 2022, p. 593-613.

[13Hugo Horta, «  Academic Inbreeding : The State of the Art  », in Alasdair Blair, Darrell Evans, Christina Hughes, Malcolm Tight (dir.), International Perspectives on Higher Education Research, Emerald Publishing Limited, 2022.

[14Hugo Horta, Maria Yudkevich, «  The role of academic inbreeding in developing higher education systems : Challenges and possible solutions  », Technological Forecasting and Social Change, vol. 113, 2016, p. 363-372.

[15Si le recrutement local des maîtresses de conférences comme professeure d’université est beaucoup plus faible en mathématiques que dans les autres disciplines (10 % de recrutement local dans le premier cas contre 48 % pour l’ensemble entre 2009 et 2013), il continue à exister, montrant que la norme antilocaliste des mathématiciennes ne s’applique pas avec la même vigueur que pour le concours d’entrée dans la carrière. Cf. Pierre-Michel Menger, Colin Marchika, «  L’antilocalisme mathématique…  », art. cit.

[16«  It is natural, but not wise, for a college or university to recruit its faculties chiefly from its own graduates, — natural, because these graduates are well known to the selecting authorities, since they have been under observation for years  ; unwise, because breeding in and in has grave dangers for a university, as also for technical schools and naval and military academies  », Charles W. Eliot, University administration, Houghton Mifflin, 1908, p. 90.

[17Walter Crosby Eells, Austin Carl Cleveland, «  Faculty Inbreeding  », The Journal of Higher Education, vol. 6, n° 5, 1935, p. 261-269.

[18Lowell L. Hargens, «  Patterns of Mobility of New Ph.D.’s Among American Academic Institutions  », Sociology of Education, vol. 42, n° 1, 1969, p. 18-37.

[19Arcadio Navarro, Ana Rivero, «  High rate of inbreeding in Spanish universities  », Nature, vol. 410, n° 6824, 2001, p. 14  ; Maria Yudkevich, Philip G. Altbach, Laura E. Rumbley, Academic inbreeding and mobility in higher education : Global perspectives, Palgrave Macmillan, 2015.

[20Theodore Eisenberg, Martin T. Wells «  Inbreeding in Law School Hiring : Assessing the Performance of Faculty Hired from within  », The Journal of Legal Studies, vol. 29, n° 1, 2000, p. 369-388.

[21Hugo Horta, «  Academic Inbreeding : Academic Oligarchy…  », art. cit.

[22Olivier Godechot, Alexandra Louvet, «  Pour une régulation administrative…  », art. cit.

[23Hugo Horta, Francisco M. Veloso, Rócio Grediaga, «  Navel gazing : Academic inbreeding and scientific productivity  », Management Science, vol. 56, n° 3, 2010, p. 414-429.

[24Hugo Horta, «  Understanding the pros and cons of academic inbreeding   », University World News, 2022.

[25Hugo Horta, «  Academic Inbreeding : The State of the Art  », art. cit.

[26Ronald Burt, «  Structural holes and good ideas  », American journal of sociology, vol. 110, n° 2, 2004, p. 349-399.

[27Olivier Bouba-Olga, Michel Grossetti, Anne Lavigne, «  Le localisme dans le monde académique : une autre approche  », art. cit.

[28Hugo Horta, «  Academic Inbreeding : The State of the Art  », art. cit.

[29Bastien Bernela, Olivier Bouba-Olga, Marie Ferru, «  Spatial Patterns of Phds’ Internal Migration in France, 1970-2000  », art. cit.

[30Olivier Garet, Barbara Schapira, «  La mobilité heureuse  », 2019.

[31Olivier Garet, Barbara Schapira, «  La mobilité heureuse  », art. cit.

[32En France, pour pouvoir se porter candidate au poste de maîtresse de conférences, il faut être qualifiée par au moins une section disciplinaire du Conseil national des universités (CNU). Cette qualification donne le droit de se porter candidate pendant quatre ans. Les personnes en poste à l’étranger peuvent être dispensées de la qualification par le conseil scientifique de l’établissement qui recrute.

[33Pour être exact, nous avons aussi retenu quelques recrutements survenus à la fin de l’année 2016. Pour simplifier, nous avons exclu les personnes recrutées à des postes de maîtresse de conférences au Muséum d’histoire naturelle.

[34Les données et les scripts pour répliquer cet article sont disponibles ici : http://olivier.godechot.free.fr/hopfichiers/localisme_2025.zip

[35Philippe Cibois, «  Pour une mesure sans biais du localisme  », art. cit.

[36Même si l’on disposait des candidatures effectives, leur utilisation pour mesurer le localisme poserait problème. Le fait de postuler dépend lui-même des anticipations des candidates sur l’ouverture du poste : lorsqu’un recrutement est considéré comme fléché en interne ou perçu comme déjà attribué à une candidate locale, une part des docteures qualifiées renonce à candidater. Le localisme introduit ainsi un biais d’auto-sélection, qui conduirait ici à sous-estimer son ampleur réelle.

[37Il se mesure de la façon suivante : ORMH = [ Σi (ni11 * ni22/ni) ] / [ Σi (ni12 * ni21/ni) ] où pour le poste publié i, ni11 représente le nombre de recrues locales (ici, en général ni11=1), ni22 le nombre de recrues externes, ni12 le nombre de locales non recrutées, ni21 le nombre d’extérieures non recrutées et ni le nombre de candidates.

[38Pierre-Michel Menger, Colin Marchika, «  L’antilocalisme mathématique …  », art. cit.

[39Les deux recrutements «  locaux  » que l’on compte en mathématiques fondamentales sont en fait ambigus, parce qu’il s’agit de recrutements dans la même COMUE (communauté d’université et d’établissements) mais pas dans le même établissement que celui de la préparation du doctorat. En effet, nos données recouvrent une période de regroupement universitaire pendant laquelle les frontières des groupements universitaires changent vite. Il se peut que les comités de sélection aient suivi dans ces deux cas une norme anti-localiste fondée sur l’établissement plutôt que sur la COMUE.

[40Tim Fogarty, Mary Sasmaz, “Inbreeding” Accounting Faculty in the Us : A Longitudinal Analysis, Document de travail SSRN, 2024.

[41Notons toutefois que d’après les bilans publiés par le ministère de l’enseignement supérieur, l’on compte deux recrutements locaux sur 31 recrutements entre 2017 et 2022. Notre résultat diffère en raison d’erreurs éventuelles d’identification lors des rapprochements des différentes sources ou d’un champ différent des maîtresses de conférences recrutées.

[42Pierre Sorgue, «  À La Réunion, conflit autour d’un poste d’historien de l’esclavage  », Le Monde, 27 Novembre 2020.

[43Nos résultats et notre diagnostic diffèrent ici de ceux de Didier Chauveau et Stéphane Cordier. Cf. Didier Chauveau, Stéphane Cordier, «  Le recrutement local dans les universités : variable suivant les disciplines et stable dans le temps  », Image des mathématiques, 29 janvier 2013.

[44Hugo Horta, «  Academic Inbreeding : Academic Oligarchy, Effects, and Barriers to Change  », art. cit.

[45Bastien Bernela, Olivier Bouba-Olga, Marie Ferru, «  Spatial Patterns of Phds’ Internal Migration in France, 1970-2000  », art. cit.

[46La quantification de la diminution du paramètre dépend de l’échelle paramétrique choisie. Étant donnée la nature exponentielle des odds ratios, on pourrait considérer plutôt la variation logarithmique des paramètres ce qui conduirait à une baisse beaucoup plus limitée du paramètre du localisme lorsque l’on tient compte de la distance (-35 % au lieu de -58 %).

[47Olivier Garet, Barbara Schapira, «  La mobilité heureuse  », art. cit.

[48Kimberlee Shauman, Yu Xie. «  Geographic mobility of scientists : Sex differences and family constraints.  », Demography, vol. 33, n° 4, 1996, p. 455-468.

[49Hugo Horta, «  Academic Inbreeding : Academic Oligarchy…  », art. cit.

[50Nous reprenons une analyse proposée dans notre article précédent. Cf. Olivier Godechot, Alexandra Louvet, «  Le localisme universitaire : pour une régulation administrative  », art. cit.

[51Robert Merton, «  The normative structure of science  », in The sociology of science : Theoretical and empirical investigations, University of Chicago press, 1979, p. 267-278.

[52Olivier Godechot, «  Recrutement, autonomie et clientélisme  », art. cit.

[53Olivier Beaud, Paolo Tortonese, «  Recrutement universitaire : “La prime au localisme et au clientélisme”  », art. cit.

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