En 2008, les analystes politiques ont voulu croire que la victoire de Barack Obama marquait le début d’un réalignement politique de long terme. Autour du charismatique candidat démocrate semblait se cristalliser une nouvelle coalition à même de mettre un terme à la domination de long terme des conservateurs. Patente dans sa forme la plus radicale depuis l’élection de George W. Bush Jr. en 2000, celle-ci avait cependant débuté dès 1980 avec l’arrivée de Reagan à la Maison Blanche. Jeunes, minorités et femmes, initiés à la politique ou réconciliés avec celle-ci grâce à la personnalité d’Obama et à sa promesse de changement, devaient pouvoir faire bloc, pendant au moins une génération, contre une droite américaine de plus en plus obsédée par la morale et opposée à l’intervention de l’EÉtat, alors même que l’économie américaine était au bord de l’effondrement.
Las ! Dès 2010, les candidats démocrates au Congrès essuyèrent de cinglantes défaites. La difficulté du président à sortir le pays d’une crise financière qui heurtait de front la croissance et les revenus des familles y contribua assurément. Mais il y avait plus. Les avancées, réelles, qu’il sut obtenir (la réforme de l’assurance sociale, la régulation de la finance en tout premier lieu) provoquèrent la colère des conservateurs plus qu’ils ne satisfirent ses partisans. Pour les plus progressistes, Obama faisait figure de président timoré, n’ayant pas réussi à mettre en œuvre les réformes promises dans le cadre de ce qui devait être un « new New Deal ». L’œuvre de ses premières années ainsi que son statut de premier président noir des États-Unis provoquèrent pourtant une radicalisation du Grand Old Party, tiré vers une position anti-fédéraliste par le Tea Party à sa base. La droite, dans sa version dure, polymorphe, acéphale, mais tenace, n’avait donc pas disparu avec l’échec de John McCain et de Sarah Palin en 2008.
En tant que réformateur, Obama était-il voué à l’échec ? Les réformes entreprises devaient-elles nécessairement conduire à une polarisation du pays ? La fortune politique était-elle condamnée à se dissiper ? Les résultats des élections présidentielles qui se tiendront le 6 novembre prochain trancheront, vraisemblablement en faveur d’une réponse négative. En attendant le verdict des urnes, ce dossier a vocation à fournir des pistes de réflexion, en explorant différents champs. Ainsi, dans son compte rendu de l’ouvrage de George Edwards III, Overreach, Aurélie Godet nous invite à comprendre les raisons pour lesquelles l’ambition transformatrice d’Obama ne pouvait atteindre ses objectifs.
Dût-il gagner, Obama continuera d’avoir face à lui cette droite dure avec laquelle son rival, Mitt Romney, n’a cessé de danser un tango hésitation. Ce dossier dresse donc un état des forces à droite. L’essai de Christine Zumello aide à comprendre le processus de sélection de leur candidat par les Républicains dans un double contexte de radicalisation propre au parti et externe, de relâchement des garde-fous sur le financement des campagnes. Romain Huret nous invite, lui, à retrouver les racines du Tea Party dans le conservatisme antifédéraliste né dans l’Amérique de la prospérité. Enfin, dans un essai intitulé « La guerre contre les femmes », Jennifer Merchant se demande jusqu’où cette droite est prête à aller dans la direction du conservatisme social et de la remise en cause des acquis libéraux, en particulier dans le domaine du droit des femmes.
Articles déjà publiés en ligne :
Aurélie Godet, « Les limites du pouvoir présidentiel », publié le 1er octobre 2012
Jennifer Merchant, « La “guerre contre les femmes” », publié le 22 octobre 2012
Christine Zumello, « La Fabrique du candidat républicain, retour sur les primaires », publié le 30 octobre 2012
Pour citer cet article :
Thomas Grillot & Pauline Peretz, « Élections américaines : la tentation conservatrice »,
La Vie des idées
, 22 octobre 2012.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://booksandideas.net/Elections-americaines-la-tentation-conservatrice
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