Loin des centres dédiés à leur prise en charge spécifique, la douleur s’exprime d’abord dans le cabinet du médecin généraliste. Comment les plaintes y sont-elles déchiffrées et les douleurs catégorisées ?
Loin des centres dédiés à leur prise en charge spécifique, la douleur s’exprime d’abord dans le cabinet du médecin généraliste. Comment les plaintes y sont-elles déchiffrées et les douleurs catégorisées ?
« J’ai mal docteur ». C’est par ces mots que s’ouvrent bon nombre de consultations en médecine générale. En effet, la douleur y est omniprésente, qu’elle soit le motif pour lequel le patient vient consulter un médecin, ou parce qu’elle accompagne la pathologie ou le trouble qui suscite la consultation. Mais du fait justement que ce motif est aussi banal et élémentaire, il ne fait que rarement l’objet de recherches, que ce soit en sciences sociales ou en sciences médicales. Les travaux existant sur la douleur, et notamment ceux d’I. Baszanger, reviennent sur l’histoire de la médecine de la douleur, en montrant comment celle-ci s’institutionnalise dans des centres dédiés ou équipes spécialisées à mesure que la connaissance des mécanismes douloureux s’affine.
Il s’agit d’une histoire récente puisqu’elle débute au dernier tiers du XXe siècle. Non pas qu’avant, il n’était pas question de douleur en médecine, mais c’est bien à partir du milieu des années 1960 que Melzack et Wall élaborent la théorie de la porte ou gate control en mettant en évidence le mécanisme à l’origine de la sensation douloureuse. Dans cette optique, l’enjeu n’est plus de chercher la lésion tissulaire à l’origine de la douleur (lésion qui n’existe pas toujours), mais plutôt de décrire le mécanisme qui produit cette expérience désagréable. Pour eux, ce mécanisme peut être régulé de manière à ce que les signaux douloureux ne soient pas transmis (ou alors de manière atténuée) ouvrant par conséquent de nouvelles pistes thérapeutiques. En effet, il est possible d’agir sur cette « barrière » physiologique (par exemple, en stimulant certaines fibres nerveuses plutôt que d’autres), mais aussi psychologique, en travaillant sur l’attention que le patient porte à la douleur. Du fait de l’ensemble des techniques mobilisées pour « fermer la porte » à l’influx douloureux, les cliniciens impliqués dans cette médecine viennent de l’anesthésie, mais aussi de la psychiatrie. I. Baszanger explique qu’en France, la médecine de la douleur se développe à partir du début des années 1980, au sein de centres dédiés qui entendent prendre en charge la douleur pour elle-même, comme une véritable maladie. En effet, c’est ce qui, selon elle, explique que la médecine de la douleur n’émerge que très tardivement alors même que la douleur est sans doute le symptôme premier, celui sur lequel toute pratique médicale prend appui.
Considérer la douleur comme la cible de l’action thérapeutique, c’est revendiquer la pratique d’une médecine symptomatique, décriée par rapport à une médecine qui s’attacherait à connaitre l’étiologie d’un trouble pour le soigner. De fait, la légitimité de cette médecine se renforce car elle se propose de prendre en charge des patients dont personnes ne veut : les patients douloureux chroniques, parmi lesquels les patients atteints de cancers sont (contrairement à une idée reçue) minoritaires, mais sont souvent mis en avant car ils apparaissent comme plus légitimes (puisqu’atteints d’une pathologie organique souvent incurable). C’est toujours cette quête de légitimité qui pousse les médecins de la douleur, à partir des années 1990, à prendre en charge la douleur « en général » et notamment celle des patients en fin de vie, en proposant à ces malades dans une impasse thérapeutique, la mise en place de soins, non plus curatifs, mais palliatifs.
Mais qu’en est-il en dehors de ces centres spécialisés vers lesquels sont orientés des patients déjà étiquetés comme douloureux chroniques ? Cet essai examine ce qui se passe pour des douleurs plus habituelles et quotidiennes dont le premier lieu dans laquelle cette plainte est accueillie est sans doute le cabinet du médecin généraliste. Que se passe-t-il alors quand un patient vient voir un médecin pour lui dire qu’il a mal ? Comment le médecin classe-t-il les plaintes et catégorise-t-il les motifs douloureux qui lui sont présentés ?
Cet essai s’attache à comprendre la manière dont les médecins décryptent et déchiffrent la douleur des patients qui se présentent dans leur cabinet. Pour cela, il s’appuie sur une enquête par entretiens semi-directifs menés auprès de médecins généralistes exerçant leur métier en Île-de-France et en dans une zone rurale du Sud de la Bourgogne. Seul ou en groupe, tout juste diplômés ou bien en fin de carrière, homme ou femme, le seul point commun de l’ensemble de ces praticiens est de ne pas être des « professionnels de la douleur ».
Cette phrase, issue d’un entretien avec un médecin généraliste, résume les enjeux qui se posent au praticien, dès lors que le patient franchit la porte du cabinet. Bon nombre d’enquêtés distinguent alors la plainte douloureuse de la douleur elle-même, en indiquant qu’il s’agit parfois d’un élément de discours qui marque le début de la consultation médicale, justifie le recours au médecin, même si le trouble pour lequel le malade consulte n’est pas décrit par la suite comme une douleur, mais plutôt comme une gêne ou un dysfonctionnement. Pour les médecins, cela a deux implications qui correspondent à deux niveaux de tri : le premier qui consiste à comprendre si la douleur qui est rapportée est une douleur pour laquelle le patient attend un soulagement, ou bien une manière de signifier une inquiétude, ce qu’indique ce praticien :
Parce qu’il y a des douleurs où les gens viennent pour la douleur. Et à la fin je dis « écoutez je pense que c’est ça, voilà ce qu’on va faire » et quand on propose un médicament, les gens disent « oh non, non, ça va aller ». Donc les gens sortent sans ordonnance médicale. Donc là, on sent qu’il y a une inquiétude, on en a parlé, on a dit qu’on allait chercher dans tel sens. […] L’incertitude, c’est angoissant et c’est douloureux.
Entretien avec PD, homme, médecin en Bourgogne, 60-65 ans, exerce en groupe.
Le deuxième niveau de tri s’articule directement au premier dans la mesure où le praticien doit déterminer si l’inquiétude que manifeste le patient est effectivement fondée. Il s’agit donc pour lui de « ne pas passer à côté » (pour reprendre une expression couramment usitée) de l’urgence ou de la gravité, et donc de rassurer le patient en conséquence, si aucun de ces deux critères n’est rempli.
Nous sommes alors face à une situation similaire à celle que décrit C. Butler dans le cas de la prescription d’antibiotiques (Butler et al., 1998). Dans un certain nombre de cas, la demande d’antibiotiques adressée au médecin semble moins être une demande de soulagement immédiat qu’une façon de montrer sa préoccupation afin d’être rassuré puisque dans cette enquête par entretiens, les patients qui n’ont pas obtenu d’antibiotiques après en avoir demandé au médecin ne se montrent pas mécontents, au contraire, dès lors qu’ils ont été rassurés quant à l’issue de leur maladie.
La façon dont se jouent les premiers instants de la consultation est alors décrite de manière différente par les enquêtés, selon leur contexte d’exercice rural ou urbain. En effet, l’idée selon laquelle les patients ruraux seraient « durs au mal » semble bien présente dans l’esprit des médecins bourguignons qui se trouvent satisfaits d’avoir une patientèle qui se plaint peu, ou plutôt, pour laquelle chaque plainte apparaît comme justifiée et à prendre au sérieux. Mais il faut souligner que les médecins qui font le plus état de cette manière de gérer la douleur « rurale » sont tous des hommes, qui exercent seuls dans une zone isolée et sont également ceux qui sont les plus enclins à valoriser l’image traditionnelle du médecin de campagne, aussi compétent que dévoué, qu’il ne faut donc appeler qu’en cas de problème réel et urgent. Il est donc difficile de distinguer ce qui relève d’une description de la réalité ou d’une façon de la présenter de manière à ce qu’elle donne corps à une identité à laquelle le médecin est attaché.
Une fois cette première étape passée, vient la question de la description de la plainte douloureuse. Or, comme l’explique I. Baszanger, la douleur « présente ce caractère de sensation privée irréductible, en dernier ressort, à quelque objectivation que ce soit » (Baszanger, 1995, p. 26). Son expression par le patient est donc sujette à de multiples interprétations qui varient en fonction des praticiens rencontrés et ne donne pas lieu à des pratiques professionnelles identiques, comme cela peut être le cas pour d’autres troubles se prêtant à une mesure plus objective, comme la tension artérielle et le taux sanguin d’une substance précise par exemple. La douleur n’est saisissable qu’à travers un récit, des gestes, des expressions bien entendu très variables d’un individu à l’autre, chacun ayant des manières différentes de ressentir la douleur et de l’exprimer en fonction de son genre, de son âge, de sa classe sociale (Boltanski, 1971 ; Desfontaines, 2012 ; Zola, 1966).
À ce titre, la douleur ressemble fortement à la fatigue telle que l’analyse P. Cathébras. En effet, la fatigue permet d’englober un grand nombre de maux : besoin de repos et impossibilité d’y accéder, douleurs et autres contractions musculaires lorsqu’elle est liée à un effort intense, troubles plus divers lorsqu’elle est la résultante d’un épuisement professionnel ou de difficultés psychologiques, symptôme d’une pathologie sous-jacente donc signal primaire que « quelque chose ne va pas » (Cathébras, 1991). La fatigue est donc un trouble composite et c’est à partir du récit qu’en fait le patient que le médecin travaille, c’est-à-dire en donne une interprétation, de la fatigue normale à la fatigue pathologique, de la fatigue symptôme à la fatigue comme pathologie en soi. La douleur comme la fatigue ne peuvent constituer que difficilement le socle d’un diagnostic précis, ce sur quoi s’accordent sans trop de problème les praticiens interrogés, surtout dès lors que le critère de gravité est levé.
Je leur dis : ‘’Pourquoi vous avez besoin d’un nom ? C’est pas grave, j’en sais rien de ce que c’est’’. Mais bon, on s’en fout, on attend, ça va passer. […] ils peuvent admettre qu’on sait pas et c’est déjà pas mal que de savoir que c’est grave ou pas.[…] je crois que ça marche si on dit aux gens qu’on ne sait pas et que c’est pas important de savoir. […] moi, je suis « Docteur je sais pas » ou « c’est pas grave », c’est comme ça qu’ils m’appellent.
Entretien avec AF, homme, médecin en IDF, 60-65 ans, exerce seul.
Pourtant, au-delà de la singularité de chaque récit douloureux et en dépit du fait que l’objectivation de la douleur se réduit à celui-ci, les praticiens mobilisent différentes catégories qui permettent de trier les motifs douloureux entre eux. Lors de mes entretiens, le terme de « douleur » était posé sans plus de précision, afin de laisser les praticiens opérer les distinctions qu’ils estimaient nécessaires au sein de cet ensemble. Spontanément, la distinction qui revient le plus fréquemment est la distinction « douleur physique/douleur psychique », contrairement à celle de douleur chronique/douleur aiguë, beaucoup plus couramment usitée dans la littérature médicale. Présentée pour la première fois dans un ouvrage de référence paru en 1974, I. Baszanger indique que cette définition est peu à peu reprise dans d’autres ouvrages ou articles parus dans la presse professionnelle. La catégorie de douleur chronique n’est alors présente qu’en filigrane et n’émerge que dans les années 1980. Cette évolution est liée à l’émergence de consultations spécialisées dans la prise en charge de la douleur chronique, mettant en avant une nouvelle génération de médecins qui valorisent la distinction douleur aiguë ou chronique dans leur pratique clinique.
La régularité avec laquelle cette dichotomie douleur physique/douleur psychique est posée soulève une tension : elle montre que les praticiens englobent aussi dans la douleur ce que nous pourrions qualifier de souffrance psychique, donc qu’ils admettent aussi une circulation entre la souffrance psychologique et la douleur physique. Mais cette dichotomie valide du même coup une scission entre deux registres de douleurs qui sont alors décrits comme antithétiques.
En effet, quand on demande aux praticiens de les décrire, de donner des exemples de questions qu’ils posent pour traquer ces différentes douleurs ou les exemples de cas qui illustrent le mieux chacune de ces catégories, les médecins utilisent des termes des expressions bien différentes. Ainsi, la douleur physique est souvent décrite comme « somatique », « organique », mais aussi par des termes qui traduisent une forme de jugement de valeur comme « nette », « vraie » ou « objective ». À l’inverse, ce sont des termes ou des paraphrases comme « douleur de mal-être », « douleur un peu dépressive », « complexe », « compliquées » qui permettent de qualifier la douleur psychique. Chacune trouve son illustration dans une pathologie précise : la colique néphrétique est citée pour désigner la pathologie qui constitue à leurs yeux l’archétype de la douleur physique, et ce, avec une surprenante régularité. Tandis que pour la douleur psychique, les exemples cités sont plus variés, et vont de la colopathie fonctionnelle, aux douleurs touchant différents organes successivement, en passant par les céphalées de tension, la fibromyalgie, mais aussi et surtout, la lombalgie dont la plupart du temps les enquêtés lient l’apparition à une souffrance professionnelle, c’est-à-dire le résultat d’une mauvaise posture ou le port de charge lourde, tout comme le ressenti physique associé à une ambiance de travail dégradée, un emploi déconsidéré ou qui n’apporte aucune satisfaction. En effet, parce que la lombalgie présente « une nosographie non stabilisée, […] un substrat anatomique équivoque et des dimensions sociales constitutives du mal au dos » (Desfontaines, 2012, p. 3), elle incarne la pathologie à la fois réponse et symptôme diffus (car elle se caractérise souvent par l’impossibilité de mettre en évidence une lésion) associée « aux facteurs dits psychosociaux de survenue et de maintien » de la douleur.
Enfin, alors que les douleurs physiques qualifient un organe ou un système (« douleur d’épaule », « maux de tête »), en ce qui concerne les douleurs psychiques, les praticiens font bien souvent le glissement de l’organe ou du système vers la personne tout entière, n’hésitant pas à parler des « fibromyalgiques » par exemple pour désigner les patients souffrant de cette pathologie. En outre, les patients cités en exemple en entretien sont le plus souvent des femmes, et ce biais de genre n’est pas toujours identifié comme tel par les praticiens. Ces malades se trouvent alors affublés du qualificatif de « particuliers » (Sarradon-Eck et al., 2020). Aline Sarradon-Eck et ses collaborateurs montrent combien ces adjectifs sont connotés négativement et associés à des traits de personnalité que je retrouve également en entretien : ces patients sont décrits comme chronophages, revendicateurs, peu sympathiques, ayant une personnalité particulière (déprimés ou anxieux), accumulant les difficultés personnelles, familiales, professionnelles. Les auteurs rapportent alors des propos d’enquêtés exemplifiant ceux qu’ils qualifient comme des patients « particuliers » : « les jeunes femmes profs », « pas mal de gens bobos », « ceux qui aiment l’homéo[pathie] »...
Au-delà d’un simple effet de discours, cette dichotomie douleur physique/douleur psychique traduit aussi des différences de pratiques puisque les praticiens ne posent pas les mêmes questions face à l’une ou l’autre de ces catégories. Pour la douleur physique, les questions posées sont souvent décrites comme « standards », « classiques », ou « habituelles », au point que les médecins trouvent parfois incongru de les détailler. Elles sont en réalité moins standardisées que les enquêtés le laissent penser. D’une part, elles sont très variées : certains insistent sur la caractérisation de la douleur (brûlure, déchirure, etc.) ; d’autres sur la brutalité de son apparition, son caractère constant, intermittent ou pulsatile ; d’autres encore sur son intensité (en utilisant des échelles de cotation parfois), son ancienneté, l’efficacité des moyens déjà déployés pour la soulager. D’autre part, elles sont souvent très contextualisées et bien adaptées à l’expérience du patient ou au contexte d’exercice du médecin. Par exemple, les généralistes ruraux les plus âgés, habitués à une patientèle vieillissante posent la question du jardin, élément incontournable de l’emploi du temps de leurs patients, pour évaluer le caractère invalidant de la douleur. À l’opposé, certaines praticiennes dont la patientèle est essentiellement composée de femmes et d’enfants en bas âge interrogent les patientes sur les difficultés qu’elles peuvent éprouver à soulever, porter ou soutenir un bébé ou un petit enfant.
À côté de ces questions dites « classiques », les questions destinées à évaluer les douleurs dites psychiques sont bien différentes. Plus générales dans l’ensemble, elles portent sur le travail, la famille, le couple, etc. voire se résument à un « sinon, ça va dans votre vie ? ». L’idée qui revient très vite est qu’il s’agit des questions qui permettent au patient d’aller au-delà de ses sensations physiques. Les praticiens cherchent alors « quelque chose » qu’ « on sent derrière » les réponses du patient, une « intuition », un « feeling » et qui témoignent de la place qu’occupent les savoirs opératoires en médecine générale. Ces derniers sont perçus comme relevant d’une disposition personnelle que les praticiens évoquent avec gêne, notamment parce qu’elle fait écho au sentiment que la médecine générale fonctionne à contre-courant de la médecine de spécialité [1] : plus routinière et moins technique, la médecine générale serait la spécialité de ceux qui n’ont pas les compétences supplémentaires qu’offrent les (autres) spécialités pour l’exercer (Baszanger and Bungener, 2002). Elle apparaît comme une médecine de l’accueil, une médecine relationnelle, qui valorise la prise en compte du patient dans son entièreté (Bloy, 2010).
Pourtant, ces « savoirs opératoires » (Baszanger, 1995), c’est-à-dire ces dispositions acquises par l’expérience, la connaissance de sa patientèle, etc. cristallisées sous la forme de techniques pratiques et mobilisables en consultation sont essentiels, car ils permettent au médecin de détecter la douleur psychique et d’inviter le patient à la mettre en mots. Ces savoirs mobilisent aussi des compétences directement liées à la gestion de la consultation, à la façon de susciter la confidence ou au contraire, de mettre un terme à l’interaction pour gérer le temps qui passe. Ces savoirs qui échappent à toute forme de standardisation sont des savoirs informels pourtant essentiels à l’exercice médical, mais qui sont aussi ceux qui créent un hiatus entre la médecine générale et la médecine de spécialité telle qu’elle est enseignée à l’université (Bloy, 2005).
In fine, la manière dont ces douleurs sont catégorisées permet de rendre particulièrement patente la façon dont la médecine générale est prise dans une forme d’injonction contradictoire mise en lumière par G. Bloy, celle d’être tiraillée entre une médecine des preuves et une médecine relationnelle (Bloy, 2010).
Cela soulève bien évidemment la question de la temporalité à laquelle se joue ces prises en charge. Là encore, tout semble opposer la douleur physique et la douleur psychique. Ainsi, les praticiens considèrent d’emblée la douleur comme physique puis, ensuite seulement, essayent d’évaluer la composante psychique de la douleur exprimée par le patient, lorsque le bilan somatique est négatif, que les examens complémentaires reviennent sans montrer de lésion particulière ou d’anomalie biologique, dès lors que les mêmes signes ou mêmes symptômes sont présentés inlassablement. Le fait que l’interaction médicale ne se déroule pas « comme d’habitude » avec un patient que le médecin connaît bien, ou au contraire, que les consultations se répètent à l’identique, sont autant d’indices qui invitent le médecin à abandonner l’hypothèse de douleur physique pour explorer le versant plus psychique de la plainte. Ici, la temporalité longue, c’est-à-dire celle qui concerne le suivi du patient sur le temps long prend toute son importance puisqu’elle vient informer celle, plus courte, de la consultation.
En fin de compte, la douleur psychique s’apparente à une « catégorie de problème plus qu’un diagnostic, une catégorie par défaut » (Haxaire et al., 2010, p. 135). Cela laisse entrevoir ce qu’Aline Sarradon-Eck et ses collaborateurs décrivent comme « une hiérarchisation des causes : la recherche d’une pathologie organique est vue comme un préalable indispensable avant l’exploration du champ psycho-environnemental, les acteurs non-organiques n’étant pris en considération que lorsque le clinicien pense avoir éliminé les hypothèses somatiques pures. » (Sarradon-Eck et al., 2020, p. 15). Mais, du même coup, cela entretient une approche linéaire et donc réductrice de la douleur, en empêchant qu’émergent d’autres modèles plus complexes qui intègrent de manière conjointe des facteurs biologiques, sociaux et psychologiques.
C’est donc l’absence d’amélioration et donc l’échec à soulager qui signe le passage d’un diagnostic de douleur physique à celui de douleurs psychiques. On comprend alors le rôle que peut jouer l’étiquetage (Goffman, 1975) de ces patients victimes de douleurs chroniques comme des patients « particuliers » : attribuer une part du motif douloureux présenté inlassablement en consultation à un fonctionnement particulier, à des problèmes personnels, à un traumatisme ou à une personnalité déviante revient à relativiser l’échec de la prise en charge et à éviter de la vivre sur un mode personnel.
Ce changement de registre, du physique au psychologique, n’est pas toujours fluide et apparaît alors une sorte de hiatus, de disjonction dans le passage de l’un à l’autre. Comme l’indique Isabelle Baszanger, « une fois clos ce domaine [du caractère physique de la douleur], rassemblant des notations éparses faites par le malade, voire en en cherchant d’autres, le médecin s’engage dans une autre lecture des plaintes » (op. cit., p 44 -45). C’est ce que met en exergue ce médecin qui décrit combien ce changement de registre peut être délicat à réaliser :
Une patiente qui s’est présentée pour des douleurs de ventre, du rectum, des trucs un peu bizarres, elle m’a totalement stressé. J’ai cru que c’était quelque chose de très grave. […] J’ai « perdu » cette patiente, du moins en tant que médecin traitant, parce que quand j’ai voulu aborder le côté psychologique, c’était devenu incongru. J’avais tellement mis de force dans le côté somatique, c’est-à-dire que c’était quelque chose de somatique dès le début, son problème, c’était une hypothèse somatique forte, tellement puissante, quelque chose de grave …. que je l’ai pris de manière très forte,[…]. Alors en fait, lorsque je me suis rendu compte qu’en fait, il y avait d’autres choses, et qu’il y avait quelque chose de psychologiquement… Qu’il y avait d’autres choses et qu’il fallait que j’aille là-dedans, et que je suis allé là-dedans, je l’ai probablement fait de manière maladroite, car j’ai changé totalement ma façon de faire les choses et ça… c’est pas du tout passé.
Entretien avec SD, homme, médecin en IDF, 35-40 ans, exerce en groupe.
Nous voyons donc que cet ensemble de douleurs dites « psychiques » est envisagé de manière négative, c’est-à-dire « par défaut », mais aussi parce que les patients qui en souffrent ramenés à une catégorie de malades particulièrement difficiles à prendre en charge, bien souvent synonymes d’échec pour le praticien. Le sentiment d’échec que ressent le praticien face à la douleur psychique tient au fait qu’il n’y a pas de consensus sur son origine entre le médecin et son patient. Reformulé dans les termes de Friedson, le patient ne suit pas l’avis du médecin sur ce dont il souffre « réellement ». C’est ce que décrit SD lorsqu’il retraçait la difficulté qu’il avait eue à faire accepter à sa patiente que sa douleur pouvait plutôt relever de la sphère « psy » après avoir largement creusé et donc nourri l’hypothèse d’une pathologie organique grave.
L’enjeu pour le praticien est alors de négocier pour que le patient accepte que les maux dont il souffre relèvent de la sphère psychologique plutôt que de la douleur physique. Dans les travaux de Strauss, la négociation occupe une place centrale dans le travail de soins réalisé conjointement par le patient et le médecin (Strauss, 1992). Celle-ci peut concerner des éléments aussi massifs que l’hospitalisation, la poursuite des examens complémentaires, la prise d’un traitement, etc. ou d’autres plus subtils et moins directement visibles, comme l’aide aux soins quotidiens réalisés sur le corps, les façons de gérer les interactions routinières avec l’ensemble du personnel médical, etc. Si Strauss ancre essentiellement ses recherches sur l’hôpital, son cadre analytique est également transposable en médecine de ville, ce qui est d’autant plus fécond qu’elle place le patient dans une autre situation que celle qu’il connaît à l’hôpital. En effet, dans une consultation de médecine générale, le patient « a toujours à sa portée la possibilité de quitter le cabinet et, au lieu d’y revenir, de chercher ailleurs un consultant qui aborde la maladie et son traitement dans des termes qui lui sont plus familiers », ce qui est d’autant plus le cas que le patient qui se présente en consultation de médecine de ville « est à un stade de sa maladie relativement précoce et [n’est ] pas encore vaincu par la douleur ou la peur » (Strauss, 1992, p. 307). Le généraliste a donc à l’esprit que la marge de négociation du malade est importante et donc que le patient peut ne pas être d’accord avec son interprétation de la situation et ainsi rompre la relation.
Dans le cas étudié par Isabelle Baszanger, l’essentiel est que médecins et patients arrivent à un accord (Baszanger, 1995). Cet accord peut intervenir après le traitement, lorsque le malade doit accepter la prise en charge dont l’efficacité lui a été démontrée et donne ou non son accord a posteriori, en validant l’analyse de sa situation en fonction de l’efficacité du traitement (le débat se porte alors sur la mesure de cette efficacité). Mais cet accord peut aussi intervenir en amont, lorsque le médecin doit obtenir l’assentiment du patient sur l’évaluation de la situation et le traitement proposé pour que la prise en charge débute. Cela demande donc une participation active du patient qui doit s’impliquer dans la prise en charge proposée, et le médecin doit veiller à ce que l’acceptation de celui-ci se fasse sur la durée. Dans mon enquête, nous sommes plutôt face à cette deuxième configuration : l’accord du patient est le fruit d’un travail de longue haleine, non décrit ici, et repose essentiellement sur la mise au jour de ce que les médecins appellent « le bon moment », c’est à dire l’instant au cours duquel le patient sera plus sensible à la suggestion que lui fait le médecin, ce que suggère cette praticienne :
Quand il y a une notion de « quand je le sens prêt à entendre ça » parce que, quelquefois : “non non c’est pas dans ma tête, c’est dans mon ventre”. “Oui on est bien d’accord, c’est dans votre ventre, mais votre tête, elle interprète votre douleur du ventre”. Donc comment est-ce qu’on peut amener cette réflexivité sur “comment je vis, pourquoi cette douleur arrive à ce moment-là de ma vie”. C’est le plus difficile. Une fois que cette démarche-là est faite de la part du patient, ça va très vite.
Entretien avec CR, femme, médecin en Bourgogne, 55-60 ans, exerce en groupe.
Mais la difficulté est parfois telle que les praticiens préfèrent renoncer à la possibilité de trier entre douleur physique et douleur psychique lorsque le résultat de ce tri a peu de chance d’être accepté par le patient. Plus qu’un travail de tri, les médecins sont alors confrontés à un travail de frontière. S’il n’est pas possible d’examiner ici la question du traitement effectif de la douleur, il apparait indispensable d’évoquer, sans être exhaustive, une des stratégies thérapeutiques employées par les médecins pour faire face à l’aporie soulevée précédemment.
Face à la nécessité de catégoriser les douleurs, mais l’impossibilité de révéler le résultat de ce tri quand le médecin sent que cela risque de mettre en danger la relation avec son patient, le praticien peut prescrire ce que j’ai appelé des médicaments-frontières, sur le principe des boundary-objects ou objets-frontières (Star and Griesemer, 1989). En effet, ces médicaments sont utilisés à la fois comme psychotropes, ciblant des troubles de l’humeur ou de l’anxiété, mais aussi comme antidouleurs, pour leur action sur le contrôle de l’influx nerveux. Ils sont donc « suffisamment plastique[s] pour s’adapter aux besoins locaux et aux contraintes des divers groupes qui [les]utilisent », en l’occurrence ici des médecins et des patients, « tout en étant suffisamment robuste[s] pour maintenir une identité commune d’un site à l’autre » (op. cit., p. 393). Ces médicaments correspondraient au cas particulier que Star et Griesemer définissent comme celui de « l’enveloppe », c’est-à-dire des objets dont les frontières coïncident – ici, des médicaments qui ciblent des symptômes qui peuvent apparaître dans le tableau diagnostic de pathologies différentes.
Ces objets-frontières sont dotés d’une « flexibilité interprétative », c’est-à-dire qu’ils peuvent prendre des significations différentes pour des acteurs hétérogènes qui n’ont alors pas besoin de s’entendre sur la définition qu’ils en donnent, voire peuvent en avoir des interprétations différentes. Pour les médecins, ces médicaments peuvent être prescrits comme des psychotropes ; tandis que pour les patients, ils seront identifiés comme des antalgiques. L’ambiguïté, et par conséquent le caractère frontière de ces médicaments, est entretenue par la notice du médicament, dont la lecture permet de donner corps à l’une ou l’autre de ces interprétations [2] :
Parce que souvent, y’a des trucs c’est un petit peu mixte. Je pensais par exemple au Laroxyl ou à des trucs comme ça, dans la fibromyalgie, où y’a une composante sans doute psy qui intervient et donc si on donne à dose filée, je connais bien l’utilisation comme antidouleurs du Laroxyl à toutes petites doses… Qui a un effet antalgique, qui a un effet un petit peu anxiolytique … Sans trop d’effets secondaires. Si ce n’est que sur les brochures, c’est classifié dans les antidépresseurs. Donc quand quelqu’un qui a mal au bide ou des petits troubles comme ça, un peu non étiquetés, quand il a une prescription de tranquillisant, d’antidépresseur, ça peut frotter. Il faut négocier en disant qu’à petite dose, ça peut être autre chose. Entretien avec BK, homme, médecin en IDF, 55-60 ans, exerce seul.
Cela étant, les entretiens ne permettent pas de savoir si ces médicaments frontières représentent une aubaine pour les médecins car ils permettent de faire fonctionner la « ruse » en entretenant le mensonge par omission. Ou bien s’ils incarnent une réelle opportunité de pouvoir prendre en compte des douleurs qui résulteraient d’un entrecroisement entre composante physique et psychique, sans qu’il soit possible de les isoler. La diversité des situations thérapeutiques évoquées en entretien permet au contraire de nourrir l’hypothèse que les attentes que les praticiens nourrissent vis-à-vis de ces médicaments varient d’un praticien à l’autre, voire d’un patient à l’autre.
Ces médicaments-frontières peuvent devenir des outils tout à fait efficaces pour gérer les plaintes des patients « particuliers » ou « complexes ». En effet, ils constituent une réponse à la problématique posée par ces patients liée à l’allongement du temps de consultation et au fait que ces patients remettent souvent en cause le diagnostic du praticien, qui plus est, s’ils sont plus souvent attachés à faire reconnaître l’origine organique de leur douleur (Desfontaines, 2012) ou qu’ils présentent une pluralité de maux, à la fois physiques, mais aussi psychologiques. Ces médicaments-frontières dispensent alors le praticien d’une partie de l’interaction médicale potentiellement coûteuse, temporellement et rationnellement parlant, puisque la prescription écourte la consultation, permet de témoigner de sa sollicitude tout en évitant au praticien d’avoir à se prononcer sur l’origine de la douleur et sa cause précise.
Le travail des médecins généralistes se décompose en une série de tri sur les motifs douloureux présentés par les patients. Ils distinguent d’abord si la plainte est une réelle demande d’intervention médicale ou simplement l’expression d’une inquiétude, ensuite si elle est fondée sur un critère d’urgence ou de gravité. Vient ensuite un troisième niveau de tri qui consiste à catégoriser les douleurs en utilisant la dichotomie physique vs psychique, avec des manières de les nommer, les exemplifier et les investiguer spécifiques à chacune. Cependant, lorsque la consultation (ou la répétition des consultations) ne permet pas de faire émerger un consensus sur l’origine de la douleur, le médecin peut se trouver face à une situation où il doit renoncer à trier. Dans ces situations, les médicaments-frontières prennent une importance toute particulière car ils permettent au médecin de ne pas clarifier l’origine de la douleur avec le patient, mais seulement de s’entendre avec lui sur la nécessité de sa prise en charge (médicamenteuse).
Si cet essai insiste bien sur l’importance que revêt la gestion du temps tout au long de l’étape du diagnostic de la douleur, il convient de souligner qu’il en est de même à l’étape suivante, lors du choix de la thérapeutique par le médecin. En effet, sachant que l’immense majorité des consultations de médecine générale se solde par la rédaction d’une ordonnance, la prescription devient alors un moyen de gestion du temps d’autant plus efficace qu’il permet de clore une consultation. Nous l’avons déjà brièvement évoqué dans le cas des médicaments frontières, mais il en va de même dans le cas des autres médicaments qui ont une étiquette bien définie (antidouleurs pour la douleur physique et psychotropes pour la douleur psychique). Leur prescription permet de gagner du temps car elle dispense le médecin de donner des conseils en termes de mode de vie, d’adaptation de l’activité, etc. En outre, elle valide l’aspect « transactionnel » de la consultation qui cadre la manière dont s’organise la consultation en médecine de ville libérale (le patient apporte son problème et paye la consultation donc reçoit en échange un produit adapté). On voit alors poindre les dérives possibles de ce mode de gestion de la douleur par la prescription médicamenteuse. Les patients peuvent se retrouver enfermés dans une catégorie qui correspond au trouble que le produit qu’ils ont reçu entend soigner : des psychotropes aux patients « avec une douleur psy » à qui l’on reproche de somatiser ou au contraire des antidouleurs renouvelés consultations après consultations à des patients douloureux sans solution que la « crise des opioïdes » aux Etats-Unis a rendus tristement célèbres.
par , le 14 mars
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Joséphine Eberhart, « « J’ai mal, docteur ». Les médecins généralistes face à la douleur », La Vie des idées , 14 mars 2024. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net/J-ai-mal-docteur
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[1] Qu’elle a pourtant rejoint en 2004, date à laquelle elle est reconnue comme spécialité médicale.
[2] Parmi ces médicaments-frontières cités dans les entretiens, deux sont régulièrement cités comme des substances permettant de « jouer sur les deux tableaux ». C’est le cas du Laroxyl (antalgique à faible dose et antidépresseur pour des posologies plus élevées) et du Lyrica (antiépileptique indiqué dans certaines douleurs, neuropathiques essentiellement, mais également dans la prise en charge de l’anxiété).