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À l’école des bêtes

À propos de : Dominique Guillo, Les Fondements oubliés de la culture. Une approche écologique, Seuil


par Antoine Doré & Jérôme Michalon , le 20 novembre 2019


Ni les sciences sociales ni les sciences de la nature ne s’attachent aujourd’hui à penser les rapports culturels entre les hommes et les animaux. Pour les comprendre, il faut revoir toutes nos catégories et se défaire, une fois pour toutes, de l’opposition entre nature et culture.

Partir de l’étude des rapports entre humains et animaux pour repenser la culture : tel est l’enjeu de l’ouvrage de Dominique Guillo, sociologue, directeur de recherche au CNRS, qui livre ici une synthèse – articulée et augmentée – de plus d’une dizaine d’années de recherches. Spécialiste de l’histoire et de l’épistémologie des sciences humaines et sociales dans leurs rapports aux sciences du vivant, D. Guillo soutient que la manière dont ces deux ensembles disciplinaires ont abordé la culture souffre d’un sérieux biais identitaire, qui les empêche de penser l’existence de cultures construites par et entre des espèces animales différentes.

Le diagnostic du biais identitaire

C’est à l’établissement de ce diagnostic épistémologique que D. Guillo consacre les trois premiers chapitres de l’ouvrage. Les sciences de la nature (l’écologie comportementale, l’éthologie et la biologie néo-darwinienne) ouvrent le bal, avec un premier chapitre où l’auteur propose une synthèse, très pédagogique, des recherches sur les sociabilités et les cultures animales qui ont émergé depuis plus de 40 ans. On y rencontre la singulière définition néo-darwinienne du social (un comportement œuvrant à la survie ou à la perpétuation des gênes d’individus autres que son auteur) puis une définition éthologique de la culture vue comme un ensemble de traits transmis par « apprentissage social » (social learning) plutôt que par des mécanismes génétiques de sélection naturelle.

Si l’existence de « cultures » parmi plusieurs espèces animales ne semble plus faire débat, D. Guillo note la difficulté, voire la réticence, à s’intéresser aux rapports entre individus d’espèces différentes. Les « cultures interspécifiques » ne sont donc pas à l’ordre du jour des sciences de la nature. Qu’en est-il du côté des sciences humaines et sociales ? Analysé de manière critique par D. Guillo dans le second chapitre, le développement de l’étude des interactions interspécifiques en SHS, n’offrirait pas non plus les conditions nécessaires à la compréhension des « cultures interspécifiques ». Ces travaux très hétérogènes [1] (les animal studies, l’anthropologie de B. Latour, celle de Ph. Descola, de T. Ingold, l’interactionnisme d’A. Arluke, C. Sanders, ou C. Jerolmack, l’ethnométhodologie de D. Goode, les science studies de D. Haraway, ou E. Crist) auraient certes ouvert la voie à l’exploration empirique des interactions humains-animaux, mais au prix d’une imposture épistémologique. Malgré leur prétention à ne plus placer l’humain au centre de toute réflexion, à « désanthropocentrer » le savoir, ces recherches reconduiraient une vision de la culture proprement humaine. En cause : l’attachement de certains à un constructivisme peu compatible avec l’objectif de dépasser l’anthropocentrisme, mais également une indifférence (voire une méfiance) à l’égard des sciences de la nature.

C’est donc à un rapprochement entre sciences sociales et sciences de la nature que D. Guillo appelle, car elles semblent souffrir d’un même mal : ne pouvoir étudier la culture qu’à partir de groupes d’animaux (humains et non-humains) appartenant à la même espèce. On a affaire à un tropisme ou un biais identitaire, qui se traduit à la fois par la focale (les relations intraspécifiques ou intragroupes) et par les résultats de ces recherches (la culture se déploie uniquement entre entités semblables et accentue la similitude entre elles). Ainsi, selon les termes de l’auteur, ces approches « classiques » de la culture procèdent (postulent) et produisent (accentuent) de l’identité partagée. Dans un monde où la compréhension de l’interdépendance entre des êtres aussi différents qu’un lombric, une baleine ou une molécule, devient de plus en plus cruciale [2], ce biais identitaire constitue un obstacle épistémologique majeur.

D’autant plus, nous dit D. Guillo, qu’il se donne à voir même lorsqu’il s’agit d’analyser les interactions entre humains et animaux, les recherches actuelles insistant davantage sur ce qui rapproche les premiers des seconds que sur ce qui les sépare. Comment donc penser la différence entre les êtres, à la fois comme postulat et comme résultat de leurs interactions ? C’est tout l’objectif de l’ouvrage, largement explicité dans le troisième chapitre, que de promouvoir une approche de la culture fondée sur l’étude des ajustements mutuels entre les êtres qui procèdent et produisent, non plus de l’identité, mais de la différence.

L’antidote interactionniste

Une fois le diagnostic posé, D. Guillo propose (quatrième chapitre) un remède : oublier un temps les grandes catégories philosophiques (Nature/Culture ; Humains/Animaux) et étudier les interactions concrètes et situées. Deux exemples empiriques issus des recherches de l’auteur sont livrés : une séquence dans laquelle un humain ouvre une baie vitrée à un chien et plusieurs interactions entre humains et macaques sur un site touristique marocain. Dans ces situations, les différences sont partout : entre les êtres, dans leurs attentes, dans leurs actions, leurs réactions, etc. Et pourtant, des « normes » émergent de ces interactions, qui ne leur préexistaient pas, et qui ne sont pas non plus des « normes communes », car elles ne concernent pas de la même manière les humains et les animaux coprésents, pas plus qu’elles ne concernent tous les humains et tous les animaux de l’espèce concernée. De la différence génère de la différence.

La multiplication de ces conduites réglées entre humains et animaux, ajoute l’auteur, ne passe pas par une « reproduction à l’identique » entre congénères. Car les animaux acquièrent de nouvelles conduites au contact des humains comme certaines recherches en éthologie l’ont montré. En sociologue, D. Guillo précise que la réciproque est vraie. Il existe donc du social learning entre des êtres d’espèces différentes, observable à l’échelle de l’interaction. Pour que l’on puisse parler de « culture interspécifique », reste à comprendre comment ces comportements ajustés aux différences se diffusent dans l’espace et le temps. Retraçant dans son cinquième chapitre l’émergence et la diffusion des pratiques de chiens-guides d’aveugle depuis le début du XXe siècle, l’auteur introduit le concept de social learning indirect. Ici, l’apprentissage n’implique pas la « copie » puisque le futur chien-guide et son éducateur sont bien incapables de reproduire les gestes de l’autre. Il implique un « faire faire » qui procède et produit de la différence entre le chien et son éducateur, et qui ne débouche jamais sur la résorption de cette différence, alors même que les pratiques de guidage canin se propagent à l’échelle mondiale. Les mécanismes de « faire faire » ou de social learning indirect (SLI) permettent d’expliquer la manière dont les relations entre humains et non-humains se diffusent de manière réticulaire dans le temps, dans l’espace, passant des échelles micro-sociales aux échelles macro-sociales. Ce changement d’échelle permet à l’auteur de défendre une approche « écologique » de la culture, propre à pouvoir faire dialoguer les sciences sociales avec la biologie de l’évolution.

Le sixième chapitre explore ces compatibilités possibles entre la connaissance actuelle des mécanismes de sélection naturelle et d’évolution biologique et des approches centrées sur l’étude des interactions. Aux forces évolutives habituellement convoquées pour expliquer la diffusion des traits comportementaux – gènes animaux, gènes humains, mais aussi cultures humaines via la domestication –, D. Guillo propose d’ajouter les cultures animales. Ces dernières sont envisagées comme facteurs de transformation des gènes et des conduites socialement acquises au contact d’autres espèces, en particulier des humains. Ce qui l’amène à insister sur la contribution active des animaux à la diffusion de nouveaux traits : l’augmentation de la possession d’animaux de compagnie dans les sociétés postindustrielles pourrait ainsi s’expliquer en tenant compte des ajustements comportementaux dont les animaux font preuve pour susciter leur adoption. Par le truchement du SLI, les cultures animales deviennent une variable à part entière de la coévolution. L’étude des interactions est ainsi constituée en point de passage obligé et dénominateur commun d’un programme d’analyse multiniveaux des cultures animales humaines et non-humaines appréhendées aux niveaux phylogénétique, ontogénétique et interactionnel. C’est ainsi au développement d’une « histoire naturelle des interactions sociales » (p 170) que l’auteur en appelle.

D. Guillo ne souhaite pas cantonner cette proposition forte à l’étude des rapports humains-animaux. Le chapitre final ébauche ainsi l’application de ce programme aux interactions entre humains et fournit l’occasion à l’auteur de revisiter certains objets bien identifiés de la sociologie (la socialisation, la division du travail social, la stratification sociale, le genre). L’auteur y réitère son diagnostic d’un biais identitaire amenant les sociologues à ne s’intéresser qu’à la production de « normes » et d’identité entre les membres d’un groupe social, et à assimiler la différence à l’absence de lien social, et donc à la négliger voire à la craindre [3]. Pourtant, explique D. Guillo, accueillir la différence dans le champ d’analyse est indispensable pour rendre compte de phénomènes, comme les rapports de pouvoir, centraux pour les sciences sociales, mais qui ne les aborderaient que partiellement en négligeant les mécanismes de SLI.

Les fondements oubliés de la culture est sans conteste un livre ambitieux, s’appuyant sur une grande érudition, et témoignant de la qualité de pédagogue de son auteur, rendant accessibles des travaux complexes, mis au service d’une argumentation maîtrisée. D. Guillo prend de front certains débats qui sont à peine effleurés par d’autres, comme la discussion sur la notion d’anthropomorphisme, à laquelle l’auteur apporte des contributions majeures. Par ailleurs, en montrant de manière claire et convaincante qu’il existe des formes de socialisations croisées entre des espèces, en particulier entre humains et animaux, le programme de D. Guillo permet de redistribuer très largement les sources et les manifestations de la socialité, ouvrant un espace de débat fort stimulant sur les fondements de nos disciplines. La défense de la notion de « cultures interspécifiques » constitue en outre l’apport marquant de l’ouvrage, qui ne manquera pas de convaincre de l’intérêt d’étudier les interactions humains-animaux. Celles et ceux qui le seraient déjà trouveront également de la matière neuve, comme le recours au SLI pour penser le changement à grande échelle des relations humains-animaux.

D’autres fondements de la culture

Néanmoins, l’identification des angles morts et des impasses épistémologiques sur laquelle D. Guillo s’appuie pour justifier l’originalité et de la portée réparatrice de son programme est discutable à plus d’un titre.

En premier lieu, l’ouvrage donne une vision parfois sévère des sciences sociales. Dire, par exemple, des recherches sur les classes sociales qu’elles ne s’intéressent qu’aux identités internes des groupes, c’est oublier que ces recherches n’existent que pour penser les inégalités sociales (soit les différences entre les groupes sociaux). Depuis longtemps déjà, l’anthropologie aborde la culture comme le résultat d’activités sociales produisant conjointement l’identité d’un groupe et son altérité, le hors-groupe [4].

Est-il souhaitable de dissocier identités et différences comme le propose D. Guillo, au risque de se priver des très nombreuses recherches en sciences sociales qui appréhendent la production des identités comme consubstantielle à la production des différences ? C’est le cas par exemple des analyses interactionnistes du genre, fleurissantes depuis la publication de l’Arrangement des Sexes d’E. Goffman (1977) [5], mais auxquelles l’auteur ne fait nullement référence. Appliquant son modèle « écologique » à la socialisation au genre, l’auteur en vient à présenter comme une découverte le fait que les rôles différenciés de genre ne se construisent pas uniquement au contact de personnes du même genre (par imitation donc), mais aussi dans les interactions répétées avec des personnes de l’autre genre (par « faire faire »/social learning), et donc que l’on devient femmes au contact des hommes et réciproquement.

Que penser par ailleurs de l’absence de référence à l’ouvrage de Dominique Lestel, paru en 2001, dont le seul titre – Les origines animales de la culture – aurait justifié ne serait-ce que quelques lignes ? La parenté entre les projets poursuivis par les deux ouvrages est pourtant flagrante : « Dans les pages qui suivent, je soutiens la thèse selon laquelle loin de s’opposer à la nature, la culture est un phénomène qui est intrinsèque au vivant dont elle constitue une niche particulière, qu’on en trouve les prémices dès les débuts de la vie animale » (p. 8) écrit D. Lestel, pour qui les cultures animales imposent « de devoir penser le phénomène culturel dans une perspective évolutionniste » (p. 8). Conséquent avec cette proposition, D. Lestel (et ses collègues F. Brunois et F. Gaunet – 2006) appellera au développement d’une « nouvelle science », synthèse « écologique » entre éthologie et ethnologie [6]. Une discussion avec cette proposition – et de nombreuses autres sur le sujet [7] – aurait été appréciable.

À bien des égards, le programme de D. Guillo s’inscrit dans un certain air du temps [8], ce qui invite à relativiser la rupture paradigmatique annoncée. Par ailleurs, on lui trouve un air de famille avec une œuvre pourtant copieusement attaquée dans l’ouvrage : celle de Bruno Latour. Au début des années 1980, B. Latour entame une collaboration avec la primatologue Shirley Strum visant à examiner les manières dont chacune de leur discipline (sociologie et éthologie) définissent théoriquement le « social » (Latour & Strum, 1986), et à quelle échelle elle le documente empiriquement (Strum & Latour, 1987). Plus de 30 ans avant D. Guillo, S. Strum et B. Latour écrivent que c’est par l’étude des interactions (approche commune aux deux disciplines, et à l’époque, innovante) que l’on pourra réellement comprendre les dynamiques sociales, à la fois chez les humains et chez les animaux. Valorisation de l’interaction comme seule échelle pertinente pour articuler sciences sociales et sciences de la vie (Strum & Latour, 1987) et pour rendre compte de la complexité des relations entre humains et non humains (Latour, 1994) ; appel à une déflation conceptuelle et ontologique préalablement à l’observation empirique (soit : le « principe de symétrie généralisée » de Latour et Callon – voir Akrich, Callon & Latour, 2006 ; Latour, 1988, 1991) ; approche écologique (Latour, 1999) et réticulaire ; passage d’une conception anthropocentrée de l’action à une conception redistribuée (« faire faire » - Latour, 1996, 2000) : on pourrait multiplier les exemples, montrant que, malgré sa volonté affichée de dénoncer l’inanité de la sociologie non moderne de B. Latour, D. Guillo emprunte un chemin parfois étonnamment ressemblant.

Une épistémologie asymétrique

Ce diagnostic d’un oubli des fondements de la culture, qui repose lui-même sur un certain nombre d’omissions, s’accompagne d’une adhésion patente à l’épistémologie des sciences du comportement (Behavioral Sciences – BS). L’unique définition de la culture utilisée et discutée dans l’ouvrage leur est empruntée, tout comme le concept clé de la proposition de D. Guillo (le social learning), et l’appel régulier à la « parcimonie ». Par ailleurs, c’est bien plus aux sciences sociales qu’aux BS que l’auteur fait porter la responsabilité d’une impossible synthèse autour des cultures interspécifiques. Contrairement à ce qu’elles affirment, les sciences sociales seraient les plus promptes à entériner le dualisme nature/culture et les frontières entre les disciplines, par « idéologie » ou « corporatisme ». À l’inverse, la sociobiologie, l’écologie comportementale ou la psychologie évolutionniste, en considérant l’humain comme un vivant parmi d’autres, abolissent ces frontières et ces dualismes, et apparaissent presque, sous la plume de D. Guillo comme des théories progressistes, là où les sciences sociales ne brilleraient que par leur conservatisme. On lira par exemple qu’à restreindre les phénomènes culturels à l’identité, les sciences sociales risqueraient d’alimenter la montée des « discours politiques “identitaires” » (p 302).

De la même façon, le plaidoyer de l’auteur pour un interactionnisme radical, épuré de tout « mentalisme », semble impliquer de rompre avec une quantité considérable de travaux en sciences sociales sur la culture. L’auteur dit en effet peu de choses sur l’articulation possible entre son programme et des approches plus classiques dans lesquelles la culture est par exemple abordée comme la construction d’un rapport symbolique de l’individu au groupe de semblables et à l’altérité. Outre l’étude des différences et des identités « objectives », il s’agit d’appréhender les identités et différences perçues, ressenties, conceptualisées, réfléchies et discutées par les individus. La focalisation sur les comportements ajustés, prônée par D. Guillo au nom du rejet de l’anthropocentrisme, amène-t-elle à ne plus s’intéresser du tout à ce rapport symbolique ? C’est le sentiment que l’on a et la conséquence d’un tel geste est, à nouveau, à évaluer en termes cognitifs : pour étudier les cultures interspécifiques, faudrait-il renoncer à tout un pan de recherches, pour lesquelles la parole humaine est constituée en objet et dont le potentiel heuristique est largement éprouvé ? Le rejet de l’anthropocentrisme nécessite-t-il que l’on se prive d’une telle somme de connaissances sur les manières dont se constituent symboliquement des « nous » et des « eux » ?

En faisant le bilan de cette lecture dense et riche, on se demande comment un plaidoyer aussi puissant pour la prise en compte des différences peut bien s’arrimer à un objectif d’unification des sciences. Car, quoiqu’il s’en défende, le programme de D. Guillo est à l’image de tous les appels à la synthèse, à l’avènement d’un paradigme intégratif et unificateur : épistémologiquement réductionniste. Il propose une voie unique (l’interaction) d’accès à la totalité de notre compréhension des phénomènes sociaux [9]. Ce faisant, il dessine un horizon où les différences entre les disciplines s’estomperaient progressivement, s’assimilant les unes aux autres, laissant au bord du chemin certaines approches, jugées trop différentes pour être compatibles avec le nouveau paradigme. Même au niveau épistémologique, produire l’identité génère la différence ; et ici, l’exclusion.

Dominique Guillo, Les Fondements oubliés de la culture. Une approche écologique. Seuil, 2019, 360 p., 23 €.

par Antoine Doré & Jérôme Michalon, le 20 novembre 2019

Pour citer cet article :

Antoine Doré & Jérôme Michalon, « À l’école des bêtes », La Vie des idées , 20 novembre 2019. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net/Dominique-Guillo-Fondements-oublies-culture-ecologique

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Notes

[1Regroupés selon des critères que l’on pourrait discuter : ces travaux n’ont pas tous le même objet ni les mêmes approches.

[2Dès l’introduction, D. Guillo place ses réflexions sous les auspices de l’Anthropocène.

[3D. Guillo relit ainsi le souci de Durkheim pour l’entretien de la solidarité malgré l’accroissement de la différenciation des organes sociaux comme l’expression d’une panique morale antidifférencialiste : pour Durkheim, la différenciation est un problème, qui à défaut d’être aboli, devrait être a minima régulé, faute de quoi la société n’existerait plus.

[4Comme le montrent les travaux de F. Barth (1969).

[5On pense aux travaux de West et Zimmerman (1987), West et Festernmaker (1995), auxquels la revue Terrains et Travaux a consacré un numéro spécial (2006).

[6La référence à D. Lestel aurait permis à D. Guillo de se positionner plus explicitement par rapport à tout un pan des recherches originales sur la culture, apparues dans le sillage de l’anthropologie des techniques et qui, dès les années 1990, ont discuté des «  cultures animales  ». Nous pensons en particulier à l’anthropologie des techniques qui s’est développée en France sous l’impulsion d’André Leroi-Gourhan, qui a connu des suites avec les travaux sur la domestication de André-Georges Haudricourt, et dans la revue Techniques et Cultures. Dans la même lignée, les travaux de Frédéric Joulian (2000) sur les techniques des animaux témoignent également d’une réception précoce en France des travaux éthologiques sur les cultures animales.

[7L’objectif de réconcilier les sciences sociales et les sciences de la vie en prenant pour objet privilégié les rapports humains-animaux apparait régulièrement : l’étho-éthnologie de D. Lestel, F. Brunois et F. Gaunet, l’anthropologie de Tim Ingold, l’histoire du point de vue des animaux d’Eric Baratay, ou encore les travaux de Véronique Servais, Florent Kohler, Nicolas Lescureux, Vincent Leblan, entre autres. Certains de ces travaux sont mentionnés par D. Guillo sans que ne soit discutée la plus-value de son programme par rapport aux autres.

[8La volonté de rompre avec l’anthropocentrisme et de revaloriser l’agentivité animale s’impose depuis plusieurs années comme un impératif tout autant scientifique que moral (voir Michalon, «  Cause animale et sciences sociales  », 2018).

[9L’emphase sur ce potentiel totalisant est mise par l’auteur lui-même tout au long de l’ouvrage.

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