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Barbares, ou modernes ?

À propos de : Johann Chapoutot, Libre d’obéir : Le management, du Nazisme à aujourd’hui, NRF Essais Gallimard


par David Chopin , le 15 juin 2020


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La barbarie nazie peut-elle ressurgir au sein de notre modernité ? Oui, selon Johann Chapoutot, sous la forme amène du management, dont l’un des théoriciens influents était un ancien technocrate du nazisme. Mais peut-on passer de l’étude d’un cas à une thèse aussi globale ?

Associer dans une même réflexion « nazisme » et « management » est une entreprise périlleuse, tant ces termes exacerbent les passions, au détriment parfois de la qualité de l’analyse. C’est l’exploit du petit ouvrage de Johann Chapoutot que de traiter avec subtilité les compossibilités entre un XXe siècle où émerge l’idéologie managériale, et l’interrogation toujours vivante des conditions de possibilité de la barbarie nazie au sein de notre modernité.

L’historien précise d’emblée que « le management a une histoire qui commence bien avant le nazisme » (p. 16) et que son livre ne prétend pas résumer l’histoire du management, ni celle du nazisme. Il veut étudier le « moment managérial » dont le IIIe Reich fait partie, en passant par une biographie, celle de l’intellectuel technocrate Reinhart Höhn.

Ce faisant, Chapoutot poursuit une œuvre, en dialogue avec de nombreux universitaires [1], cherchant à comprendre, au travers du nazisme, la continuité de la modernité du XXe siècle. Après le droit et l’art, son nouvel ouvrage veut permettre de relire l’histoire du nazisme sous d’autres formes qui inclut l’idéologie managériale.

Le personnage de Reinhart Höhn, professeur de droit, permet à Chapoutot de porter l’analyse au-delà de 1945 et de ne pas s’arrête à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Höhn entre au SD (Sicherheitsdienst, « service de sécurité ») en 1932, un an avant d’adhérer au parti nazi, puis rejoint la SS en 1934 et devient le premier adjoint de Reinhard Heydrich. Il dirige entre 1941 et 1943 la revue Empire, ordre social, espace vital (Reich, Volksordnung, Lebensraum), rattaché au NDSAP, le ministère des affaires étrangères et la wehrmacht, s’imposant comme spécialiste de l’organisation administrative souhaitable du futur Grand Espace (Grossraum), qui met au cœur les questions de « gouvernement des hommes » (Menschenführung). Son infatigable travail intellectuel lui permet de devenir haut fonctionnaire et de terminer en 1944 au poste de général (oberfürher).

L’intérêt de l’ouvrage est de redécouvrir le même personnage, dont le passé nazi est occulté, comme fondateur d’une des plus prestigieuses business school d’Allemagne de l’Ouest, qu’il fonde en 1956 à Bad Harzburg. Il y forme une large partie de l’élite économique du pays aux nouvelles méthodes de management. Comme dans bien d’autres pays, les méthodes sont adaptées à la culture locale, en l’occurrence allemande : avec de nombreux best sellers, comme Menschenführung im Handel (avec Gisela Böhme, 1962) ou Das tägliche Brot des management, publié en 1978 et traduit en plusieurs langues.

L’objet de l’ouvrage est donc le continuum du principe de modernité : entre le destin de l’élite allemande universitaire de l’entre-deux guerres, le IIIe Reich et le capitalisme rhénan. Sur les huit chapitres de l’ouvrage, il se dégage trois grands mouvements : la pensée de l’administration du IIIe Reich, la mise en pratique nazie avec les questions de gestion des hommes (Menschenführung) et ensuite la reconversion post guerre dans la traduction des sciences du management.

Vers un dépassement de la notion d’État

L’historiographie du IIIe Reich a depuis longtemps montré que le fonctionnement du nazi, pendant la guerre, reposait sur une « polycratie », nourrie par la profusion d’institutions métastatiques (Ingrao, 2017), se faisant concurrence et s’autoradicalisant.

Johann Chapoutot avait déjà travaillé le corps de l’idéologie nazie proto-étatique : les Germains étant un peuple fantasmé, celui des tribus et des familles respectant le droit de la Nature (le droit Romain étant l’origine de dégénérescence raciale, avec les institutions judéo-chrétiennes). La prise du pouvoir d’Hitler est une mise au pas (Gleichschaltung) de l’État lui-même. Le nazisme est un « mouvement » et non un parti. Citant Hitler, selon lequel « ce n’est pas l’État qui nous donne des ordres, mais nous qui donnons des ordres à l’État » (p. 34), Chapoutot rappelle que l’État fut soumis à la mise en concurrence d’institutions parallèles, dans une forme de darwinisme politique.

Reinhart Höhn avait déjà publié cette vision en 1934, dans un article intitulé « Les mutations de la pensée constitutionnelle ». Le concept d’État, selon lui, est né à la Renaissance, au temps de l’individu et du patrimoine des Princes. Selon l’universitaire, cette notion perd de sa validité au sein de la modernité, avec la nouvelle ère qu’il nomme celle de la « communauté » : le pouvoir laisse place à « l’exercice du commandement » (Führung).

Ce décentrement de l’objet du politique – de l’État comme fin, au Pouvoir comme moyen – a pour origine la conception darwiniste de l’idéologie nazie, critique de l’institution artificielle qu’est l’État, qui permet la survie de tous les individus hors du « corps du Peuple » (Volkskörper) : jugeant néfastes ainsi les législations, les assurances sociales, et tous les êtres non viables, hors de la race allemande. Le « Grand Espace Vital du Reich » ne signifie pas l’État (forme de la renaissance), mais le “règne, ère et aire” (forme médiévale de regnum). À l’intérieur de la Volkgemeinschaft, l’ordre sera immanent et spontané, l’État n’aura droit d’exister que s’il n’entrave plus les lois de la Nature (p. 53).

Si l’exaltation de la « liberté germanique » puise dans un héritage ancien, remontant à la « liberté des forêts » décrite par Tacite dans La Germanie et aux penseurs du XVIIIe siècle (Boulainvilliers, Montesquieu et Fichte), elle est aussi singulièrement moderne : l’État et la bureaucratie devant au XXe siècle être dépassés. Celui qui dirige pour les nationaux socialistes est le guide-compagnon (Führer-Genosse), en charge de faire appliquer la volonté de la communauté. Au-delà du public et du privé, au-delà du patronat et de l’employé, il y a la communauté productive (Betriebsgemeinschaft). Celle-ci ne doit plus être commandé par le corpus théorique de l’administration (Verwaltung) ; mais bien par l’alchimie d’une nouvelle notion, en débat au début du XXe siècle : la direction des hommes, avec le terme de Menschenführung.

De la direction des hommes sous le nazisme…

Le « gouvernement des hommes » (Menschenführung) est l’équivalent de management, mais ne peut pas s’y limiter. D’autres ouvrages [2] ont largement étudié l’intense débat autour de cette notion, et Chapoutot se contente d’insister sur l’investissement de l’idéologie nazie sur cette notion. Rejetant les clivages marxistes, la vision du monde nazie est un combat permanent contre la nature, les maladies et les autres peuples. L’objet de la direction des hommes est de sélectionner et former ces compatriotes (Volksgenossen) pour qu’ils soient aussi performants que possible. L’ingénierie sociale, biologique et médicale ont été le ciment des sciences mobilisées pour faire advenir cet être productif.

Ce management nazi est centré sur la notion de race et de sang, le travailleur tirant son sens de l’appartenance à une communauté, qui dicte ceux qui ont droit de vivre et d’exister. Ainsi, les « êtres non performants », les « entités indignes de vivre » et les « asociaux » seront sélectionnés par les outils de la science biologique, sociale et économique pour être éliminés (p.66). Le travail est le ferment de la communauté germanique : les camps de travail visent à leur rééducation, les malades, les oisifs et les opposants doivent être écartés. Une nouvelle science – la menschenführung – doit permettre de gratifier, motiver et créer cette grande communauté productive allemande.

Comme toutes les idéologies managériales, la vision nationale socialiste du travail ne se limite pas à l’épuration des « incapables » : mais elle scande aussi le travail. Celui libéré de l’opposition marxiste capital/travail, avec une immense organisation corporatiste « la force par la joie » (Kraft Durche Freude), qui remplace les syndicats. Amélioration des conditions de travail, perspectives de progression de carrières, loisirs, accès aux produits de luxe, comme la voiture, avec la KDFwagen, dessinée par Porsche, puis la Volkswagen, sont les promesses de l’économie de masse nazie.

… à la formation managériale des dirigeants en économie de marché

Discret, Höhn profite des lois d’amnistie de 1949 pour se reconvertir, grâce aux réseaux de l’ancien SD et à des compétences juridiques recherchées. En 1953, il devint directeur de la Société allemande d’économie politique, un think tank patronal consacré à la diffusion des pratiques managériales et fonde en 1956, dans les suites du plan Marshall, une école des élites industrielles ouest-allemandes à Bad Harzburg (Basse-Saxe), sur le modèle de la Harvard Business School, à l’instar de l’INSEAD en France. Passé en quelques années d’une carrière nazie à l’éloge du management industriel, Höhn ne renie apparemment rien de ses idées et théories.

Dans une étude sur la guerre, L’héritage de Scharnhost (1952), il tente de démontrer que l’obsession du commandement centralisé explique les défaites prussiennes contre Napoléon, à l’image de la défaite nazie de 1945. L’initiative, la capacité d’action et de décision des échelons inférieurs permettent une mobilité supérieure des unités. Il s’agit moins d’un lien moral de coercition par la hiérarchie, que d’une motivation par une rééducation systématique à entreprendre (pour la nouvelle armée allemande). C’est la méthode de management que Reinhard Höhn va enseigner à Bad Harzburg. Elle va être la même doctrine de « délégation de responsabilité » pour l’entreprise privée au sein d’un libre marché. Comme dans la plupart des pays capitalistes, il s’agit de la déclinaison de l’idéologie managériale à partir des années 1930. Johann Chapoutot cite le Français Henri Fayol, mais il s’agit en réalité de sa traduction dans le monde anglo-saxon [3].

Reinhard Höhn est cet « inépuisable pédagogue et graphomane » des idées managériales, sans contradiction avec les idées professées à l’époque nazie. Certains de ses nombreux ouvrages sur le management, deviennent des bestsellers dans les mains de tous les dirigeants et apprentis élites du pays. Comme toutes les nations bénéficiant du plan Marshall, des « gourous » du management [4] ont émergé, traduisant et adaptant les publications de la Harvard Business School ou de l’école de management du MIT, à l’image de l’ingénieur des Mines Octave Gélinier en France.

Ce qui importe n’est pas la banalité de l’idéologie managériale traduite en allemand sous la plume de Reinhard Höhn, mais la continuité de ses propos d’une période à l’autre. Il disserte ainsi toujours sur la Menschenführung et continue à mobiliser les sciences sociales et biologiques (p. 108). Les critères d’aryanité laissent place aux méthodes de développement personnel (Lebensführung), aux « techniques du travail mental » (Höhn, 1985), aux traits psychologiques du leadership (führung). La « communauté productive » du IIIe Reich n’est plus, mais Höhn célèbre désormais la communauté de travail des « collaborateurs » et de leurs « managers ». Celle-ci s’exprime d’autant mieux dans l’économie sociale de marché d’une RFA qui a opté pour la co-décision (Mitbestimmung) comme organisation de l’entreprise.

Plus important encore, la délégation de responsabilité, appelée plus généralement « management par objectifs », ne suggère une autonomie que sur les moyens, non sur les fins. Reinhard Höhn écrit : « les supérieurs ne prennent aucune décision dans le domaine de leurs collaborateurs. Ils se limitent à leur devoir de management qui consiste essentiellement à fixer des objectifs, à donner des informations, à coordonner et à contrôler » (p.113). Ainsi est explicité le management moderne tenant à la contradiction d’une « liberté d’obéir » : il est demandé une « délégation » de la prise de décision par le bas, qui soit délimitée par un contrôle d’en haut : par les « fiches de poste », par l’organisation de la « collaboration » et l’objectivation de la « responsabilité » accordée à chacun. Ce faisant, Höhn reste fidèle à sa critique de l’État et de la bureaucratie, mais la mène désormais au nom de « l’économie moderne ». Ce new public management qui ne dit pas son nom, considère que l’administration doit changer son « management  » et son « organisation », et n’être qu’un « partenaire » de l’économie de marché.

Éclairer les deux modernités : le management et le nazisme

Les années 1970 vont être plus pénibles pour Reinhard Höhn : en 1972 l’hebdomadaire Die Zeit sonne le glas de la traduction allemande des méthodes de management (dits de « délégation de responsabilité »), pour promouvoir les slogans américains du « management par objectif », au moment où l’Institut de Bad Harzburg prend fin, suite à des révélations sur ses liens avec d’anciens Nazis (p.121). Johann Chapoutot fait en conclusion de son ouvrage un parallèle avec la figure de Maurice Papon (qui fut président de Sud Avion/Aérospatiale). Il s’interroge sur ces élites portant cette « modernité réactionnaire » : une finalité « archaïque » menée avec les moyens les plus modernes de direction des hommes. En fin de compte, l’ouvrage ne traite que d’une seule biographie de Reinhard Höhn, le lecteur peut légitimement se questionner sur la généralité du propos.

En effet, Johann Chapoutot montre la continuité d’un seul théoricien du nazisme, mais sans faire une synthèse historique des relations entre la théorisation du management et celle du nazisme. Pour ce faire, une généalogie aurait dû revenir au fondateur du sens moderne de « management » (Frédérick W. Taylor, non pas Henri Fayol comme le dit l’auteur) et de sa société de consulting, la Taylor Society, qui a pourtant largement restructuré l’économie allemande au début du XXe siècle [5]. Il ne parle pas non plus de l’influence d’Henry Ford, un des plus grands propagandistes de l’antisémitisme aux États-Unis et dans le monde entier, qui a influencé très largement les premiers nazis en Allemagne [6]. Cette généralisation est elle-même ambivalente, puisqu’une grande partie des auteurs de la théorie du management s’est forgée justement en opposition avec le nazisme [7].

Pour ce qui est des rapports entre la pratique du nazisme et le management, l’intérêt du travail de Johann Chapoutot est sans doute de ne pas faire une synthèse de plus : l’implication des entreprises (IBM, Thyssen Krupp, Bayer) ont déjà fait l’objet de vastes synthèses ; la vision matérialiste du nazisme fait l’objet de travaux récents magistraux ; le recyclage des élites managériales post 1945 est aussi un fait acquis [8]. Ces travaux occultent pour autant l’aspect du « moment managérial » en tant que tel.

Même si les idéologies et les théoriciens sont forcément en décalage avec le réel [9], en prenant le risque de la biographie de l’unique théoricien Reinhard Höhn, le propos de Johann Chapoutot vise en fait à déplacer – sur le plan des idées – notre vision du nazisme de l’exception barbare à une forme possible de la modernité. Vision radicale des nouvelles sociétés, le nazisme a en effet repris en Allemagne les débats les plus contemporains de son époque, à travers des questions relatives à la direction des hommes nées au XXe siècle, lorsque apparaissent des organisations avec un nombre de hiérarchies jusqu’ici inconnues. Ce sont les sciences sociales et biologiques qui ont pareillement été mobilisées pour définir, au-delà d’un « art » d’agir, de véritables méthodes « scientifiques ». Le Nazisme s’est effectivement saisi de ces questions et de ces notions, avec ses propres solutions, comme l’ont fait le communisme soviétique ou le capitalisme américain [10]. De la sorte, l’ouvrage de Johann Chapoutot rappelle la centralité du discours managérial au XXe siècle qui, étant un discours sur les moyens et non sur les fins, a longtemps été un parent pauvre des sciences sociales et des recherches historiques. Ce livre insiste sur la centralité du moment managérial dans l’explication du nazisme et plus largement de notre modernité. C’est sans doute son mérite le plus grand.

Johann Chapoutot, Libre d’obéir : Le management, du Nazisme à aujourd’hui, NRF Essais Gallimard, 2020, 176 p., 16 €.

par David Chopin, le 15 juin 2020

Aller plus loin

Ouvrages cités :
ALLEN, Michael Thad. The business of genocide : The SS, slave labor, and the concentration camps. Univ of North Carolina Press, 2002.
ALY, Götz. Comment Hitler a acheté les Allemands : le IIIe Reich, une dictature au service du peuple. Flammarion, 2005.
BAUMAN, Zygmunt. Modernity and the Holocaust. Cornell University Press, 2000.
BERGHAHN, Volker Rolf. The Americanisation of West German Industry, 1945-1973. Berg Publishers, 1986.
CHAPOUTOT, Johann. Le nazisme et l’Antiquité. Presses universitaires de France, 2012.
CHAPOUTOT, Johann. La Loi du sang. Penser et agir en nazi. Gallimard, 2014.
COHEN, Yves. Le siècle des chefs. Une histoire transnationale du commandement et de l’autorité, Paris, Éditions Amsterdam, 2013.
DRUCKER, Peter Ferdinand, The End of Economic man : The Origin of Totalitarism, Transaction Publishers. 1939.
FORD, Henry. The International Jew : The World’s Foremost Problem. Dearborn Publishing Company, 1920.
HOOCK, Jochen. Wolfgang J. Mommsen, Max Weber et la politique allemande, 1890-1920 (traduit de l’allemand par J. Amsler et coll.), Paris, PUF Sociologies », 1985, 548 p. In : Annales. Histoire, Sciences Sociales. Cambridge University Press, 1987. p. 419-421.
INGRAO, Christian. Croire et détruire : les intellectuels dans la machine de guerre SS. Fayard, 2010.
KOCKA, Jürgen. Gestion industrielle : conceptions et modèles en Allemagne avant 1914. Revue trimestrielle d’histoire sociale et économique, 1969, vol. 56, no H. 3, p. 332-372.
LEWIN, Kurt, LIPPITT, Ronald, et WHITE, Ralph K. Patterns of aggressive behavior in experimentally created “social climates”. The Journal of social psychology, 1939, vol. 10, no 2, p. 269-299.
MASLOW, Abraham Harold. A theory of human motivation. Psychological review, 1943, vol. 50, no 4, p. 370.
MOMMSEN, Wolfgang J. Max Weber et la politique allemande, 1890-1920, Paris, PUF, 1986.
NOLAN, Mary. Visions of modernity : American business and the modernization of Germany. Oxford University Press, 1994.
PLUMPE, Werner. Les entreprises sous le nazisme : bilan intermédiaire. Histoire, économie société, 2005, vol. 24, no 4, p. 453-472.
SMELSER, Ronald M. Die SS : Elite unter dem Totenkopf : 30 Lebensläufe. Schöningh, 2000.

 Pour une recension plus critique de l’ouvrage par T. Le Texier, voir Reductio ad hitlerum

Pour citer cet article :

David Chopin, « Barbares, ou modernes ? », La Vie des idées , 15 juin 2020. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net/Barbares-ou-modernes

Nota bene :

Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction (redaction chez laviedesidees.fr). Nous vous répondrons dans les meilleurs délais.

Notes

[1Zygmunt Bauman dans son ouvrage Modernité et Holocauste (2000) avait suggéré l’idée de relire les industries du génocide non pas comme un processus extérieur, barbare, vis-à-vis de la modernité, mais comme un nouveau rapport justement ‘moderne’ des moyens et des fins. Johann Chapoutot s’inscrit dans une nouvelle génération d’historiens du nazisme donnant de la matière à cette perspective. Parmi ceux-ci, Christian Ingrao a décrit, dans Croire et détruire (2010), cette génération d’une nouvelle élite universitaire  ; tout comme les travaux de Götz Aly (2005), qui vont décrire les acteurs et les projets de cette entreprise “rationnelle” du nouvel Empire du IIIe Reich en Europe orientale. Plusieurs autres travaux prennent pour objet les technocrates de l’extermination comme “business”, avec les portraits d’Oswald Pohl (Allen, 2002) ou Hans Kammler (Smelser, Syring, 2000).

[2Notamment l’ouvrage de Mommsen (1986) sur l’apport des sciences sociales.

[3et plus particulièrement les modèles de General Electric (Cordiner, 1956) de «  décentralisation  » et de General Motors (Drucker, 1954) de «  management par objectifs  ».

[4Les travaux de Luc Boltanski (1982) le détaillent.

[5Johann Chapoutot s’attarde sur la notion de «  Menschenführung  », mais ne parle pas du tout d’une institution comme la DINTA (Deutsches Institut für Arbeitsschulung) sous le régime Nazi, déclinaison d’un certain taylorisme sous vulgate du IIIe Reich (Nolan, 1994). À l’image des travaux sur l’URSS, notamment consacrés à l’ingénieur Aleksei Gastev, les figures du Stakhanovisme et le discours managérial.

[6Notamment avec son journal : «  Dearborn Independant  », ainsi que son ouvrage compilant ses injures antisémites : «  The International Jew : the foremost problem   »), Henry Ford a été très influent pour les premiers nazis en Allemagne. Il est le seul américain cité par Hitler dans son Mein Kampf, son implication avec le nazisme lui valut d’être décoré de la Grande-Croix de l’ordre de l’Aigle allemand, la plus haute distinction du IIIe Reich.

[7On peut citer, sans être exclusif, Kurt Lewin et son «  Democratic Leader  » (1939), Peter Drucker et son concept de «  End of Economic Man  » (1939), ou Abraham Maslow et sa «  Hierachy of Needs  » (1943).

[8Sur l’implication des entreprises (Plumpe, 2005)  ; sur la vision matérialiste (Tooze, 2012)  ; sur le recyclage des élites managériales post 1945 (Berghahn, 1986).

[9Le nazisme théorisé par Reinhard Höhn est forcément en décalage avec l’histoire des faits, comme le «  discours managérial  » l’a toujours été vis-à-vis des pratiques des entreprises (Chopin, 2017).

[10Notamment l’ouvrage d’Yves Cohen (2013), insistant sur la modernité et le lien avec le moment managérial des notions investies par les nazis.

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