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Essai International Philosophie

Interdire ou dissuader ?
Leibniz et le droit de guerre


par Paul Rateau , le 10 octobre 2023


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Leibniz mena tout au long de sa vie une intense activité diplomatique en vue d’établir la paix en Europe. Ses réflexions sur le droit de guerre et le projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre n’ont rien perdu de leur actualité ; le philosophe de l’optimisme tempère les rêves du pacifisme.

Guerres d’hier et d’aujourd’hui : de Kiev à Hanovre

Hannah Arendt écrivait dans Vérité et politique :

Même si nous admettons que chaque génération ait le droit d’écrire sa propre histoire, nous refusons d’admettre qu’elle ait le droit de remanier les faits en harmonie avec sa perspective propre ; nous n’admettons pas le droit de porter atteinte à la matière factuelle elle-même [1].

Pour expliquer la différence entre cette « matière factuelle » et les interprétations qui peuvent en être faites, Arendt cite la réponse de Clemenceau, à qui l’on demandait ce que, à son avis, les historiens du futur penseront de la délicate question des responsabilités dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale : « Ça, je n’en sais rien, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’ils ne diront pas que la Belgique a envahi l’Allemagne ».

Que diront les historiens de l’avenir sur les causes qui ont conduit à la guerre actuelle entre la Russie et l’Ukraine ? Nous pourrions répondre, en paraphrasant le « Tigre » : nous n’en savons rien, mais ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’ils ne diront pas que l’Ukraine a envahi la Russie le 24 février 2022. Le rappel à ce fait élémentaire n’est jamais inutile : il n’interdit pas, par avance, un débat fécond sur le contexte et l’enchaînement complexe de circonstances qui aboutissent à un événement, mais il fixe et circonscrit le cadre dans lequel l’interpréter.

Cette guerre a pris la forme d’une agression d’un pays (l’Ukraine) par un autre (la Russie). Si les motifs allégués par l’agresseur pour justifier son invasion n’ont guère convaincu, en revanche, l’exercice par l’agressé de son droit de se défendre – garanti par l’article 51 de la Charte des Nations Unies dans le cas d’une « agression armée » – n’a pas été contesté. Alors que l’emploi du droit de guerre par l’un a pu être jugé illégitime, son emploi par l’autre a non seulement été reconnu comme juste, mais encore encouragé et soutenu, par l’octroi d’aides matérielles et financières par les pays qui soutiennent Kiev. De ce point de vue, le recours à la force armée, loin d’être condamné par principe au nom de la non-violence, d’un rejet de la guerre pour des raisons morales, a été parfaitement admis dans le cas de l’Ukraine. Les réticences observées dans certains pays, dans le soutien à apporter à l’agressé, ne sont pas venues d’un jugement moral sur la guerre, considérée comme mauvaise en soi, mais de la crainte d’une escalade du conflit, c’est-à-dire des conséquences de l’accroissement des moyens militaires fournis à la victime, face à un agresseur doté de l’arme atomique. À leurs yeux, le mal n’était pas tant la guerre, en elle-même, mais le risque de contribuer à la faire perdurer, ses effets prolongés sur l’équilibre mondial et ses répercussions économiques notamment – un motif qui n’a rien de moral.

La guerre n’apparaît donc pas en soi injustifiable, dès lors qu’elle se fonde sur la légitime défense. Il faut cependant se demander si la légitime défense, qui relève du droit de guerre, peut être admise sans son autre versant (son « revers), qui est le droit à l’action offensive, le droit de prendre l’initiative d’attaquer. Ces « deux » droits font partie du droit de guerre, de sorte qu’il paraît difficile de les dissocier, de prétendre garder l’un et renoncer à l’autre, en déclarant ce dernier par principe illégitime. Deux interprétations sont en réalité possibles.

La première consiste à considérer que ces deux droits dérivent en réalité d’un seul et unique droit fondamental, que Thomas Hobbes (1588-1679) définissait comme le « droit de nature », qui consiste en cette liberté que chacun a « d’user de son propre pouvoir pour la préservation de sa propre nature, c’est-à-dire de sa propre vie ; et, par conséquent, de faire tout ce qu’il concevra, selon son jugement et sa raison propres, être le meilleur moyen pour cela » [2]. Ce droit de conserver sa vie ne se réduit pas à la légitime défense, en cas d’attaque, puisqu’il autorise à agir pour la perpétuer et, à cette fin, de prendre l’initiative de la conquête et de l’appropriation. La seconde interprétation, plus restrictive et réductrice, revient à poser que ces deux droits ne se fondent pas sur un autre plus originaire, mais qu’ils n’en font en réalité qu’un seul, telles les deux faces d’une même pièce, et que l’un (le droit d’attaquer) ne peut tirer sa légitimité que de l’autre (le droit de se défendre), c’est-à-dire n’est justifiable que s’il en prend la forme. On a le droit d’agir de manière offensive parce qu’en attaquant, en réalité, on riposte et on se défend, contre une agression avérée ou une menace supposée – ce dernier cas impliquant une sorte d’application anticipée de la légitime défense (au sens strict).

Les Russes ont tenté de reprendre à leur compte cette dernière interprétation du droit de guerre – qui tend à assimiler le droit d’attaquer au droit de se défendre – en présentant leur intervention comme une opération visant à défendre les populations russes prétendument opprimées dans le Donbass, puis en invoquant le droit à la sécurité de la Fédération de Russie face à l’élargissement de l’OTAN jusqu’à ses frontières, avec l’adhésion à l’Alliance de pays appartenant autrefois à sa sphère d’influence. Le droit de guerre est clairement utilisé de manière à transformer l’action offensive en action défensive et/ou préventive, c’est-à-dire en une action menée au nom de la légitime défense (de populations en danger qu’il faut protéger) et/ou afin d’empêcher un conflit imminent avec un voisin jugé menaçant. Le paradoxe – sinon l’ironie – est évidemment de voir les belligérants se justifier de la même manière, en recourant également au même article 51 de la Charte des Nations Unies ! Les arguments avancés par les Russes, quoi que l’on en pense, montrent, au-delà du cas de l’Ukraine, que le droit d’attaquer peut trouver sa justification – et pour certains il ne peut la trouver que là – s’il est ramené au droit de se défendre ou s’il en est une extension. L’un et l’autre deviennent alors l’expression d’un droit unique, le droit de guerre, qui, s’il n’est pas détourné de la fin qui en justifie l’usage (et ne masque pas une volonté de conquête), fonde le concept traditionnel de « guerre juste ».

Droit de guerre, droit de se défendre, droit à la sécurité, guerre juste sont autant de notions élaborées et discutées par la philosophie au cours de son histoire. Il est frappant de les voir convoquer dans les débats sur les événements d’Ukraine et dans les analyses qui leur sont consacrées, sans toujours l’éclairage historique nécessaire ni la prise en compte de leur signification complexe et de leurs implications multiples. On y trouve évidemment aussi des références à la paix, aux conditions à réunir pour l’établir et, surtout, pour la faire durer. C’est alors une autre idée, là encore puisée dans l’histoire de la pensée, qui est parfois évoquée : celle de paix perpétuelle. Des essayistes et universitaires ont pu voir dans la guerre en Ukraine la fin d’une ère et la source d’une grande désillusion : elle marquerait l’échec d’une croyance en l’instauration d’une paix définitive par le droit, qui rendrait toute guerre illicite et finalement impossible, par la reconnaissance universelle de principes, l’adoption d’institutions et de procédures empêchant le conflit armé entre les nations (et offrant les mécanismes permettant le règlement pacifique de leurs différends). Sur le continent – l’Europe – qui a vu naître au XVIIIe siècle de tels projets de paix perpétuelle, sous la plume de l’abbé Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre (1658-1743) ou sous celle d’Emmanuel Kant (1724-1804), se verrait ainsi anéantie cette promesse des Lumières, par l’affrontement direct ou indirect d’États modernes, membres d’une organisation, l’ONU, dont le but explicite est de maintenir la paix et la sécurité dans le monde [3]. On assisterait alors à un retour de « la logique séculaire du primat de la force, ou de l’équilibre des forces », qui ferait de « la perspective d’un dispositif de sécurité collective à vocation universelle, où les États accepteraient de gager leur sécurité sur des actes juridiques », une « vue de l’esprit » [4]. À défaut de pouvoir arrêter ou même de limiter la guerre par le droit, nous en serions réduits à nous rabattre sur le respect du droit dans la guerre (le droit international humanitaire et le droit international pénal) : « Il y a là, paradoxalement, estime Jean-Marc Sorel, à la fois une part d’incontestables progrès, et une part de tragique reniement. La structuration du maintien de la paix dans sa version onusienne étant pour le moins grippée (si ce n’est définitivement décrédibilisée), il n’est plus question d’arrêter la guerre, puisque c’est impossible, mais d’en limiter les conséquences et de prévoir un après-guerre dont personne n’en connaît la date » [5].

Touchant ces deux questions, d’une part, la guerre et sa justification, d’autre part, l’idée de paix perpétuelle, un auteur, qui n’est pas habituellement rangé parmi les principaux penseurs de la politique, alors qu’il y a consacré de nombreux écrits et qu’il est même l’un des rares à l’avoir pratiquée, mérite d’être évoqué : Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), le philosophe de Hanovre. Leibniz ne fut pas seulement ce grand métaphysicien et ce mathématicien de génie, le philosophe des monades, du système de l’harmonie préétablie et le défenseur de la thèse du meilleur des mondes possibles : il fut aussi diplomate, conseiller juridique et politique au service de plusieurs princes (le prince-archevêque et électeur de Mayence, les ducs de Brunswick-Lunebourg, l’empereur Charles VI, le Tsar Pierre le Grand). Ses écrits politiques ne relèvent pas de la seule réflexion théorique, mais témoignent d’une connaissance très informée de l’état de l’Europe, des forces en présence, des intérêts et des ambitions des souverains de son temps. Il est notamment l’auteur de mémoires, de manifestes et de pamphlets dirigés contre la politique d’expansion et d’hégémonie menée par Louis XIV, et pour la défense du Saint-Empire Romain germanique, de son intégrité et de ses droits. Bien qu’il se situe dans un contexte intellectuel et historique très différent du nôtre – mais peut-être en raison justement de cette différence – il n’est pas sans intérêt de se pencher sur sa conception de la guerre (objet de la section 2) et sa critique du projet d’instaurer, par le droit, une paix définitive entre les nations (objet de la section 3), dans la mesure où elles permettent d’aborder avec un autre regard ces questions brûlantes qui agitent nos contemporains.

Les conditions de la guerre juste et la balance de l’Europe

La guerre est pour Leibniz un fléau, par le cortège de malheurs qu’elle ne manque pas d’apporter aux peuples, mais elle n’est pas par principe mauvaise ni injustifiable en soi – conformément à ce qu’enseignait déjà Hugo Grotius (1583-1645) [6]. Il est des situations où elle est même préférable à la paix, à une paix dont les conditions sont iniques, comme l’est par exemple, à ses yeux, la paix d’Utrecht de 1713, qui mit fin à la guerre de Succession d’Espagne. La guerre est à la fois un fait et un droit.

Bataille de Denain (1712), par Jean Alaux (1839) Château de Versailles

Elle est un fait dont témoignent l’histoire et l’état de l’Europe de son temps, mais qui ne doit pas autoriser de conclusion hâtive sur la nature prétendument mauvaise de l’homme. Si « l’homme est un loup pour l’homme », selon le proverbe, il est tout autant « un dieu pour l’homme », aime à rappeler le philosophe allemand, car « rien ne peut plus contribuer au bonheur et au malheur de l’homme que les hommes. S’ils étaient tous sages et savaient se bien comporter entre eux, ils seraient tous heureux, autant qu’il se peut obtenir par la raison humaine » [7]. Il y a des guerres, et pourtant la guerre est évitable. Elle n’est pas l’état naturel des hommes, comme le pense Hobbes, une nécessité qu’il faudrait mettre sur le compte de leur nature. Paix et guerre dépendent de leur volonté et de l’état de leurs lumières. On notera que Leibniz n’affirme pas que l’homme est bon ou qu’il est méchant, ou encore qu’il n’est ni bon ni méchant, mais plutôt, en se fondant sur l’expérience, qu’il est à la fois bon et méchant et jamais ni très bon ni très méchant [8]  ! L’homme est naturellement aussi tranquille et pacifique que belliqueux et querelleur. Cependant, la recherche de la paix et de sa préservation est en lui plus fondamentale, car elle s’appuie, selon le philosophe, sur un « instinct général de société », encore appelé « philanthropie », qui le porte naturellement vers son semblable [9].

La guerre est également un droit, et même un droit naturel, d’abord individuel. Elle relève du premier degré du droit (le droit strict), identifié au « droit de la guerre et de la paix » [10]. Il commande de ne nuire à personne, afin de ne pas exciter en retour contre nous celui à qui nous avons nui (ou d’autres), et risquer le déclenchement d’un conflit. Tout dommage donne en effet au lésé un droit de guerre. Celui-ci est un droit de se défendre, de répliquer pour faire cesser le dommage, d’obtenir réparation, mais encore d’obtenir la sécurité : « la juste crainte d’un dommage imminent permet d’intenter une action pour dommage appréhendé (damnum infectum), c’est-à-dire le droit d’exiger la sécurité » [11]. Il en est de même en cas de tromperie manifeste : nous sommes là encore en droit d’intenter une action contre celui qui cherche à nous tromper. C’est ainsi que, parfois, même l’honnête homme est amené à violer les pactes, « quand la foi d’autrui est en droit suspecte et que la garantie contre un dommage appréhendé n’est pas fournie » [12]. Un contrat devient caduc quand la confiance est rompue. Hobbes jugeait qu’entre les cités ou les peuples il y a une guerre perpétuelle. Cela est vrai, reconnaît Leibniz, mais à cette condition : « si seulement cette doctrine n’est pas rapportée au droit de nuire, mais à la prudence de prendre ses précautions » [13], c’est-à-dire au sens de ce droit naturel à la sécurité.

Leibniz reprend par conséquent la notion traditionnelle de guerre juste, qui peut être défensive, mais également offensive et préventive. Le droit naturel comme le droit romain veulent que l’on puisse intenter une action au vu d’un dommage appréhendé contre ceux qui ont donné sujet de se faire craindre. Cette action tend à les obliger à donner des garanties et des sûretés. C’est au nom des dommages prévisibles (argument du jus damni infecti), que le philosophe exhorte l’Empereur, dans un texte intitulé la Paix d’Utrecht inexcusable [14] (1713), à continuer la guerre contre la France, parce qu’elle représente une menace pour l’Europe et que l’on ne peut se fier à la parole de Louis XIV. Comme le disait Leibniz dès 1688, en réponse à la décision de la France d’attaquer le Saint-Empire :

Cependant on ne saurait s’empêcher de rire, quand on entend les Français vanter le désir d’une paix stable, et se plaindre de notre peu d’inclination pour un si grand bien […] Ils [les Français] ont sans doute fort bonne grâce de parler de paix perpétuelle, eux qui n’en connaissent aucune que celle d’un esclavage général à la Turque. Ubi servitutem stabilierint, pacem vocant [15]. Mais il faut les renvoyer à l’enseigne d’une éternelle paix, c’est-à-dire au cimetière, que quelque plaisant avait pris pour enseigne de sa maison avec ce beau titre » [16].

Aucune paix perpétuelle n’est possible avec des gens qui violent les traités, les serments et n’ont pas de parole : « en ce cas, une guerre déclarée ne vaut-elle pas mieux qu’une paix infidèle ? » [17]

Aux yeux de Leibniz, une paix ne peut être durable si les conditions pour l’obtenir sont inéquitables et ont été extorquées à l’une des parties. L’humiliation de celui à qui elles sont imposées excite l’esprit de revanche, tout comme le triomphe du vainqueur renforce son appétit de conquête. La paix ne suppose donc pas seulement l’absence de guerre ou la fin des hostilités, mais encore des garanties sérieuses et suffisantes que la guerre ne se produira pas ou ne reprendra pas.

Il faut cependant noter que les conditions pour qu’une guerre soit considérée comme légitime sont très strictes : elle doit être un dernier recours, quand tous les autres moyens ont été épuisés (la publication de manifestes, les efforts de la diplomatie), son but est toujours de rétablir le droit du lésé (ou de restituer la tranquillité d’esprit de celui qui est menacé d’un dommage imminent), et elle ne peut, sans perdre sa justification, perdurer au-delà de la restauration de la situation antérieure au tort causé (ou à la menace avérée). De plus, le déroulement de la guerre lui-même doit être réglé (il n’y a pas seulement un droit à la guerre, mais aussi un droit dans la guerre) : droit des blessés, des prisonniers, des peuples vaincus, etc. La guerre juste, à la différence de la guerre injuste, doit veiller à respecter les traités (quand cela est possible) et les droits des personnes. Elle s’oppose à la guerre dite « barbare » : celle des Turcs, mais aussi la répression en France des protestants cévenols par le maréchal de Villars en 1704. Enfin, la victoire comme la défaite ne rend pas, comme telle, la guerre juste ou injuste, et ne permet donc pas de se prononcer sur la volonté de Dieu. Car Dieu peut permettre à la cause injuste de triompher et à la cause juste d’échouer pour des raisons que l’on ignore.

Un second élément est à considérer pour comprendre la conception leibnizienne des relations internationales et sa position à l’égard de la guerre. C’est la notion de balance de l’Europe qu’André Robinet a particulièrement mise en avant [18]. Cette notion – dont l’abbé de Saint-Pierre critique justement la pertinence – n’est pas propre à Leibniz, puisqu’elle est courante dans la littérature politique de l’époque. Le philosophe allemand la conçoit comme un système de relations où des forces antagonistes variables s’exercent les unes avec ou contre les autres. Ce système n’est jamais fixe mais mobile, car l’équilibre à trouver est toujours précaire. La paix est donc une tension permanente, elle exige des réajustements constants afin qu’aucune force ne prenne jamais le dessus sur les autres, au point de faire pencher la balance d’un seul côté, en contraignant les autres à sa loi. En 1713, par exemple, face au risque d’une alliance des Maisons de France et d’Espagne, et devant l’éventualité de l’accession d’un bourbon au trône d’Angleterre, Leibniz avertit : « L’Europe se trouve dans un état qui n’a jamais été si dangereux depuis plusieurs siècles, et l’union fatale des grandes monarchies de France et d’Espagne dans la Maison de Bourbon élève une puissance qui n’a pas eu sa pareille, au moins en Europe, depuis la décadence des Romains » [19]. Parce qu’il faut toujours, en politique comme en morale, se précautionner contre le pire [20], il est urgent de s’employer à rééquilibrer la balance de l’Europe qui en quelque sorte tangue, en modérant la nouvelle puissance qui s’élève et risque de tout « engloutir ».

Une tension, interne à la pensée politique de Leibniz, apparaît ainsi, entre le modèle du bon prince – conçu comme un souverain dont la puissance est guidée par la sagesse, qui tire toute sa gloire non de conquêtes, mais du progrès des sciences et des techniques dans son État et du bien-être qu’en retirent ses sujets – et la prise en compte lucide de « l’état des choses », de l’appétit et des intérêts des princes, qui conduit à considérer que, de fait, seule la force – et non la sagesse – peut modérer la force. Autrement dit, dans la conduite concrète des affaires, il n’y a que la puissance qui puisse arrêter la puissance. Maxime leibnizienne avant que Montesquieu ne la fasse sienne. Telle est sans doute l’une des raisons, sinon la raison fondamentale, de cet accueil très réservé que le philosophe allemand fit au projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre. Ce projet est, à ses yeux, au mieux une aimable fiction, une utopie généreuse (mais qui a peu de chance d’aboutir) au pire un danger, dans la mesure précisément où il remet en cause l’équilibre de la balance de l’Europe, en détruisant le Saint-Empire.

La critique du projet de paix perpétuelle

Abbé de Saint-Pierre

La réaction de Leibniz à la lecture du projet de Castel de Saint-Pierre est d’abord marquée par la circonspection. S’il ne semble pas mettre en cause la sincérité et les bonnes intentions de l’abbé, le philosophe de Hanovre paraît convaincu du caractère peu réaliste de son dessein, qu’il compare à l’Utopie de Thomas More. Il déclare à l’un de ses correspondants « […] puisqu’il est permis de faire des romans, pourquoi trouverons-nous sa fiction mauvaise, qui nous ramènerait le siècle d’or ? » [21]. La crédibilité du projet se trouve cependant entamée par le fait qu’il comporte certaines erreurs historiques (par exemple sur l’origine de l’Empire). Le défaut de connaissances factuelles et diplomatiques – donc de l’état réel des relations internationales – est un reproche qui traverse l’ensemble des remarques de Leibniz et de sa correspondance avec l’abbé.
Au doute se joint l’ironie :

J’ai vu quelque chose du projet de M. de S. Pierre pour maintenir une paix perpétuelle en Europe. Je me souviens de la devise d’un cimetière, avec ce mot, pax perpetua ; car les morts ne se battent point : mais les vivants sont d’une autre humeur ; et les plus puissants ne respectent guère les tribunaux [22].

Cette image du cimetière, que l’on retrouve à plusieurs reprises dans le corpus leibnizien, remplit une double fonction. 1) Elle sert à dénoncer tous ceux qui ont le mot « paix » à la bouche et ne pensent en réalité qu’à conquérir par la force et à asservir (tel Louis XIV). La paix qu’ils veulent, c’est, sinon la paix des morts, tout du moins la paix des peuples réduits en esclavage. 2) Elle sert à montrer qu’une paix perpétuelle est impossible parmi les hommes, et que ceux qui la défendent sans arrière-pensées méconnaissent la réalité des choses et la « faiblesse des liens de papiers », du fait du caractère habituel des princes. Comme Lysandre disait que les enfants jouent avec des noix comme les vieillards avec les serments, « aujourd’hui on dirait sans tort au sujet de beaucoup de puissants qu’ils jouent chez eux aux cartes et dans la république avec les traités » [23].

C’est pourquoi un plaisantin distingué en Hollande, comme il avait suspendu selon la coutume un insigne devant son domicile avec inscrit Paix Perpétuelle, avait placé en dessous de ce beau titre la représentation d’un cimetière. Assurément dans cet endroit, la mort a apporté la tranquillité [24].

La paix véritable ne se trouve que dans la tombe. Leibniz souligne alors le paradoxe suivant : « […] il arrive parfois qu’en raison de la situation des territoires ou bien de la conformation des temps, un prince doive toujours être en guerre, et cependant toujours conclure des traités de paix et des alliances ». Il subsiste ainsi tant de traités entre Charles Quint et François Ier, « qu’on croirait qu’il n’est resté nul temps pour combattre ; mais on se souvient de tant d’actes hostiles qu’il semble qu’ils n’ont jamais fait de paix » [25].

La correspondance qui s’engage avec Castel de Saint-Pierre à partir du début 1714 (à l’initiative de l’abbé) permet à Leibniz d’entrer plus avant dans le sujet et d’opposer des objections précises. Il ne se montre jamais hostile au projet, se déclare même prêt à le soutenir et propose des améliorations. Son désaccord porte cependant sur des questions où se mêlent le droit et le fait. Elles ont trait à la nature de la souveraineté, aux droits historiques acquis par les puissances européennes, au caractère des princes, mais encore à cet équilibre des puissances ou balance de l’Europe, qui fournit, à ses yeux, l’assurance de la paix, ou tout moins, la meilleure garantie contre la guerre perpétuelle.

Dans sa lettre du 7 février 1715, Leibniz insiste sur les obstacles qui s’opposent à l’accomplissement d’une paix générale et définitive entre les nations. Ce projet, pour se réaliser, ne dépend pourtant que de la volonté des hommes. Mais là est justement le problème ! Car les conditions à réunir sont très difficiles : il faudrait 1. que les princes le veuillent, et pour cela y trouvent leur intérêt, et 2. qu’ils soient suffisamment nombreux à le vouloir ou, en tout cas, que les plus puissants y souscrivent – c’est-à-dire ceux qui ont justement le moins d’intérêt à voir leur puissance limitée par des traités. Il est certainement plus facile de faire cesser le grand Schisme d’Occident, de réunir les Églises divisées, ou encore pour un souverain d’éradiquer la peste ou la famine dans son État que de mettre fin pour toujours à la guerre. Un ministre ne pourrait recommander à son prince un tel projet que s’il se trouvait (lui le ministre) « à l’article de la mort, surtout si des intérêts de famille ne l’obligeaient pas de continuer sa politique jusqu’au tombeau et au-delà » [26]. Il faudrait qu’il se trouve dans une situation qui le dégagerait de tout intérêt. Mais « il n’y a point de ministre maintenant qui voudrait proposer à l’Empereur de renoncer à la succession de l’Espagne et des Indes », pour simplement éviter la guerre.

Dans sa lettre du 3 mars 1715, l’abbé accuse le philosophe d’insincérité voire de duplicité : il prétendrait approuver le projet, tout en assurant qu’un ministre ne saurait le conseiller à son prince, sinon à l’article de la mort. Leibniz lui répond, en précisant sa pensée : dire qu’il n’est pas facile de convaincre un ministre de soutenir un tel projet ne veut pas dire que le projet n’est pas solide [27]. Le projet l’est, mais il est difficile à défendre, pour deux raisons principales, qui tiennent 1. à la position du ministre 2. au caractère et à l’ambition des princes.

1. Le ministre qui conseillerait à son prince de signer un tel traité de paix perpétuelle outrepasserait sa fonction. Ce qui touche au pouvoir lui-même, à son exercice et à son indépendance ne regarde pas les ministres. Un prince lui rétorquerait : « vous sortez de votre sphère, je ne vous ai point pris à mon service pour me lier les mains » [28]. Un ministre n’a pas à se prononcer sur les prérogatives du souverain, sur l’usage qu’il fait de son pouvoir, qu’il doit se contenter de servir.

2. Un prince est ambitieux. Son ambition lui fera toujours préférer « l’indépendance de sa couronne ». Il a en vue sa gloire, il est très attaché à son pouvoir et l’on voit mal ce qui pourrait le convaincre d’en abandonner une part, en renonçant formellement et de son plein gré au droit de la guerre et de la paix. Ce droit est un attribut de la souveraineté et, quoique Leibniz ne le dise pas explicitement, il est clair qu’y renoncer porterait atteinte à l’essence même de la souveraineté.

Un ministre ne pourrait conseiller un tel projet qu’à l’article de la mort, car c’est le seul moment où il pourrait sans danger sortir de sa « sphère », car il n’aurait plus rien à craindre : « […] souvent on n’ose point combattre les passions de ceux dont on veut conserver la faveur, que lorsqu’on croit de n’en avoir plus besoin » [29].

Leibniz se déclare finalement prêt à appuyer un projet « approchant du [sien] » devant le roi d’Angleterre George Ier [30], moyennant certaines modifications et corrections dont il donne la liste. Dans l’échange qui suit, sans doute parce qu’il sent chez lui des réticences tenaces, l’abbé regrette que le philosophe allemand, à l’instar de Descartes, ne se soit pas suffisamment intéressé à la politique, et ait privilégié le progrès des autres sciences [31]. La réponse que fait Leibniz à ce dernier reproche, dans sa dernière lettre à Saint-Pierre, permet de mieux comprendre le rôle véritable que doivent avoir, selon lui, la politique et ceux qui l’exercent. Il écrit :

Vous avez raison, Monsieur, de juger que la philosophie civile est encore plus importante que la naturelle. Elle enseigne de rendre les hommes heureux autant qu’il se peut par leurs présentes connaissances et pouvoirs ; mais la philosophie naturelle cherche à augmenter leurs lumières et pouvoirs : ce qui va lentement, au lieu que le premier peut aller vite, si nous voulons. [32]

Les princes, s’ils le voulaient, pourraient faire cesser toute guerre et ne s’occuper que du bien-être de leurs peuples. Cela dépend d’eux, mais le veulent-ils ? La politique est certes plus importante que la philosophie naturelle, car son but est le bonheur des hommes. Mais ce bonheur est lui-même conditionné par l’état des connaissances et des capacités actuelles de l’homme. Or ces connaissances et ces capacités ne peuvent augmenter que par les progrès de la philosophie naturelle. D’où en réalité la dépendance, et même la subordination de la politique à l’égard de cette dernière. La philosophie naturelle et la métaphysique dont elle tire ses principes deviennent finalement aussi importantes voire plus importantes encore que la philosophie politique, au moins à titre de moyens pour la fin que celle-ci vise. Travailler à l’avancée des lumières est donc certainement pour Leibniz une voie plus sûre qu’un projet politique de paix perpétuelle, qui heurte de front les intérêts et les habitudes de puissances européennes rivales et ambitieuses. C’est une voie plus sûre pour atteindre cette fin à laquelle tendent toutes les sciences, naturelles aussi bien civiles : la félicité de l’homme [33].

Cela ne signifie pas, évidemment, que Leibniz considère qu’il n’y a rien à attendre de la politique et de ceux qui exercent le pouvoir. Bien au contraire : la science a besoin de la politique pour se développer et pour que s’instaure l’Empire de la raison, but ultime de la science politique [34]. Elle a besoin du soutien du prince, et le prince sage est celui qui aura compris tout le bénéfice qu’il peut retirer de son développement – comme de celui des arts et des lettres – dans son État : une gloire plus solide et plus durable que celle qu’il pourrait tirer de victoires militaires, avec des citoyens plus heureux et plus vertueux [35]. L’avancée des connaissances, les bénéfices retirés de leur application pratique profitent d’abord à l’État où ces progrès sont favorisés, mais pas seulement. Par l’échange entre savants, par la diffusion des techniques nouvelles, ces progrès dépassent les frontières nationales et profitent en vérité à tout le genre humain. C’est donc de l’avancement des lumières que peut venir la paix, la tranquillité, le bonheur, et non, sans doute, de projets de paix supranationaux, dont la réalisation se heurtera nécessairement à des difficultés insurmontables et aux prétentions de souverains jaloux de leurs prérogatives.

De Hanovre à… Kiev, quels enseignements ?

Quels enseignements tirer, aujourd’hui, de ces thèses et analyses leibniziennes ? Nous en retiendrons quatre principaux.

1. La guerre n’est pas à mettre sur le compte d’une nature foncièrement querelleuse et belliqueuse de l’homme. Leibniz invite à ne pas verser dans une déploration vaine, fondée sur un dénigrement de l’être humain, qui, en lui attribuant une méchanceté constitutive, conduit en fait à excuser sa conduite, puisqu’il ne peut la changer. La guerre n’est pas une fatalité. Elle est contingente et dépend uniquement de notre volonté. Quoiqu’elle soit pratiquement impossible à éradiquer, à la différence des maladies ou de la famine, il nous appartient de la provoquer ou de l’empêcher, et de la terminer quand elle a lieu, si nous le voulons. À cet égard, les belligérants d’aujourd’hui sont comme ceux d’hier : à les écouter, ils ne désirent et ne recherchent que la paix, et pourtant ils ne cessent pas de faire la guerre.

2. S’il n’est pas du tout certain qu’une guerre proclamée « juste » le soit toujours, puisque chaque belligérant se considère immanquablement dans son bon droit [36], il est faux de prétendre que toute guerre est, par principe, injuste et que la paix lui est toujours préférable. La guerre vaut, dans certains cas, mieux que la paix, lorsque celle-ci est imposée à des conditions insupportables pour l’une des parties, ou proposée par un adversaire qui n’est pas fiable, parce qu’il a déjà violé sa parole ou est suspecté de ne pas la tenir. Le droit à la sécurité peut s’entendre au sens de l’exigence de garanties auprès de qui est menaçant et n’inspire pas confiance, sans impliquer forcément (si ces assurances sont obtenues) une guerre préventive. Quoi qu’il en soit, la paix n’est pas la paix, si elle humilie l’une des parties et profite démesurément à l’autre : la première n’attendra que le moment de prendre sa revanche, tandis que la seconde, rendue plus sûre d’elle par la victoire, saisira la moindre occasion pour pousser son avantage et accroître ses prétentions. Une telle paix n’est qu’une trêve, ou plutôt elle est moins qu’une trêve : elle ne se contente pas de différer le retour inévitable des hostilités, elle les exacerbe, elle les rend d’autant plus vives quand l’esprit de vengeance anime les uns et l’appétit de conquête est aiguisé chez les autres.

3. Le droit n’arrête pas la force et la force ne s’y soumet pas d’elle-même. Seule la force peut limiter la force, non en se restreignant elle-même par une sorte d’autorégulation sage, mais en raison de l’existence de forces opposées et concurrentes qui lui font obstacle et la maintiennent dans certaines bornes. Cet équilibre dans les relations internationales, toujours précaire, cette balance qu’il faut rétablir quand elle oscille n’est pas à comprendre comme un substitut du cadre juridique fourni par les traités, les conventions et les chartes internationales, jugé défaillant et impuissant. Il en est le complément indispensable. À la différence de la paix des cimetières, la paix des vivants ne met jamais fin aux rivalités ni à la confrontation des intérêts et des ambitions divergents. Elle est plutôt à penser de manière mouvante et dynamique, comme une tension perpétuelle, qui requiert sans cesse l’appoint de contrepoids et la reconfiguration des alliances, pour qu’aucun État ou groupe d’États ne se sente suffisamment puissant pour imposer sa loi aux autres et ne devienne hégémonique. De ce point de vue, la paix n’est pas le repos ni de tout repos. Mais, parce qu’elle est liée à cette réalité changeante, elle exclut le statu quo [37].

4. Le droit de faire la guerre et de conclure la paix est consubstantiel à la souveraineté : y renoncer est impraticable en fait et impossible sans remettre en cause l’essence même de la souveraineté. Mais Leibniz suggère qu’il n’est nullement besoin de l’abandonner ni même de le restreindre pour obtenir la paix. Telle est sans doute, à ses yeux, l’erreur de l’abbé de Saint-Pierre, à laquelle s’ajoute une autre : un projet de paix perpétuelle est nécessairement voué à l’échec, et par suite source de désillusion chez ceux qui y croient, parce qu’il ne peut se réaliser que dans la mort ou par la domination d’une seule puissance, capable de placer les peuples sous son joug, dans un état de subordination et de dépendance, si elle ne les réduit pas en esclavage. La paix perpétuelle est la paix des cimetières ou la paix du plus fort [38].

Point de désillusion, de résignation ni de reniement dans ces réflexions inspirées de Leibniz. L’héritage des Lumières ne réside pas seulement dans la transmission de généreux principes, de beaux rêves et de nobles espoirs, il est aussi (et surtout) dans le legs d’outils conceptuels et critiques pour affronter les exigences d’une politique concrète, qui doit prendre en considération les rapports de forces réels et les revendications des uns et des autres. Il est vain de vouloir interdire la guerre, il est plus sage de dissuader de la faire. Au lieu d’œuvrer à une utopique paix perpétuelle, un homme comme Leibniz, si au fait de la politique de son temps, par les fonctions qu’il a occupées, pensait qu’il valait mieux travailler, plus modestement, à empêcher la guerre perpétuelle, en dépassant, notamment, les conflits religieux de son époque et en garantissant, le plus qu’il est possible, un équilibre des puissances, de manière à ce qu’aucune, quelle que soit sa force, n’ait intérêt à risquer un affrontement avec les autres.

par Paul Rateau, le 10 octobre 2023

Pour citer cet article :

Paul Rateau, « Interdire ou dissuader ?. Leibniz et le droit de guerre », La Vie des idées , 10 octobre 2023. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net/Interdire-ou-dissuader

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Notes

[1La crise de la culture, Gallimard, Folio/essais, 1972, p. 304. Nous soulignons.

[2Léviathan, I, XIV.

[3Et, à cette fin, de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et écarter les menaces sur la paix et réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix (voir la Charte des Nations Unies, I, 1).

[4Pierre Buhler, «  La guerre d’Ukraine et l’histoire de l’Europe : la fin d’une illusion  », Le Grand Continent, septembre 2023 https://legrandcontinent.eu/fr/2023/09/14/lukraine-et-lhistoire-de-leurope-la-fin-dune-illusion/. Selon Céline Bryon-Portet, «  Aujourd’hui, c’est l’attaque de Vladimir Poutine contre l’Ukraine qui met à mal le projet kantien de paix perpétuelle soutenu par une Société des Nations  » («  La guerre en Ukraine au prisme de l’utopie européenne : les désillusions d’un projet de paix perpétuelle  ?  », Hermès, 2022/2 (n° 90), CNRS Éditions, p. 193).

[5«  Droit international et guerre à la lumière du conflit en Ukraine : une liaison consubstantielle biaisée depuis son origine  », Revue Européenne du Droit, «  Guerre  », 5/2023, p. 113.

[6Voir Le droit de la guerre et de la paix, I, II.

[7Sur la notion commune de la justice, Sämtliche Schriften und Briefe, édition de l’Académie des Sciences, Berlin, Darmstadt, puis Leipzig, enfin Berlin, 1923-… [abrév. : A, suivie du numéro de la série, du tome et de la page], IV, 10, 36.

[8L’état moral de l’homme se trouve donc habituellement dans une certaine moyenne : «  on peut dire que les hommes ordinairement ne sont ni assez méchants ni assez bons  ; et Machiavel a bien remarqué que les deux extrémités sont également rares, ce qui fait que les grandes actions le sont aussi  » (Remarques sur trois volumes des œuvres de Shaftesbury, Die philosophischen Schriften von Leibniz, C. I. Gerhardt (éd.), 7 tomes, Berlin, 1875-1890 [abrév. : GP], III, 424).

[9Nouveaux Essais sur l’entendement humain, I, 2, § 9, A VI, 6, 93.

[10Nova methodus discendae docendaeque jurisprudentiae, II, § 73, A VI, 1, 343.

[11Ibid.

[12Praefatio Codicis juris gentium diplomatici, A IV, 5, 50.

[13Ibid., 51.

[14Voir Œuvres de Leibniz, publiées par Alexandre Foucher de Careil, Paris, Didot, 1859-1875 [abrév. : FC], IV, 3 et suivantes.

[15«  Là où ils auront établi l’esclavage, ils invoquent la paix  ». La citation est librement inspirée de Tacite (Historiae, IV, 17, 10).

[16Réflexions sur la déclaration de la guerre (automne 1688-1689), A IV, 3, 131.

[17Ibid., 132.

[18Voir G. W. Leibniz. Le meilleur des mondes par la balance de l’Europe, Paris, Puf, 1994, en particulier p. 235-236.

[19Lettre d’un patriote à la Sérénissime République de Venise, FC, IV, 175.

[20«  Quand la paix et la guerre sont incertaines, la prudence veut qu’on prenne les choses au pis, et qu’on agisse comme si la guerre était assurée  » (FC, IV, 148).

[21Lettre à de Grimarest du 4 juin 1712, Correspondance Leibniz Castel de Saint-Pierre [abrév. : CLSP], édition d’André Robinet, Centre de philosophie du droit, Paris II, CNRS, 1995, p. 25.

[22Ibid. CLSP, p. 24.

[23Praefatio Codicis juris gentium diplomatici, A IV, 5, 50.

[24Ibid., 51.

[25Ibid.

[26CLSP, p. 31.

[27Voir la lettre du 4 avril 1715, CLSP, p. 54.

[28CLSP, p. 55.

[29CLSP, p. 56.

[30CLSP, p. 58. Leibniz était au service de George Louis, duc de Brunswick-Lunebourg, devenu souverain de Grande-Bretagne en 1714.

[31Lettre de l’abbé de Saint-Pierre du 14 septembre 1716, CLSP, p. 69.

[32Lettre de Leibniz du 19 octobre 1716, CLSP, p. 92.

[33Sur ce point, voir P. Rateau, «  La philosophie et l’idée d’encyclopédie universelle des connaissances selon Leibniz  », Archives de Philosophie 2018/1 (Tome 81).

[34Voir GP III, 277.

[35Voir Mémoire pour des personnes éclairées et de bonne intention, A IV, 4, 617.

[36Voir Sorel, art. cit. p. 112.

[37Leibniz rejette le statu quo territorial préconisé par l’abbé de Saint-Pierre, auquel les souverains devaient s’engager pour mettre fin aux conflits touchant les frontières.

[38Une paix qui risque, en réalité, de n’être pas durable, s’il est vrai que «  le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître […]  » (J.–J. Rousseau, Du Contrat social, I, 3).

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