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Essai Société Économie

Erik Olin Wright : reconstruire le marxisme


par Ugo Palheta , le 12 mars 2019


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Disparu en janvier 2019, le sociologue américain Erik Olin Wright a consacré sa vie à échafauder les bases d’un avenir post-capitaliste de l’humanité en repensant les rapports de classes et leurs transformations, à l’aune d’un marxisme renouvelé par l’enquête empirique.

Erik Olin Wright s’est éteint le 23 janvier 2019 à l’âge de 72 ans. Sociologue, il était surtout connu pour ses travaux sur les classes sociales qui avaient revivifié les débats théoriques et empiriques sur les structures de classe (en particulier son livre Classes publié en 1985), et conduit les sociologues américains à l’élire en 2012 à la présidence de l’Association américaine de sociologie. Mais il était aussi indéfectiblement attaché à l’espoir et au projet d’un avenir post-capitaliste de l’humanité, qu’il jugeait à la fois nécessaire, urgent et possible, ou pour reprendre ses mots à l’idée d’un socialisme démocratique [1].

Depuis deux décennies, il avait ainsi contribué à remettre au premier plan, et au cœur de la théorie sociale et politique, la question des alternatives au capitalisme et des stratégies de transformation sociale. Son œuvre majeure sur la question est d’ailleurs le seul livre qui aura été traduit en français de son vivant [2], sous le titre Utopies réelles qui résume parfaitement sa démarche : trouver les voies d’un dépassement concret du capitalisme tout en se tenant fermement sur le terrain du possible, en rupture avec l’adaptation pseudo-réaliste au réel, mais aussi avec le repli consolateur sur les mirages néo-communautaires ou la fétichisation esthétisante de l’émeute [3], tous deux voués à laisser intact le monde tel qu’il est.

On ne peut retrouver et restituer le sens du travail d’Erik Olin Wright sans prendre au sérieux ce qui est au cœur de son projet intellectuel et qu’il n’a cessé de rappeler : la nécessité de bâtir à la fois une théorie permettant d’éclairer les dynamiques fondamentales des sociétés capitalistes, une sociologie capable de saisir les transformations des classes et des rapports de classe (y compris dans leurs liens avec les modes de domination de race et de genre), et un guide – ou une « boussole » – pour l’action politique émancipatrice. Ce projet se trouve résumé, selon ses propres mots, de la manière suivante : reconstruire le marxisme.

Réinvestir la pensée marxiste

Erik Olin Wright analyse lui-même ce choix fondamental dans un texte autobiographique intitulé « Tomber dans le marxisme, choisir d’y rester ». Il y insiste notamment sur le fait qu’il ne s’agissait pas simplement pour lui d’inscrire ses travaux dans le cadre du marxisme, conçu comme un programme de recherche parmi d’autres, mais de développer une théorie sociologique et marxiste qui soit capable d’impulser des enquêtes empiriques ambitieuses et, ce faisant, de participer à la reconstruction du marxisme.

Cet engagement marxiste s’ancre dans une trajectoire sociale, politique et intellectuelle qu’Erik Olin Wright décrit dans ce texte. Issu d’un milieu social « privilégié », il évolue dans un contexte familial où les discussions sont particulièrement intenses, contribuant à une précoce socialisation intellectuelle et politique. Il intègre l’université de Harvard où il étudie la sociologie et se politise, comme toute une génération de jeunes Américains, durant la mobilisation contre la guerre menée au Vietnam. Il se trouve contraint de s’inscrire à un séminaire religieux pour éviter la conscription et se rend à Oxford où il se consacre à l’histoire de la Révolution anglaise sous la direction du grand historien marxiste Christopher Hill, suivant également les cours de Steven Lukes.

Revenu aux États-Unis, cette fois à Berkeley, il passe un an en tant qu’aumônier de la prison de San Quentin. Se fondant sur de nombreuses discussions avec des détenus, il acquiert une connaissance de l’univers carcéral et en tire son premier livre, Politics of Punishment, où il développe notamment une théorie des fonctions de la prison dans la société capitaliste états-unienne, mais où figurent également des témoignages de prisonniers.

Dans le même temps, il anime un séminaire à l’université intitulé « Utopie et révolution », qu’il décrira plus tard comme une préfiguration de son projet sur les utopies réelles. Est ainsi présente, dès cette première étape de son parcours intellectuel, la volonté de ne pas faire tourner à vide – c’est-à-dire sans pratique d’enquête – l’élaboration et le débat théoriques, mais aussi et surtout cette double préoccupation, savante et politique, dont la combinaison ne cessera de marquer son travail. Pour reprendre les termes classiques de Marx, la connaissance sociologique ne doit pas simplement permettre d’interpréter le monde, mais de le transformer.

L’exploitation au cœur du marxisme sociologique

C’est ainsi dès la fin des années 1960 qu’Erik Olin Wright décide de travailler au sein du marxisme et de contribuer activement à sa reconstruction, tout en valorisant fortement le pluralisme intellectuel sans lequel un cadre théorique, aussi inventif soit-il à ses origines, est vouée à se scléroser et à se muer en dogme, devenant progressivement incapable de saisir les transformations des sociétés et d’enrichir notre connaissance du monde social.

Cet effort pour bâtir une théorie robuste est explicité dans un texte co-écrit avec le sociologue et ethnographe marxiste du travail Michael Burawoy, qui peut être lu à la fois comme bilan et comme projet. Ils y avancent notamment une forte critique de toute tentative de prédiction de la trajectoire future du capitalisme, et en particulier de la thèse de l’inévitabilité du passage du capitalisme au socialisme. Cette critique est d’ailleurs au principe du projet d’Olin Wright sur les utopies réelles : si le capitalisme n’est pas voué à engendrer de manière endogène et nécessaire son dépassement, vers une société sans exploitation ni oppressions, ce dépassement doit être pensé théoriquement et porté politiquement.

Le terrain ainsi déblayé de toute philosophie de l’histoire, Olin Wright et Burawoy proposent d’élaborer le marxisme sociologique en tant que théorie de la reproduction contradictoire des rapports de classe. Cette notion de contradiction les amène à placer au cœur du travail de description et d’explication sociologiques, non simplement le fait que les classes se définissent par « leur dépendance réciproque » (pour parler comme Norbert Elias), mais l’antagonisme inhérent aux rapports (objectifs) entre les classes, qui seul permet de penser adéquatement les stratégies qui sont mises en œuvre par les individus ou les groupes sociaux, mais aussi les dispositifs ou arrangements institutionnels établis historiquement, dans le cadre de l’État ou de l’entreprise capitaliste, ainsi que les changements qui les affectent.

Cette orientation théorique suppose donc de clarifier les concepts de classe, de structure de classe et de rapports de classe, ce qui a justement été l’un des objectifs centraux d’Erik Olin Wright des années 1970 jusqu’à sa mort, de Class, Crisis and the State (1978) à Understanding Class (2015). Le principal caractère distinctif de son approche – et plus généralement de la théorie marxiste des classes – consiste à les penser en référence à l’exploitation capitaliste : c’est ce mécanisme qui permet à la classe dominante (la bourgeoisie) de s’approprier le surproduit social (social surplus) et qui engendre la structure fondamentale des inégalités matérielles et des rapports de pouvoir entre les classes, donc les classes elles-mêmes.

Cela ne revient nullement à nier l’existence d’autres mécanismes inégalitaires et d’autres formes d’exploitation au sein des sociétés capitalistes (en particulier l’appropriation par les hommes, dans le cadre de la famille hétérosexuelle, des produits du travail gratuit des femmes), ni à prétendre que toutes les différences de styles de vie s’expliqueraient par l’exploitation capitaliste ; il s’agit plus simplement de rappeler que les formes d’appropriation et de dépossession associées à cette forme d’exploitation sont incontournables pour éclairer la structure de nos sociétés, aussi bien du point de vue des inégalités matérielles que des rapports de pouvoir.

Comprendre les classes : par-delà Bourdieu et Piketty

Une telle approche des classes n’est pas simplement en contradiction avec la vision commune et apologétique des inégalités sociales comme produits de différences individuelles de « dons », de « talents », d’ « efforts » ou de « mérite ». Elle s’avère également originale par rapport aux approches critiques des inégalités qui dominent dans le contexte intellectuel français, se distinguant aussi bien de l’économie des inégalités proposée par Thomas Piketty que de la sociologie de la domination élaborée par Pierre Bourdieu.

Si Erik Olin Wright a loué la richesse du travail empirique réalisé par le premier et son équipe, il lui reproche de ne pas avancer de modèle explicatif relationnel. Adopter les déciles comme unité d’analyse (ce qui renvoie à une conception strictement « stratificationniste » de la structure sociale, c’est-à-dire en termes d’échelle) aboutit à esquiver pour l’essentiel la question de l’exploitation, donc des luttes et des rapports de pouvoir entre les classes sur les lieux de travail, et à focaliser inévitablement l’attention sur la question de la redistribution. Il est dès lors parfaitement logique que Thomas Piketty insiste autant, dans ses travaux scientifiques comme dans ses interventions politiques, sur la question de la fiscalité (allant jusqu’à avancer la proposition d’un « impôt mondial sur le capital » [4]).

La divergence avec Pierre Bourdieu se trouve ailleurs : s’il partage avec lui une approche relationnelle des classes, Erik Olin Wright pense d’abord les classes à partir de leurs positions dans la sphère de la production marchande, là où cette dimension est largement absente des travaux du sociologue français (hormis ceux sur l’Algérie [5]). Plutôt qu’une explication de la formation des inégalités, la sociologie de P. Bourdieu cherche à décrire les formes de violence symbolique à travers lesquelles est obtenue l’adhésion, au moins partielle, des dominés à un ordre social inégalitaire, ou plus précisément la manière dont cet ordre se perpétue en s’inscrivant dans les corps et les esprits des individus sous la forme de styles de vie, de visions du monde ou de morales de classe [6].

À l’inverse, ce sont les mécanismes d’extorsion de la valeur économique par la classe des propriétaires capitalistes qui sont au cœur et au principe du cadre théorique proposé par Erik Olin Wright. Cela suppose de lier l’analyse des classes aux dynamiques de l’accumulation du capital, mais aussi aux transformations de l’État et des politiques publiques, du fonctionnement des marchés, des processus de travail ou encore des technologies. Last but not least, cela pose nécessairement le problème du degré auquel les classes sont en capacité de défendre leurs intérêts, des stratégies collectives mises en œuvre et des formes d’organisation, aussi bien du côté des classes dominantes que des classes populaires ou des couches intermédiaires, autrement dit la vieille – mais indéracinable – question des luttes de classe.

Le piège de la « classe moyenne »

En rester au simple rapport d’exploitation serait pourtant nettement insuffisant en condamnant à une description sommaire de la structure de classe, réduite à trois ensembles sociaux : une classe numériquement très restreinte de propriétaires capitalistes (bourgeoisie), une classe en déclin de petits indépendants (petite bourgeoisie au sens classique), et une immense classe composée d’individus qui ne sont propriétaires que de leur force de travail (salariat).

Les mouvements sociaux contemporains ont parfois accentué ce schématisme en construisant une opposition binaire entre les « 99 % » et les « 1 % », qui a l’avantage de souligner la sécession des franges les plus riches de la population [7], mais masque à l’évidence la complexité de la structure de classe des sociétés capitalistes contemporaines, liée notamment à la profondeur des différenciations internes aux « 99 % ». Or, l’un des points de départ du travail d’Erik Olin Wright sur les classes tient justement dans cet épineux problème des différenciations internes au salariat : regroupant 80 % à 90 % de la population active dans la grande majorité des sociétés capitalistes développées, la population salariée ne peut être décrite comme classe qu’à condition de passer sous silence des inégalités matérielles importantes et des positions différenciées, voire opposées, dans la structure de pouvoir propre à ces sociétés.

Ce problème est généralement résolu par l’invocation d’une « classe moyenne » (mal, guère ou non) définie par une double exclusion (ni bourgeois ni prolétaires) ou selon un principe purement statistique (est moyen celui ou celle qui reçoit le salaire moyen ?), sans que soient généralement précisés de manière rigoureuse les principes de différenciation sociale dont cette « classe » serait le produit ; un flou qui a d’ailleurs permis à certains de conclure à un « émiettement des classes » [8]. C’est l’un des points qu’Erik Olin Wright a tenté de clarifier dans ses travaux [9], avançant l’idée que les positions dites « moyennes » doivent être considérées, à partir de la sphère de la production, comme des positions d’appropriation privilégiée dans le cadre des rapports d’exploitation, selon deux axes distincts : l’exercice de fonctions d’autorité au sein des entreprises ; la possession de qualifications rares (relativement) et socialement reconnues sous la forme de diplômes.

Cela lui a permis d’élaborer une cartographie de la structure de classe des sociétés capitalistes contemporaines, qui a l’avantage d’être à la fois relationnelle, rigoureuse et sophistiquée, dans la mesure où elle combine l’antagonisme central fondé sur la propriété des moyens de production (mais en distinguant les capitalistes des petits employeurs et des indépendants n’embauchant aucun salarié) et les rapports de pouvoir internes au salariat [10] :

Points forts

Cette approche permet notamment d’insister sur l’origine, dans la sphère de la production, du caractère contradictoire de ces positions dites « moyennes » : non pas ni exploiteurs ni exploités, mais à la fois du côté des exploiteurs (dans la mesure où celles et ceux qui les occupent contribuent à l’appropriation du surproduit social par les propriétaires du capital) et du côté des exploités (en tant qu’ils restent soumis à l’arbitraire patronal du fait de leur statut de salariés). On comprend mieux ainsi que, du fait de cette position, ces groupes puissent constituer un levier de transformation sociale dans certaines circonstances historiques, mais se révèlent le plus souvent un obstacle à cette transformation, en raison d’intérêts objectifs immédiats à la perpétuation d’un ordre qui leur assure certains privilèges (matériels et symboliques).

Un autre point fort du travail d’Erik Olin Wright est de contribuer à une macro-sociologie des classes qui ne fait plus guère l’objet de recherches dans la sociologie française (mais qui pourrait avantageusement être articulée aux riches enquêtes ethnographiques menées en France depuis une vingtaine d’années [11]). Ainsi a-t-il mené plusieurs comparaisons de grande ampleur : dans le temps, en mettant en évidence les évolutions de la structure de classe états-unienne au cours de la deuxième moitié du XXe siècle ; et dans l’espace, en décrivant les structures de classe propres à une série de sociétés capitalistes développées (notamment États-Unis, Suède, Japon, etc.). À partir d’une enquête par questionnaire centrée sur le travail, il a notamment cherché à éclairer les rapports entre structures de classe, conscience de classe et formation de classe [12].

Une telle démarche, qui ne peut manquer de contester la frontière disciplinaire stérilisante entre sociologie, science politique et économie, a enfin l’avantage de fournir des instruments conceptuels permettant d’interroger la croissance des inégalités matérielles, mais aussi la variabilité, selon les pays, du rythme de cette croissance. Il s’agit là, à l’évidence, d’un phénomène que la sociologie ne peut laisser impensée sans manquer l’une des coordonnées les plus cruciales de notre temps. De même, dans un contexte d’aiguisement du conflit social, bien marqué actuellement en France par la mobilisation des « gilets jaunes », le marxisme sociologique nous invite à remettre au centre de l’attention les formes, les logiques, les acteurs ou encore les effets des luttes de classe (largement absentes des travaux de P. Bourdieu sinon sous la forme de « luttes de classement »).

Concilier rigueur scientifique et engagement politique

L’une des dimensions sans doute les plus remarquables du travail d’Erik Olin Wright est d’avoir tenu bon durant plus de quatre décennies sur un double projet – intellectuel et politique – sans jamais céder, ni aux facilités et aux raccourcis d’une rhétorique strictement militante, ni à l’hyper-spécialisation disciplinaire ou au carriérisme académique. On pourrait ainsi avancer l’idée que son œuvre se situe au point de confluence entre ce que le philosophe Ernst Bloch nommait les courants chaud et froid du marxisme : courant chaud de l’utopie, permettant de dessiner l’horizon d’une rupture possible avec l’ordre existant, dans un contexte historique marqué par la négation néolibérale de toute alternative ; courant froid de l’analyse sociologique de l’exploitation capitaliste et des inégalités, donnant à voir la permanence, les transformations et les effets des clivages de classe.

Il l’a fait dans son style propre, manifestant toujours la même rigueur analytique et la même volonté inflexible de démontrer et de convaincre, par des arguments rationnels, théoriquement élaborés et empiriquement fondés, tout en prenant au sérieux l’idée que la sociologie « ne vaudrait pas une heure de peine » – selon la formule canonique de Durkheim – si elle ne permettait d’éclairer les mécanismes par lesquels se perpétue l’injustice sociale et l’écrasement des facultés humaines les plus hautes, ou en termes marxistes l’exploitation et l’aliénation. Le savant et le politique étaient ainsi chez lui intimement liés et, même si leurs pratiques de la sociologie furent très différentes, il se rapproche de ce point de vue de son ami et collaborateur Michael Burawoy, également défenseur d’une sociologie marxiste et d’un usage « public » de la sociologie, avec qui il partageait en outre la même disponibilité à l’égard des jeunes chercheurs et le même enthousiasme pour le débat politico-scientifique [13].

Alors que s’aiguisent les conflits de classe et que s’accentue le caractère autoritaire du néolibéralisme, le travail d’Erik Olin Wright plaide non seulement pour des enquêtes capables de documenter précisément les transformations des structures de classe et les mécanismes assurant leur reproduction, pour une approche théorique permettant de fournir, non simplement une description, mais une explication du devenir de nos sociétés, en particulier de l’explosion des inégalités, mais aussi pour une démarche politique cherchant à élaborer et populariser une alternative au système économique et politique qui se trouve à la racine de ces inégalités : le capitalisme.

par Ugo Palheta, le 12 mars 2019

Pour citer cet article :

Ugo Palheta, « Erik Olin Wright : reconstruire le marxisme », La Vie des idées , 12 mars 2019. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net/Erik-Olin-Wright-reconstruire-le-marxisme

Nota bene :

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Notes

[1Notons que l’expression de «  socialisme  » a conservé aux États-Unis sa radicalité, au contraire de la France où le mot «  socialisme  » a été rendu synonyme des renoncements du Parti socialiste à tout horizon de rupture avec le capitalisme puis de l’adoption d’une orientation brutalement néolibérale, notamment sous la présidence de François Hollande entre 2012 et 2017.

[2Une traduction de Class Counts est en cours, par l’auteur de ces lignes, et sera publiée au printemps 2020 aux éditions Amsterdam.

[3Ce qui n’enlève rien à la valeur de nombreuses expériences néo-communautaires (qui démontrent en acte la possibilité de formes de vie égalitaires et coopératives) et au potentiel qu’a l’émeute d’ouvrir des brèches dans l’ordre existant. Néanmoins, pour une critique de certaines impasses stratégiques associées à ces options, voir : U. Palheta, «  L’insurrection qui revient. Les influences visibles du Comité invisible  », Revue du Crieur, 2016/2, n°4.

[4Au passage, une telle proposition constitue davantage une utopie abstraite qu’une «  utopie réelle  » au sens d’Erik Olin Wright, dans la mesure où Thomas Piketty ne prend pas véritablement la peine d’en interroger les conditions de possibilité. Et pour cause puisqu’on voit mal comment des gouvernements pourraient s’entendre pour mettre en place un tel impôt sans une forte pression simultanée des salariés d’un très grand nombre de pays en faveur d’un tel impôt (ce qui semble pour le moins improbable dans le contexte d’une mondialisation néolibérale assurant la mise en concurrence des salariés mais aussi des systèmes sociaux et fiscaux).

[5Pour une analyse de la place du travail dans la sociologie de P. Bourdieu, voir : M. Quijoux (dir.), Bourdieu et le travail, Rennes, PUR, 2015.

[6Voir : P. Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979. Pour une actualisation très récente, voir : R. Caveng, F. Darbus, F. Denord, D. Serre et S. Thine «  Des morales de classe  ?  », Actes de la recherche en sciences sociales, 2018, n°224.

[7Voir notamment : B. Cousin, C. Giorgetti, J. Naudet et S. Paugam, Ce que les riches pensent des pauvres, Paris, Seuil, 2017.

[8Voir : H. Mendras, La Seconde révolution française, Paris, Gallimard, 1988.

[9On peut distinguer trois solutions théoriques proposées par Erik Olin Wright au problème des «  classes moyennes  », la première dans Class, Crisis and the State (1978), la seconde dans Classes (1985) et la troisième dans Class Counts (1997).

[10Pour le schéma, voir : E. O. Wright, Class Counts, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 22.

[11Pour un large aperçu sur les classes populaires, voir : Y. Siblot, M. Cartier, I. Coutant, O. Masclet, N. Renahy, Sociologie des classes populaires contemporaines, Paris, Armand Colin, 2015. Voir également le dossier récemment paru dans la revue Politix (2018, n°122) consacré aux franges conservatrices des classes populaires, dirigé par Amélie Beaumont, Raphaël Challier et Guillaume Lejeune. Pour un (rare) essai de macro-sociologie des classes au niveau européen, voir C. Hugrée, É. Penissat et A. Spire, Les classes sociales en Europe. Tableau des nouvelles inégalités sur le vieux continent, Marseille, Agone, 2017.

[12Le concept de «  formation de classe  » (class formation) désigne, dans l’esprit du travail classique de l’historien britannique E. P. Thompson, le processus socio-historique à travers lequel se construisent des forces collectives organisées défendant des intérêts de classe ou, en termes marxiens, à travers lequel une «  classe-en-soi  » devient une «  classe-pour-soi  ».

[13Voir son ouvrage, à paraître au printemps aux éditions Amsterdam, intitulé Conversations avec Bourdieu.

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