Recensé : Stéphane Van Damme, À toutes voiles vers la vérité. Une autre histoire de la philosophie au temps des Lumières, Seuil, 2014, 386 p., 24 €.
Une histoire pragmatique de la philosophie moderne
« Votre République est très libre, on y philosophe très librement et cependant votre prudence vous engage à ne publier vos idées qu’avec la plus grande modération et à vous remettre au destin pour le reste. Bannissez donc, mon excellent ami, toute crainte d’irriter les homuncules de notre temps […]. Il est temps d’aller à toutes voiles vers la vraie science et de scruter les secrets de la nature plus avant qu’on ne l’a fait jusqu’ici. Vos méditations pourront, je pense, être imprimées sans danger chez vous. »
Cette lettre d’Oldenbourg de 1661-62 à son ami Spinoza (239), l’intimant, contre un art de la dissimulation nécessaire dans d’autres contextes politiques, de proposer avec franchise et sans crainte sa philosophie au public, inspire le titre du dernier livre de S. Van Damme. Manifestement marqué par les travaux du dernier Foucault sur le « courage de la vérité » (la parrhésia [1]), l’auteur se propose dans ce travail d’histoire culturelle de dégager à partir des diverses pratiques sociales des philosophes de la première modernité ce qu’il appelle un « ancien régime de la vérité ».
Si son projet est celui d’une autre histoire de la philosophie au temps des Lumières, c’est d’abord en référence à « l’histoire philosophique » de la philosophie et l’histoire des idées. Plutôt que de partir d’un corpus textuel et doctrinal (trop souvent déterminé de façon partiale ou idéologique), S. Van Damme se propose ici, dans le sillage des travaux de B. Latour sur l’histoire des sciences, d’A. Lilti et d’E. Anheim avec la revue des Annales, mais aussi en s’inspirant parfois de la géographie historique de Jean-Marc Besse, d’approcher l’histoire de la philosophie de manière résolument contextuelle, matérielle et pragmatique. En effet, à la différence de la littérature, de l’art et des sciences, constate S. Van Damme, jusqu’à la dernière décennie, la philosophie avait largement échappé au regard scrutateur de l’histoire culturelle, de sorte que, malgré une imposante historiographie récente – à laquelle rend justice un abondant appareil critique et bibliographique (305-375) – personne n’avait proposé d’histoire de la philosophie entendue comme pratique culturelle de la première modernité.
Où, quand, comment, dans quelles circonstances, pratique-t-on ces opérations qui correspondent à des expressions telles que le « savoir » ou la « vie philosophique », « être philosophe », « enseigner », « faire », « lire », « écrire » de la « philosophie » ? Et qu’est-ce que les outils et méthodes de l’histoire culturelle nous apprennent par là sur le « régime de vérité » propre à la philosophie au temps des Lumières ? C’est à ces questions que l’ouvrage veut apporter un début de réponse. Cette approche pragmatique recouvre une remarquable diversité d’objets d’étude et de méthodologies qui ne rend pas simple l’organisation d’une table des matières et ce d’autant plus que cet ouvrage réunit pour une large part des articles déjà parus. L’auteur a choisi d’ordonner ces études selon un principe d’inscription des pratiques philosophiques dans trois espaces : public, géographique et enfin politique. L’ouvrage se décompose en un avant-propos (11p.) quatre parties de longueur inégales (104, 44, 55 & 65p.) et une conclusion (7p.).
Pratiques de dissémination
La première partie se concentre sur les pratiques qui inscrivent la philosophie dans la société et l’espace public de l’ancien régime. S. Van Damme entend « se départir d’une vision professionnalisante du philosophe avant la lettre » (52) en étudiant les manières dont se caractérise l’identité générique, économique et sociale, non pas seulement des auteurs du canon de la philosophie, mais de celles et ceux qui peuplent les mondes philosophiques, en s’attachant aux pratiques de l’enseignement ou l’étude dans les collèges, aux correspondances, mais aussi aux objets (chap. I).
Le chapitre II interroge une tension propre à l’inscription de la philosophie des Lumières dans l’espace public. La modernité pré-révolutionnaire se caractériserait en effet par l’affirmation graduelle d’une prise de parole publique du philosophe au nom de la raison : cette raison publique est d’un côté critique de l’opinion, tandis que de l’autre elle se veut formatrice d’une doxa. Habermas [2] (56) a beaucoup mis l’accent sur le rôle de lieux tels que les salons mondains, les coffee houses ou les loges maçonniques, dans la production et le développement de modes de sociabilité procédant de cette publicisation de la raison des philosophes. En s’appuyant sur une historiographie récente, ce chapitre choisit plutôt de montrer comment les modalités pratiques des opérations du jugement (institutions, protocoles de mise en forme et de validation des énoncés à caractère scientifique), les pratiques d’écriture (notamment à travers la distinction de Hume entre philosophie facile et philosophie abstraite dans la première Enquête), les pratiques de diffusion du savoir à travers des spectacles populaires, les pratiques de mobilisation pour des causes universelles (Voltaire et l’affaire Lally) contribuent à la publicisation de la philosophie des Lumières.
Cette inscription de la critique dans l’espace public a souvent été rapportée à l’opposition entre une modernité philosophique innovante et une philosophie classique ancrée dans la tradition. Si l’histoire des idées (avec J.-L. Marion, p.88) met judicieusement en question le bien-fondé de cette opposition figée, l’histoire culturelle permet de problématiser la catégorie de « tradition » à travers l’examen des pratiques de transmission de la philosophie. S. Van Damme en examine de multiples facettes (notamment celle de l’enseignement dans les collèges jésuites de la région lyonnaise [3]). Il montre comment l’interrogation des historiens sur la fiabilité des sources textuelles ouvre la voie à une étude matérielle (archéologique, philologique) des documents et objets, et comment cet intérêt pour la dimension matérielle de la transmission se manifeste à travers les pratiques de conservation, collection, et patrimonialisation d’œuvres, d’archives, ou d’artefacts de philosophes (Descartes [4] en particulier) qui transforment progressivement le rapport du public à la philosophie. S’esquisse alors un processus original de réappropriation de la philosophie antique par lequel la philosophie moderne requalifie ses propres gestes (sceptiques, cyniques, épicuriens, stoïques…). Ces pratiques marquent de différentes manières le philosopher dans son sens d’éthique de la vérité plutôt que dans son contenu doctrinal : « En déconnectant la tradition d’un contenu textuel, l’opération des Lumières est fructueuse car elle redonne à la philosophie sa valeur de modèle de vie et de sagesse. » (98)
Le commerce d’une philosophie en archipels
Les deuxième et troisième parties se proposent d’aborder ces pratiques de la philosophie relativement à leurs logiques spatiales et à leurs problématiques territoriales à la périphérie ou aux « confins » des empires européens. Le chapitre IV procède ainsi à un état des lieux de l’historiographie récente consacrée à la circulation de la philosophie moderne et aux réseaux qui permettent sa diffusion et une certaine uniformisation de ses pratiques : S. Van Damme rappelle les travaux sur le rôle des salons et des coffee houses, sur l’importance de la cour comme lieu d’expérimentation de la philosophie naturelle, sur les réseaux de correspondances de la République des Lettres, de la franc-maçonnerie et des académies (129-136) ; il montre comment la philosophie se diffuse à travers des circuits commerciaux de distribution, en raison notamment de la consommation croissante d’instruments philosophiques (globes, baromètres, eudiomètres, manuels d’histoire naturelle), ou de l’organisation de spectacles. Aussi le développement de la philosophie moderne est-il inséparable de l’émergence de ces lieux que le XVIIIe siècle nomma métropoles.
Les travaux d’A. Romano sur Rome et les siens sur Paris [5] s’étant déjà attachés aux cas de métropoles philosophiques qui sont aussi des centres politiques de l’Europe, S. Van Damme a choisi de se concentrer ici sur le cas intéressant d’Edimbourg. Il examine d’abord (chap. V) le fonctionnement de son monde universitaire, ses réseaux européens, la relation entre les réflexions des Lumières écossaises sur le phénomène métropolitain et les transformations de la géographie urbaine d’Edimbourg en raison de son effervescence intellectuelle, de la prolifération de ses sociétés savantes. Cette métropole de la philosophie universaliste est inséparablement prise dans des problématiques complexes d’affirmation d’identité nationale et politique par rapport à l’empire britannique, son statut de métropole culturelle étant indissociable de la perte de celui de capitale politique en 1707 (173). Le chapitre VI dégage le lien entre le développement des pratiques philosophiques de ce monde universitaire et de fortes revendications identitaires locales. S. Van Damme montre ainsi comment le goût des savants écossais pour les enquêtes aussi bien paroissiales que dans les lointaines colonies britanniques contribue à l’élaboration d’une conscience de soi complexe des Lumières écossaises : « En tant qu’homme, je me suis toujours senti Citoyen du monde, en tant qu’ami de la Paix et de la Liberté, et des Sciences, je ne peux me considérer que comme habitant du Royaume-Uni, mais comme Citoyen, je ne pourrais oublier que je suis Écossais » écrit ainsi en 1784 le président de la Society of the Antiquaries of Scotland (177).
Plutôt qu’une diffusion uniforme des pratiques philosophiques dans l’espace européen et colonial, S. Van Damme propose la représentation d’une philosophie se développant en archipels (198) : archipels urbains, mais archipels où se jouent aussi des problématiques identitaires qui rapportent l’universalité philosophique à des spécificités territoriales marquées. Le disparate chapitre VII examine ces problématiques de décentrement de l’universalisme philosophique européen dans l’horizon des études post-coloniales. L’auteur cherche « à comprendre dans quelles mesures les opérations de ‘détachement’, de mise à distance de l’Europe par le procès du passé colonial s’articulent à une valorisation des philosophies autochtones » (198), montrant par exemple (213-222) le rôle de la collecte des artefacts indiens dans l’invention d’une expérience américaine originale de la nature censée différencier la philosophie du Nouveau monde de celle du vieux continent
Vers un parti des philosophes
La dernière partie examine les pratiques qui mobilisent les philosophes modernes dans l’espace politique comme un « parti de la vérité » (227). Renouant avec les réflexions de la première partie sur les pratiques de la transmission et la réappropriation des modèles antiques de parrhésia, le chapitre VIII se propose de montrer que la continuité d’une rhétorique de l’amitié dans les correspondances des XVIIe-XVIIIe siècles joue un rôle essentiel dans l’économie et la transmission des savoirs, mais aussi dans la constitution d’un espace collectif libérant ces éthiques de la vérité de la philosophie moderne. L’amitié rend possible des cercles intimes de lecteurs, des communautés textuelles où la philosophie se diffuse, sinon clandestinement, du moins à l’abri de la censure, dans l’antichambre de l’espace public : la lettre déjà citée d’Oldenbourg en est un bon exemple. La tension est néanmoins forte entre ce « régime de familiarité » et une tendance générale à la « dépersonnalisation de la philosophie […] pour accéder aux vérités de la science » (230). Elle se résout parfois dans une transformation de « l’autorité intellectuelle de l’œuvre individuelle » (247) vers une « œuvre coproduite » par l’amitié (246-249).
Si l’amitié joue un rôle essentiel dans la constitution des Lumières comme parti dans cet « ancien régime de la vérité », elle ne permet cependant pas d’en rendre entièrement compte. Ce processus paraît indissociable de ce que S. Van Damme, reprenant le lexique de Bruno Latour, appelle des épreuves, des moments de crises où s’exerce une violence à la fois sur et par les acteurs [6].
Limites de cette autre histoire de la philosophie
S. Van Damme reconnaît que son ouvrage n’esquisse encore que de façon « fragmentaire, pointilliste et […] trop externaliste » cette « histoire historienne de la philosophie » (300). Ce défaut tient occasionnellement à la compilation d’une historiographie récente, diverse et foisonnante autour de problématiques parfois un peu abstraites et générales. Toutefois, ce pointillisme est peut-être consubstantiel au projet même d’une histoire matérielle et pragmatique de la philosophie. Car non seulement le champ des pratiques philosophiques est plus difficile à circonscrire que celui d’un corpus d’œuvres, mais la plasticité de la catégorie mouvante et polémique de « philosophie » rend le projet d’une telle histoire pragmatique plus délicat que celui, par exemple d’une histoire des sciences. C’est la fécondité et la faiblesse du projet. Fécondité, parce qu’en rapportant la philosophie à ces pratiques, l’ouvrage permet d’arracher l’activité philosophique à sa stricte textualité pour montrer comment elle caractérise aussi de véritables modes de vie, des « éthiques de la vérité » ou ce que l’auteur appelle une « philosophie de plein air ». Fécondité encore, parce que cette plasticité permet de dégager des problématiques spatiales et territoriales de l’activité savante. Limite : parce qu’à ce compte on risque le vague et l’arbitraire dans la corrélation entre le facteur « philosophique » et la pratique examinée. La catégorie ne devient-elle pas trop vague pour qu’on ne sache plus distinguer les pratiques dites « philosophiques », de celles du savant, de l’homme de science ou de lettres voire de l’honnête homme ? L’auteur reconnaît par exemple avec honnêteté dans une incise que le phénomène de « chasse aux manuscrits philosophiques » (auquel il consacre de nombreuses pages) s’inscrit dans le sillage plus général du « culte du grand écrivain » (119). Jusqu’où s’agit-il donc d’une pratique « philosophique » ? Autre exemple : lorsque S. Van Damme montre comment la collecte d’artefacts indiens contribue à l’élaboration culturelle d’une « nature » américaine, on peut certes comprendre en quoi l’invention de cette « nature » et de la « wilderness » joue un rôle essentiel dans la fabrique de la philosophie nord-américaine, mais on ne voit pas bien en quoi cette pratique de collecte relève spécifiquement de la philosophie. Pourtant l’auteur s’appuie précisément sur un tel exemple pour dégager « deux façons d’envisager la philosophie, celle attachée à l’écriture ou celle adossée aux artefacts comme critères de définition de la philosophie [nos italiques] » qui « opposent deux visions du philosophique » (225). Mais en quoi l’opposition entre une vision « qui renvoie aux traditions écrites et textuelles et qui privilégie la production idéelle » et « l’autre qui se fonde sur la production matérielle et technologique » permet-elle donc de produire des critères de définition de la philosophie ? Ainsi, à trop accorder en extension à la catégorie de philosophie, à manquer justement de critères pratiques suffisamment déterminés pour circonscrire le projet, c’est le sens même de l’expression « une autre histoire de la philosophie » qui s’obscurcit.
Une réflexion plus générale s’impose aussi à propos des concepts de « vérité » et de « Lumières » mobilisés dans le titre de l’ouvrage. « À toutes voiles vers la vérité » : S. Van Damme a ici altéré la citation liminaire d’Oldenbourg. D’après la traduction qu’il a choisie [7], il est temps d’aller « à toutes voiles » non pas vers la « vérité », mais vers la « vraie science et de scruter les secrets de la nature plus avant ». Ce n’est donc pas tant la vérité que la connaissance approfondie de la nature qui s’énonce ici comme le but de cette navigation en mer. Certes, dans un contexte spinoziste ou matérialiste, cette distinction entre vérité et connaissance de la nature est peut-être plus nominale que réelle. De façon plus générale cependant, il est certain que la vérité est un concept qui déborde largement la connaissance de la nature et qui, sur l’ensemble de la période étudiée, n’est ni le monopole du discours philosophique (les vérités révélées ou du cœur dépassent la connaissance humaine de la nature), ni encore moins celui des Lumières. Si cette inflexion attire l’attention, c’est surtout parce que le concept de vérité (au génitif) contamine la quasi-totalité des titres des parties de l’ouvrage (sans que ladite « vérité » occupe en réalité tant de place dans le contenu effectif des chapitres). Dans une note faisant allusion à Foucault (n. 7, p. 57) S. Van Damme suggère que la période qui l’occupe marque le passage d’une « volonté de savoir » à une « volonté de vérité », mais sans plus d’explication ou de discussion critique de cette terminologie.
Ces usages du concept de vérité sont d’autant plus déroutants qu’ils conduisent l’auteur à parler de la constitution par la philosophie au temps des Lumières d’un « parti de la vérité ». Or, il n’est pas évident que même une minorité de philosophes des Lumières se fussent reconnus dans le projet de constituer un tel parti. De fait, c’est plutôt chez des philosophes antérieurs ou postérieurs aux Lumières, et souvent très marqués par la théologie rationnelle que la vérité joue un rôle vecteur, moteur et central (cf. La recherche de la vérité de Malebranche, l’idéalisme spéculatif de Hegel, le positivisme de Comte). Il y a au contraire une remarquable prudence des philosophes des Lumières, et en particulier de sceptiques tels que Bayle ou Hume dans leur usage du concept de vérité – prudence inséparable de leur méfiance à l’égard des « partis » (ou églises) qui comprennent leur mission comme un génitif (subjectif) de la vérité. « Constituer le parti de la vérité » paraît ainsi une qualification bien malheureuse de l’entreprise des Lumières.
Mais l’auteur s’attache-t-il justement à caractériser cette entreprise ? Puisqu’il consacre de nombreuses pages aux Lumières écossaises et cite abondamment Hume dans son chapitre II, arrêtons-nous ici un instant sur ce dernier exemple. Dans les pages de l’Enquête sur l’entendement humain qu’il cite, S. Van Damme interprète le couple « philosophie facile » / « philosophie abstruse » dont Hume tente de surmonter l’opposition comme une distinction entre philosophie populaire et philosophie ésotérique. Une telle interprétation permet peut-être, autant dans la perspective d’Habermas que dans celle de Foucault, de montrer comment les philosophies des Lumières substituent au modèle de la parrhésia du XVIIe siècle [8], celui d’un discours philosophique s’adressant à la fois au petit et au grand nombre, prenant pour public et pour juge la personne universelle du genre humain, et ce sans qu’aucune question (religieuse ou politique) ne se soustraie en droit à l’inspection et au jugement de l’entendement humain. Toutefois, S. Van Damme passe sous silence dans les passages cités la tâche plus précise que Hume assigne à sa philosophie : combattre la superstition dans sa retraite la plus secrète, c’est-à-dire sur le terrain de cette « métaphysique adultérée » où la raison s’illusionne sur elle-même. Or ce combat contre la superstition, et plus encore son lieu (les grandes métaphysiques dogmatiques telles que celles de Malebranche), caractérisent ici de façon originale le rapport des Lumières aux philosophies du « Grand siècle » : recourir à la raison critique pour combattre partout la superstition et le préjugé – partout, c’est-à-dire aussi là où la philosophie de sens commun n’a pas accès, dans cet asile pour la superstition que sont les grandes métaphysiques dogmatiques postcartésiennes.
Trouve-t-on à travers l’étude des « pratiques philosophiques » que nous propose S. Van Damme une distinction aussi claire des philosophies des Lumières et de l’âge classique ? L’ouvrage couvre indifféremment les XVIIe et XVIIIe siècles. Certes, S. Van Damme parle du « siècle des Lumières » (74), mais, hormis peut-être dans le chapitre II, il ne différencie quasiment pas les Lumières par leurs pratiques philosophiques des philosophes du Grand siècle : Pascal, les jansénistes, sont traités à côté de Bayle et Rousseau comme autant d’exemples de l’opération d’« archiver les Lumières » (116-117) ; tous entrent dans un même « ancien régime de la vérité ». Que penser alors d’une histoire pragmatique de « la philosophie au temps des Lumières » qui dégage si peu de critères pour différencier, dans et par les pratiques, un événement et une catégorie philosophiques aussi importants que les « Lumières » ?