Au XXe siècle, la mécanisation de l’agriculture a conduit à découpler culture et élevage, afin de maximiser les rendements. Il est urgent d’inventer les moyens de les réconcilier.
Au XXe siècle, la mécanisation de l’agriculture a conduit à découpler culture et élevage, afin de maximiser les rendements. Il est urgent d’inventer les moyens de les réconcilier.
En moins d’un siècle, l’élevage a connu des transformations majeures. Sous l’anthropocène, les changements techniques rendus possibles par la pétrochimie ont provoqué un découplage entre cultures et élevage, là où les systèmes agricoles de beaucoup de régions du monde, et notamment l’Europe, reposaient précédemment sur une étroite association des deux. L’élevage intensif spécialisé qui a émergé, souvent montré du doigt pour les souffrances animales qu’il génère, pose de nombreuses autres questions. La diminution de l’emploi agricole à laquelle il est associé, ses conséquences sur l’environnement et les risques sanitaires qu’il engendre doivent ainsi être intégrés à l’analyse. De même, le « biais alimentaire » [1], qui tend à cantonner l’élevage à la fourniture de denrées alimentaires doit être dépassé, et les autres usages de l’élevage reconnus.
Cet essai [2] défend l’idée que la solution aux problèmes posés par l’évolution de l’agriculture ne passe pas par une suppression pure et simple de l’élevage, mais plutôt par une réconciliation, dont les modalités restent à inventer. En proposant une vue d’ensemble sur l’évolution des systèmes agricoles et en analysant leurs conséquences, il entend montrer à quel point l’élevage, en complémentarité avec les cultures, est précieux pour construire une agriculture durable.
L’élevage peut être défini comme une relation entre l’humain et l’animal dans laquelle l’humain contribue à la survie de l’animal en intervenant de manière plus ou moins poussée dans son alimentation, sa reproduction et sa protection vis-à-vis des agressions (Digard, 2003) et, en retour, utilise l’animal de diverses façons [3].
L’histoire de l’élevage est indissociable de celle de l’agriculture. Tout d’abord, elle a commencé aux mêmes endroits à des époques relativement proches, le foyer proche-oriental de naissance de l’agriculture il y a 10 000 ans étant un important contributeur pour l’élevage avec la domestication de la plupart des ruminants domestiques (chèvres, ovins, bovinés). Mais surtout, l’élevage a joué, et joue encore aujourd’hui dans certaines régions du monde, un rôle majeur dans la conduite des cultures. Pratiquer l’agriculture, c’est-à-dire être en mesure de récolter les produits de plantes semées ou plantées sur une parcelle plusieurs mois ou semaines plus tôt, suppose en effet de résoudre plusieurs problèmes. Il faut à la fois lutter contre le développement de la végétation sauvage qui entre en compétition avec les plantes cultivées et entretenir la fertilité du sol, ne serait-ce qu’en renouvelant les nutriments qui sont exportés via les récoltes (azote, phosphore, potassium et oligo-éléments) [4]. La conduite d’un champ cultivé, notamment pour contrôler les adventices et entretenir la fertilité, est par ailleurs exigeante en travail. Comme nous allons le voir, l’activité d’élevage a joué historiquement en Europe, et joue encore aujourd’hui dans de nombreuses régions du monde, un rôle crucial dans la résolution de ces trois questions (adventices, fertilité, travail). Au sein de cet ensemble de relations entre cultures et élevage, plusieurs niveaux d’intégration gagnent à être distingués.
Le premier niveau consiste en une agriculture manuelle avec élevage pastoral associé dans laquelle le renouvellement de la fertilité des terres cultivées est confié à l’élevage. Le terme pastoral fait ici référence au fait que l’alimentation des animaux repose sur le pâturage, généralement gardé, dans un milieu maintenu relativement ouvert par différentes pratiques et appelé saltus. Composée pour l’essentiel de tiges et de feuilles, la biomasse qui se développe sur le saltus ne peut être consommée directement par les humains mais, du fait de leur appareil digestif abritant des micro-organismes capables de digérer des tissus ligno-cellulosiques, permet d’alimenter des ruminants et autres herbivores.
Dans ces formes d’agriculture avec élevage pastoral associé, le pâturage quotidien des animaux sur le saltus et la concentration de leurs déjections nocturnes sur les parcelles cultivées [5] (ager), permet un transfert de fertilité entre espace pâturé et espace cultivé. Ce transfert, sous réserve d’un certain équilibre entre surfaces pâturées et cultivées, est à même de compenser les exportations de nutriments liés aux récoltes et donc de renouveler la fertilité des terres cultivées. Ce qui est ici mobilisé, c’est la propriété qu’ont les animaux de n’utiliser qu’une partie des minéraux qu’ils ingèrent, le reste se retrouvant dans leurs déjections [6] ont dans certaines régions également joué un rôle. En plus du pâturage du saltus, les animaux consomment souvent des résidus de culture (pailles et son des céréales par exemple) et assurent ainsi via leurs déjections un recyclage d’une biomasse végétale peu consommable par les humains.
Le second niveau d’intégration culture élevage consiste, en plus des déjections animales pour l’entretien de la fertilité des sols cultivés, à mobiliser l’énergie animale en complément du travail manuel. L’agriculture à traction attelée légère utilisant l’araire en est probablement l’archétype le plus répandu : elle a en effet concerné l’Eurasie et l’Afrique du Nord depuis l’antiquité, a été diffusée avec plus ou moins de succès en Amérique latine et en Afrique subsaharienne après les colonisations et continue d’être pratiquée dans bon nombre de ces régions, Europe mise à part. L’araire, qui est un outil symétrique, ne retourne pas le sol et est donc moins efficace qu’un travail de labour pour lutter contre les adventices. Il y contribue toutefois, ameublit le sol et, combiné avec d’autres opérations de désherbage et éventuellement de labour qui restent manuelles, permet d’accroître significativement la surface que peut conduire un actif par rapport à une agriculture manuelle. L’araire est le plus souvent tiré par une paire de bovinés [7] qu’il faut former dès qu’ils atteignent l’âge adulte, guider dans la parcelle sillon après sillon et dont il faut couvrir les besoins alimentaires, élevés lorsque les animaux travaillent. À cette traction attelée pour le travail des champs, s’ajoute l’utilisation de l’énergie animale pour le transport des matières (bât, attelage) et dans certains cas pour l’exhaure de l’eau d’irrigation des puits avec une roue persane (sakia). Vue depuis l’anthropocène et ses campagnes irriguées dotées de pompes diesel ou électrique, cette mobilisation de l’animal d’élevage pour remonter l’eau des puits peut paraître dérisoire, mais c’était là un soutien conséquent par rapport au travail manuel. D’après la FAO, la moitié des terres agricoles des pays en voie de développement était travaillée avec l’aide d’animaux de traction en 2011.
Sur le continent européen, c’est en Europe du Nord que l’intégration culture – élevage a été historiquement poussée le plus loin, ou tout au moins a permis l’augmentation la plus conséquente de la productivité du travail. La première étape, au Moyen-Âge, a consisté à atteler aux animaux, non plus un araire, mais une charrue dotée d’un versoir permettant de retourner la terre, et donc de réaliser plus rapidement qu’avec un outillage manuel un véritable travail de labour. L’évolution de l’attelage a été un préalable nécessaire – le collier d’épaules, plus adapté au cheval, remplaçant le joug de garrot ou de cornes – pour utiliser plus efficacement l’énergie animale et tirer cet outil plus lourd [8]. Ce faisant, le transport a également été amélioré et les flux de biomasse (fumier, foin amené à l’étable pour l’hiver) à la charrette attelée se sont développés, augmentant le rendement des parcelles cultivées (Mazoyer et Roudart, 1997).
La seconde étape, qui démarre au XVIe siècle, consiste à supprimer les périodes de jachère qui prévalaient encore entre deux cultures en implantant à leur place des cultures fourragères comme le trèfle ou le navet fourrager. En limitant les pertes de minéraux par lessivage grâce à ces cultures et en faisant plus de place aux légumineuses capables de capter l’azote de l’air via leurs nodosités racinaires, cette révolution agricole permet de renouveler plus efficacement la fertilité des terres de culture. Dans cette révolution aussi, l’élevage joue un rôle central : en effet, la jachère n’a pas été remplacée par des cultures aux produits directement utilisables par les humains qui auraient accru les exportations, mais par des cultures destinées à alimenter les animaux, autorisant un retour au sol d’au moins une partie des minéraux via le fumier. Le nombre d’animaux que l’on peut élever est ainsi accru, et leur utilisation pour la production d’énergie ou de produits corporels est renforcée. L’augmentation de la productivité du travail qui est ainsi permise n’a pas d’équivalent historique en Europe : alors qu’un humain adulte ne peut nourrir plus de monde que les membres de sa famille avec la culture attelée légère à l’époque antique, il peut avec ces nouvelles modalités combinées d’intégration culture élevage produire chaque année 20 quintaux de céréales et élever l’équivalent de quatre bovins, c’est-à-dire produire au bas mot deux fois plus que les besoins de sa famille, une première dans l’histoire de l’agriculture de cette région du monde (Mazoyer et Roudart, 1997). L’obtention d’un tel surplus de manière durable constitue un préalable indispensable aux activités commerciales et industrielles conduites par une population active non agricole conséquente qui commencent à se développer à la même époque.
Pour compléter cette lecture, la diversité des utilisations des animaux d’élevage et l’importance des produits animaux non alimentaires jusqu’à une époque récente doivent être soulignées. Poils, laine, plumes, corne, suif, os, peaux ont en effet permis de fabriquer tout un ensemble d’objets usuels (habits, cordes, savon, chaussures, courroies, etc.), qui ont été pour bon nombre d’entre eux remplacés au XXe siècle par des produits élaborés à partir du pétrole [9]. Quant aux produits animaux alimentaires, ils comprennent principalement le lait, les œufs, la viande et les graisses, ces dernières ayant eu une importance particulière dans l’alimentation du fait de leur contenu énergétique élevé (saindoux par exemple). Ces produits animaux alimentaires ont la particularité d’être plutôt périssables, ce qui a donné naissance à de multiples techniques de transformation, mais aussi contraint pendant longtemps leur commercialisation sur de longues distances. Concernant la hiérarchie entre toutes ces utilisations de l’animal d’élevage, les animaux n’étaient abattus qu’après avoir contribué autant que faire se peut aux transferts de fertilité et à la fourniture d’énergie, soit relativement âgés ; le lait, et plus encore la viande, étaient bien souvent des sous-produits de l’élevage (Boutonnet et Simier, 1995).
Les prémisses de l’élevage intensif spécialisé sont à rechercher à la fin du XIXe siècle au Danemark et aux États-Unis, autour notamment d’un élevage porcin alimenté à partir de grains qui, pour le Danemark, sont en partie importés. L’élevage de poulets en bâtiments nourris au maïs et tourteaux de soja, emblème de cette révolution de l’élevage (Bennett et al., 2018), de même que les premiers ateliers d’engraissement de bovins (feedlots), émergent tous deux aux États-Unis dans les années 1930. Ce n’est toutefois qu’à partir de 1950 que ces formes d’élevage vont véritablement s’imposer aux États-Unis, puis en Europe, dans un contexte de forte intervention publique pour ces deux régions, avant de gagner le reste du monde.
Pour comprendre cette révolution de l’élevage, il faut ici aussi s’intéresser aux bouleversements de très grande ampleur qu’a connus la conduite des cultures au XXe siècle avec la pétrochimie. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, les tracteurs se sont substitués à la traction attelée animale (l’énergie animale a également cessé d’être utilisée pour le transport) ; les fertilisants minéraux, notamment l’azote synthétisé à partir du procédé Haber-Bosch, ont pu remplacer les déjections animales ; les produits phytosanitaires ont permis de lutter via la chimie contre les adventices et les maladies et ravageurs des plantes cultivées. Après des siècles – et même deux millénaires pour l’Europe – d’une nécessaire intégration, voilà qu’en quelques décennies l’agriculture peut se passer de l’élevage.
Et pourtant, l’élevage n’a pas disparu de ces deux régions, et s’y est au contraire développé. Les deux raisons qui peuvent être avancées sont d’une part l’accroissement à la même période de la demande en produits animaux alimentaires de la part d’une population dont le niveau de vie s’accroît, et d’autre part l’abondance de grains générée par la révolution de la conduite des cultures qui trouve dans l’élevage un débouché. Si l’on considère, avec Benoît Daviron (Daviron B., 2019), que l’élevage intensif spécialisé apporte des réponses à la question politique de la gestion des excédents de grains, et qu’il n’y a pas de loi naturelle liant l’augmentation de la consommation de produits animaux alimentaires à celle du niveau de vie, alors ces deux raisons apparaissent intimement liées.
Dans ces conditions très particulières, les formes d’élevage qui émergent marquent une rupture majeure avec celles qui les ont précédées [10]. Tout d’abord, elles sont spécialisées dans la fourniture d’un produit animal alimentaire [11]. Ensuite, l’alimentation des animaux s’appuie sur une part croissante de grains [12] (et de fourrages pour les ruminants) qui sont désormais cultivés, et proviennent pour certains de régions très éloignées du lieu d’élevage. Désormais conduite par des industries, la sélection génétique d’animaux de plus en plus productifs pour le produit qu’on attend d’eux et en mesure de transformer efficacement les rations qu’on leur distribue est une troisième composante de cette révolution de l’élevage. La gestion sanitaire, qui passe à la fois par l’hygiène des bâtiments, la vaccination, la zoopharmacie et la sélection génétique d’animaux résistants à certaines maladies, en constitue une quatrième. Sans elle, il n’est tout simplement pas possible de rassembler des centaines ou des milliers d’animaux dans un même bâtiment. Enfin, bâtiments et équipements motomécanisés forment une dernière spécificité de ces nouveaux élevages. Plus qu’un simple abri pour les protéger des agressions et collecter leurs déjections, les bâtiments sont devenus des machineries complexes qui ont profité de l’électrification des campagnes. Ils permettent de contrôler les conditions d’élevage (température, humidité, éclairage) et sont aménagés de différents équipements facilitant le travail (distributeurs d’aliments, machine à traire, système de ramassage des œufs, évacuation des déjections, etc.). Cette motomécanisation de l’élevage, plus spécifique, a démarré plus tardivement que celle des cultures, mais a pris par la suite beaucoup d’ampleur. Par rapport aux cultures, elle permet du fait du caractère hors-sol un accroissement quasiment sans limites de la taille de la ferme.
La conséquence de ces transformations de l’activité d’élevage au XXe siècle est, de même que pour les cultures, à la fois une augmentation de la production dans les régions concernées et un accroissement sans précédent de la productivité physique du travail. Alors qu’il avait fallu des millénaires pour doubler cette productivité du travail, le volume de lait, de viande, d’œufs produits chaque année par un actif agricole se voit multiplié en un demi-siècle par 10, 20 ou même 50 pour les formes les plus spécialisées et intensives observées pour la volaille et le porc.
Le corollaire d’une telle augmentation de la productivité du travail est, au fur et à mesure de l’agrandissement des fermes, la diminution de l’emploi agricole. Les mécanismes sous-jacents ont été analysés par Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, qui montrent comment la baisse des prix réels agricoles engendrée par la hausse plus importante de la productivité du travail en agriculture par rapport aux autres secteurs de l’économie sélectionne à chaque étape de la motomécanisation les fermes les mieux dotées en ressources qui sont à même d’investir, les autres tendant à disparaître [13]. Ce « développement inégal » opère d’une part à l’échelle régionale, expliquant par exemple que le nombre de fermes élevant des porcs en Bretagne ait été divisé par vingt en soixante ans ou encore que la part de la population active travaillant dans l’agriculture en France soit aujourd’hui inférieure à 3%. C’est ce développement qui a permis de fournir et de nourrir la main-d’œuvre nécessaire aux autres secteurs de l’économie pendant les Trente Glorieuses, l’ensemble ayant assuré une hausse du niveau de vie des populations des pays concernés. La poursuite de ce mode de développement, voire son renforcement avec la libéralisation croissante de l’économie à partir des années 1980, est, dans un contexte qui n’est plus celui du plein-emploi, devenue problématique.
Par ailleurs, ce développement inégal opère aussi à l’échelle mondiale, via les exportations, notamment de produits animaux (poudre de lait, viande, œufs), qui arrivent sur les marchés africains, sud-américains et asiatiques en provenance de régions produisant des excédents [14]. Si ces exportations permettent de fournir aux populations des pays importateurs des aliments riches en protéines à bas prix, elles entrent en concurrence avec les productions locales. Ces dernières, quoique généralement plus économes en intrants et équipements que les formes d’élevage intensif spécialisé alimentant les exportations, n’en sont pas moins beaucoup moins productives par actif agricole, et donc moins rémunératrices pour un même niveau de prix (Mazoyer, 2008). L’emploi et le niveau de vie des éleveurs des pays importateurs est ainsi fragilisé, dans des contextes économiques dans lesquels le développement des emplois non agricoles est pourtant bien souvent insuffisant pour absorber un tel afflux de main-d’œuvre (Losch, 2012 ; Dorin et al., 2013). L’émergence d’élevages intensifs spécialisés dans des régions dans lesquelles dominaient jusque-là des formes d’élevage pastoral ou intégré à l’agriculture (ex : porc au Mexique, vaches laitières au Vietnam, volailles partout dans le monde) renforce la concurrence et ces fragilités.
La question des impacts environnementaux de l’élevage, bien plus discutée que celle de l’emploi, fait l’objet de multiples travaux et a donné lieu à l’élaboration d’une métrique particulièrement riche (Herrero et al., 2011 ; Mottet et al., 2017). Soulignons tout d’abord qu’une partie de ces impacts sont communs avec ceux, bien connus et très préoccupants, de l’agriculture. Cela concerne par exemple la déforestation et la destruction d’habitats, et, pour les impacts plus récents induits par la révolution du XXe siècle, la consommation très importante de ressources fossiles – c’est elle qui a permis un tel accroissement de la productivité du travail (Daviron, 2019) – ou encore la réduction de la biodiversité domestique, l’effort de sélection génétique étant concentré sur quelques races animales seulement. Les relations entre élevage et biodiversité sauvage sont complexes du fait notamment de la conduite d’une partie des animaux d’élevage au pâturage et sont pour certaines positives (Teillard et al., 2016), mais l’intensification en intrants des conduites d’élevage tend à la dégrader.
Viennent ensuite trois domaines pour lesquels l’élevage, notamment dans les formes qu’il a prises au XXe siècle, pose des questions spécifiques. Celui de la qualité des eaux, dont les marées vertes bretonnes sont le marqueur en France, a émergé dans les zones à forte concentration d’élevages dans lesquels une partie de l’alimentation des animaux, souvent le tourteau de soja, est produite à l’extérieur du territoire et importée. Les minéraux contenus dans les déjections animales qui sont épandues sur les parcelles de culture représentent de ce fait de tels volumes qu’ils excèdent les capacités des plantes cultivées à les prélever. Dès lors, ils sont, surtout pour l’azote, dissous dans l’eau, dans laquelle ils se concentrent, contribuant à l’accumulation d’azote actif sur la planète. Voilà comment l’azote des déjections animales, dont la récupération structurait l’agriculture il y a un siècle, est devenu localement un polluant [15].
Comme la qualité des eaux, le domaine de la santé est particulièrement concerné par l’activité d’élevage, du fait de la proximité biologique entre les humains et les animaux qui facilite la circulation des maladies. Ce fait n’a rien de nouveau et contribue même à expliquer la catastrophe démographique qui a suivi la colonisation de l’Amérique, les populations précolombiennes n’étant pas immunisées face aux maladies amenées par les colons faute de contacts avec les animaux domestiqués au Proche Orient. Les crises sanitaires diverses (vache folle, grippe aviaire, peste porcine, mais aussi pandémie du covid-19) conduisent toutefois à le voir sous un jour nouveau. Les formes d’élevage développées au XXe siècle, qui induisent la circulation accrue de matières à travers le monde et concentrent des centaines ou des milliers d’animaux dans un même bâtiment, même si ces derniers sont sécurisés et que les sciences vétérinaires font des avancées majeures, apparaissent ainsi problématiques pour la santé des animaux comme des humains. L’utilisation d’antibiotiques en élevage, à l’origine de résistances, commence quant à elle à être régulée dans l’Union Européenne, mais s’accroît à vitesse très rapide dans d’autres endroits du monde (Van Boeckel et al., 2017 ; Laxminarayan, 2019).
Le troisième domaine environnemental dans lequel l’élevage occupe une place particulière est bien évidemment celui du changement climatique. Cette particularité tient en premier lieu aux émissions de méthane des ruminants, qui représentent plus d’un tiers des 14,5% d’émissions d’origine anthropique de gaz à effets de serre attribués au secteur de l’élevage [16]. De ce fait, l’impact de l’élevage sur le changement climatique n’est pas uniquement lié aux formes d’élevage intensif spécialisé à base de grains, mais aussi aux formes d’élevage de ruminants conduits au pâturage ou à partir de fourrages distribués. La rumination, peut-on arguer, est un processus naturel qui est d’ailleurs bien utile puisqu’il permet d’alimenter certains animaux d’élevage à partir de végétaux riches en fibres que les humains ne peuvent pas consommer (et, rappelons-le, de réaliser des transferts de fertilité entre espaces). Mais ce raisonnement isolant le carbone biogénique (par opposition au carbone fossile) a du mal à tenir dès lors que l’on prend en compte la croissance importante des effectifs de ruminants domestiques au cours du XXe siècle (Garnett et al., 2017). Cette croissance, qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui, est destinée désormais dans toute une partie du monde à produire de la viande et du lait. Le reste des émissions attribuées au secteur de l’élevage correspond pour partie à celles émanant des déjections animales, elles aussi « naturelles » (et opérant donc aussi au pâturage), mais susceptibles d’être accrues par certaines modalités de stockage et d’épandage. Enfin, la dernière partie correspond pour l’essentiel à du CO2 lié à la consommation de carbone fossile pour fabriquer les engrais et autres produits de synthèse utilisés dans la conduite des cultures alimentant les animaux, faire fonctionner les équipements et assurer le transport des matières, auquel s’ajoute le protoxyde d’azote émis lors de l’épandage des engrais azotés de synthèse. Elle est, pour sa part, indissociable de la révolution de l’élevage du XXe siècle.
Les relations entre humains et animaux, par lesquelles nous avons commencé ce texte pour définir l’élevage, sont une dernière composante de l’impasse dans laquelle il se trouve aujourd’hui. Il est naïf de penser que ces relations, dans l’élevage pastoral ou intégré à la conduite des cultures, sont par essence équilibrées et exemptes de violence. Mais là encore, comme le soulignent les travaux de Jocelyne Porcher, les formes d’élevage, ou de « productions animales » pour reprendre ses mots, qui se sont développées au XXe siècle modifient les termes de la question. Le nombre d’animaux, le confinement, le raccourcissement de la durée des cycles d’élevage en vue d’optimiser la production de viande de lait ou d’œufs ou encore l’utilisation d’équipements motomécanisés transforment la relation entre l’humain et l’animal et génèrent pour l’un comme pour l’autre des souffrances (Despret et Porcher, 2002 ; Porcher, 2010). L’intégration de critères de bien-être animal en élevage, définissant par exemple une place minimum par animal dans les bâtiments, constitue en la matière une amélioration indéniable, mais, en se focalisant sur l’animal, ne répond que partiellement à la question de la relation entre humains et animaux qui est ici posée.
L’élevage, tel qu’il a évolué au cours du XXe siècle, est donc problématique à différents points de vue et un infléchissement dans sa trajectoire d’évolution apparaît nécessaire. La « faim de viande » et « soif de lait » du monde et la production de protéines animales à bas prix pour les satisfaire ne peuvent justifier de laisser évoluer l’élevage vers des formes de plus en plus concentrées, spécialisées et consommatrices d’intrants. Si tous les humains mangent demain autant de viande et de lait ainsi produits qu’un Américain et un Français aujourd’hui, la situation ne sera que pire et un temps précieux aura été perdu. Pour accompagner cet infléchissement, compter sur les comportements individuels de choix et de limitation des quantités des produits animaux consommés apparaît insuffisant, surtout si l’on raisonne à l’échelle mondiale. L’action publique et l’action collective sont nécessaires, afin de concevoir des modalités de régulation et de sorties accompagnées de ces modèles d’élevage, dont les sociétés concernées sont collectivement responsables.
Mais ce qu’apporte cette perspective historique, c’est aussi que construire une agriculture durable sans élevage et avec un minimum de productivité du travail n’est pas chose facile. Différentes formes d’agriculture sans élevage relevant du métabolisme « solaire » (Daviron, 2019) existent en effet jusqu’à aujourd’hui dans le monde et constituent autant d’alternatives à l’agriculture consommatrice de ressources fossiles qui s’est développée au XXe siècle. Mais qu’il s’agisse par exemple de l’abattis brûlis avec longue friche arborée, de l’agroforesterie, ou encore de la permaculture, elles nécessitent généralement beaucoup de travail. L’élevage, parce que les animaux ont la capacité de se déplacer, de fournir de l’énergie, de se nourrir au pâturage ou à partir de résidus de culture, permet dans certaines conditions d’alléger cette charge de travail et donc d’accroître sa productivité. Assurant l’entretien de la fertilité des sols et fournissant de l’énergie et des sous-produits divers, il a ainsi été au cœur des révolutions agricoles successives qui ont permis aux agriculteurs européens de subvenir aux besoins d’une population non agricole croissante, ce avant que l’agriculture ait recours à l’énergie fossile.
« Renouer avec l’élevage » [17]… Telle est l’invitation qui nous est faite à partir de ces deux axes de conclusion. L’expression prend ici plusieurs sens. Il s’agit d’abord, thème cher à l’agroécologie, de renouer cultures et élevage, en travaillant au renforcement des différentes voies d’intégration entre ces activités qui ont de multiples vertus au plan environnemental. Les animaux d’élevage ont la capacité de fournir de l’énergie, transférer des nutriments entre les parties de l’écosystème, recycler de la biomasse et sont donc des alliés précieux avec lesquels il s’agit de composer à travers des pratiques agricoles très diverses et finement adaptées à chaque situation. Renouer avec le pâturage en élevage herbivore apparaît également nécessaire et plusieurs initiatives existent dans différents types d’écosystèmes (Devienne et al., 2016 ; Garambois et al., 2020). Sans doute nous faut-il aussi renouer plus largement avec les produits animaux non alimentaires tels que la laine, et ne plus cantonner l’animal à la production de viande, de lait ou d’œufs. Il s’agit aussi, par une voie plus politique, de renouer avec les éleveurs dont l’activité est menacée par la concurrence des formes d’élevage beaucoup plus productives nées au XXe siècle. Enrayer la diminution de leur nombre est impératif afin de maintenir et même peut-être créer de l’emploi. Renouer avec les animaux d’élevage apparaît également nécessaire : cela passe par le fait d’être collectivement responsables de la relation entre humains et animaux que nous dessinons via la mise en place de formes d’élevage, relation qui, si l’on suit Vinciane Despret et Baptiste Morizot, a la capacité de nous transformer et de nous rendre plus vivants [18]. Renouer avec l’élevage, enfin, c’est renouer par la pensée, en poursuivant l’étude de ses multiples formes et de la place qu’il occupe dans les sociétés et les écosystèmes, projet auquel ce texte espère avoir contribué.
par , le 9 novembre 2021
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• Mottet, A., de Haan, C., Falcucci, A., Tempio, G., Opio, C., Gerber, P., 2017. Livestock : On our plates or eating at our table ? A new analysis of the feed/food debate. Global Food Security, Food Security Governance in Latin America 14, 1–8.
• Porcher, J., 2010. Cochon d’or. L’industrie porcine en question. Quae.
• Sigaut, F., 1980. Un tableau des produits animaux et deux hypothèses qui en découlent. Production pastorale et société 20–36.
• Teillard, F., Finn, J.A., Said, M., Alkemade, R., Antón, A., Dumont, B., Funes Monzote, F.R., Henry, B.K., Maia de Souza, D., Manzano, P., Milà i Canals, L., Phelps, C., Vijn, S., White, S.R., Zerfas, H.-P., 2016. Principles for the assessment of livestock impacts on biodiversity. FAO, Rome.
• Van Boeckel, T.P., Glennon, E.E., Chen, D., Gilbert, M., Robinson, T.P., Grenfell, B.T., Levin, S.A., Bonhoeffer, S., Laxminarayan, R., 2017. Reducing antimicrobial use in food animals. Science 357, 1350–1352.
Claire Aubron, « Penser l’élevage à l’heure de l’anthropocene », La Vie des idées , 9 novembre 2021. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net/Penser-l-elevage-a-l-heure-de-l-anthropocene
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[1] Daviron B., 2019. Biomasse : une histoire de richesse et de puissance, Quae.
[2] Ce texte doit beaucoup aux échanges avec les collègues dans le cadre d’enseignements ainsi qu’au sein du collectif de recherche auquel je suis rattachée (SELMET). Merci à eux et en particulier à Sébastien Bainville et Olivier Philippon. Je remercie également Benoît Daviron et la rédaction de la Vie des Idées pour leurs conseils sur les premières versions du texte
[3] Suivant l’acception plus ou moins large du concept de domestication, entre 30 et 200 espèces animales ont été domestiquées par les humains (Denis, 2004) et pas moins de 65 utilisations différentes des produits corporels (os, peaux, viande, fibres, fèces, lait, etc.), des énergies (bât, dépiquage, attelage, etc.) et des comportements des animaux (auxiliaire de chasse, garde, courses, etc.) ont été identifiées (Sigaut, 1980).
[4] Mazoyer et Roudart, 1997. Histoire des agricultures du monde. Seuil. Güldner et al., 2021.
[5] Cette concentration des déjections sur l’ager se fait soit directement par parcage nocturne des animaux sur la parcelle, soit après stockage dans un enclos dans lequel les animaux sont rassemblés pour la nuit.
[6] Rien de magique dans ce processus : les animaux ne créent pas de minéraux ; ils permettent de les transférer et cela ne fonctionne donc que s’il y a transfert. Des animaux qui s’alimentent sur un espace et font leurs déjections sur ce même espace ne font que recycler les minéraux présents dans les parties des plantes qu’ils consomment, et encore, ce recyclage est partiel puisqu’une partie des minéraux se retrouve dans le lait, les œufs ou les tissus qui composent l’animal. Si elles ne renouvellent pas la fertilité chimique du sol, de telles pratiques de recyclage peuvent permettre d’incorporer des résidus de culture dans le sol plus facilement qu’avec un travail humain, d’augmenter le taux de matière organique et ainsi de créer de bonnes conditions pour la croissance ultérieure des plantes cultivées.]. Ce faisant, les animaux contribuent également à apporter de la matière organique au sol, et donc améliorent sa structure. Le contrôle des adventices repose quant à lui principalement sur le labour qui permet de les enfouir avant l’implantation de la culture et sur le désherbage pendant la culture, tous deux réalisés à l’aide d’outils manuels. Cette agriculture manuelle avec élevage pastoral associé caractérisait par exemple les Andes et la zone soudano-sahélienne jusqu’aux colonisations et s’est dans certains cas maintenue jusqu’à aujourd’hui. Les animaux d’élevage concernés doivent être en mesure de s’alimenter à partir de la végétation du saltus et sont donc plutôt des herbivores, mais les porcs[[Les porcs, de même que les volailles, ne reçoivent dans ces formes d’élevage intégrés à l’agriculture que peu ou pas de grains, se nourrissant des restes de la cuisine et des écarts de récolte qu’on leur distribue, ainsi que de ce qu’ils prélèvent dans les espaces auxquels ils ont accès.
[7] Bovins ou buffles. La sélection par les humains des animaux à même de réaliser les différentes opérations attendues de leur part, dans les conditions de sol plus ou moins lourd et de climat plus ou moins humide, a donné lieu à une très grande diversité de races encore visible aujourd’hui dans des pays comme l’Inde.
[8] Haudricourt et Brunhes Delamarre, 1955. L’homme et la charrue à travers le monde. Gallimard
[9] Boutonnet et Simier, 1995. Les viandes. Economica. Daviron, 2019.
[10] Diry J.-P., 1985. L’industrialisation de l’élevage en France : économie et géographie des filières avicoles et porcines. OPHRYS.
[11] La spécialisation prend ici un triple sens : spécialisation des fermes dans l’activité d’élevage, sans nécessairement de cultures autres que celles servant à alimenter les animaux ; spécialisation dans la fourniture de produits alimentaires, l’énergie animale n’étant plus utilisée et les produits animaux non alimentaires devenant des sous-produits et parfois même des déchets, le terme « effluents » d’élevage étant à ce titre illustratif ; spécialisation dans la fourniture d’un produit, les volailles élevées pour leur viande différant grandement par exemple de celles élevées pour leurs œufs.
[12] Les grains utilisés correspondent à diverses céréales parmi lesquelles le maïs occupe une place importante et à des oléoprotéagineux dominés par le tourteau de soja riche en protéines. La culture du soja s’est tout d’abord développée aux États-Unis pour l’alimentation animale du pays et pour l’export vers l’Europe avec qui un droit de douane nul pour ce produit a été négocié dès la première Politique Agricole Commune. Elle s’est ensuite étendue à l’Amérique du Sud dans les années 1990, pour approvisionner l’Europe dans un premier temps, puis également la Chine, devenue le plus gros importateur mondial (et d’où le soja est originaire).
[13] Mazoyer, 1982 ; Mazoyer et Roudart, 1997
[14] Outre les États-Unis et l’Europe, les régions disposant aujourd’hui d’excédents de produits animaux sont l’Océanie (lait et viande ovine), le Brésil (volaille, porc, viande bovine), et dans une moindre mesure l’Argentine. L’Inde, grand producteur de lait mais faiblement consommateur de viande, est un exportateur important de viande bovine.
[15] Ce alors même que des quantités très importantes d’énergie fossile servent par ailleurs à transformer l’azote de l’atmosphère en engrais de synthèse.
[16] Gerber et al., 2013. Ces chiffres ne tiennent pas compte des possibilités de stockage de carbone dans les sols des pâturages qui peuvent être élevées (Blanfort et al., 2010), mais sont variables suivant les conditions pédo-climatiques et de conduite (voir Garnett et al., 2017).
[17] L’expression est reprise de B. Morizot « Renouer avec le vivant », hors-série Socialter, octobre 2020.
[18] Despret V., 2020. Quand le loup habitera avec l’agneau. Les Empêcheurs de penser en rond.
Morizot B., 2020. Manières d’être vivant : Enquêtes sur la vie à travers nous. Éditions Actes Sud.