La vie et l’œuvre de Gramsci sont inséparables. Les Cahiers de prisons doivent être lus en prenant en compte les contextes dans lesquels ils ont été écrits. C’est ainsi que l’on perçoit leur cohérence et leur profondeur théorique.
À propos de : Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini, L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci, La Découverte
La vie et l’œuvre de Gramsci sont inséparables. Les Cahiers de prisons doivent être lus en prenant en compte les contextes dans lesquels ils ont été écrits. C’est ainsi que l’on perçoit leur cohérence et leur profondeur théorique.
La parution de cet ouvrage est particulièrement bienvenue dans un contexte de regain de notoriété de Gramsci, cité par différentes personnalités publiques, intellectuelles ou politiques, en particulier de droite et d’extrême-droite [1]. Ne serait-ce que pour cette raison, il est nécessaire de rappeler l’ancrage de la pensée de Gramsci dans la lutte pour l’émancipation des subalternes et l’instauration d’une société communiste et démocratique.
Cet ouvrage est le résultat des travaux et recherches sur Gramsci effectuées par Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini depuis plus d’une dizaine d’années [2]. L’originalité du livre vient d’abord du projet mis en œuvre par les deux auteurs : proposer indissociablement – comme le montre déjà le titre – une biographie de Gramsci et une étude de sa pensée. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’ils suivent une telle approche, et Jean-Claude Zancarini a ainsi co-écrit récemment une biographie intellectuelle de Machiavel [3].
Il s’agit d’« effectuer un travail philologique minutieux et honnête, attaché à la lettre des textes et à leur contextualisation pour reconstituer une biographie qui porte à la fois sur l’activité pratique et sur l’activité intellectuelle, en essayant de rechercher les leitmotivs qui parcourent les écrits et de restituer le “rythme de la pensée en développement” » (p. 7). Cette dernière expression vient de Gramsci lui-même, qui en fait un principe méthodologique pour étudier la pensée d’un auteur, de Marx en l’occurrence (Cahier 16, §2, juin-juillet 1932).
L’ouvrage est structuré en trois parties qui correspondent à trois périodes de la vie de Gramsci. La première s’étend de son arrivée à Turin en 1911 pour ses études (depuis sa Sardaigne natale) jusqu’à la fin de la Première guerre mondiale. S’il s’agit d’une période de formation intellectuelle et politique, Gramsci écrit déjà énormément à partir de 1914 en tant que journaliste (notamment culturel) pour la presse socialiste de Turin.
La deuxième période est celle où Gramsci est un dirigeant politique actif. Elle s’ouvre le 1er mai 1919, date de la fondation par Gramsci et ses camarades Angelo Tasca, Palmiro Togliatti et Umberto Terracini de la revue L’Ordine nuovo, qui a jouté un rôle crucial au cours du biennio rosso (1919-1920, les deux années rouges en Italie, marquées par des luttes de classes intenses dans les villes comme les campagnes), en premier lieu en promouvant et en théorisant l’expérience des conseils d’usines à Turin. Cette deuxième période se clôt le 8 novembre 1926, date de l’emprisonnement de Gramsci par le régime fasciste. Entretemps, il a participé à la fondation du Parti communiste d’Italie (PCd’I) en janvier 1921 au congrès de Livourne, a passé un an et demi en URSS en tant que représentant du PCd’I auprès de l’Internationale communiste (IC) en 1922-1923, a été élu député en mai 1924 puis a pris la tête du parti quelques mois plus tard, avec le soutien de l’IC insatisfaite de la ligne sectaire du précédent dirigeant, Amadeo Bordiga.
La troisième période, enfin, est celle de l’emprisonnement (puis de la liberté conditionnelle accordée à Gramsci en octobre 1934, mais au cours de laquelle il reste étroitement surveillé). Il peut commencer à écrire ses Cahiers de prison en février 1929 mais est contraint d’en interrompre la rédaction en 1935 en raison de sa santé trop dégradée. Il meurt le 27 avril 1937.
Les auteurs s’appuient sur l’intégralité des textes produits par Gramsci (retraduits par leurs soins), de statuts très divers : articles journalistiques ; écrits politiques, internes au PCd’I en particulier ; textes plus théoriques comme ses Notes sur le problème méridional ; correspondance avant et surtout pendant l’emprisonnement (notamment avec sa belle-sœur Tatiana Schucht qui était en Italie) ; et, bien sûr, ses Cahiers de prison. Une partie importante des écrits étudiés, dont la majorité des écrits pré-carcéraux, sont inédits en français [4]. Tous les textes mobilisés sont lus en relation avec la situation personnelle de Gramsci et la situation politique nationale et internationale. L’étude diachronique des textes vise à mettre en évidence les évolutions voire les ruptures dans sa pensée (entre les trois périodes distinguées ou en leur sein), mais aussi certaines continuités. Pour les auteurs, « la diachronie et l’historicisation sont d’autant plus indispensables qu’il n’est pas une ligne de Gramsci, avant comme après son arrestation, qui ne soit ancrée dans les combats politiques qu’il a menés » (p. 531). Pour autant, les chapitres sont de nature différente, certains plus « narratifs et biographiques, d’autres plus théoriques et analytiques » (p. 10), en particulier pour la période de l’emprisonnement où l’activité pratique est évidemment réduite (même si Gramsci continue d’avoir des échanges avec ses camarades en prison et des contacts indirects avec les dirigeants communistes en liberté), et où l’élaboration théorique est particulièrement intense.
On peut dire avec André Tosel que les Cahiers de prison forment un « réseau théorique ouvert à prétention systématique partiel et pratique [5] » : ce n’est certes pas un système philosophique complet et achevé (ce que les conditions d’écriture à elles seules auraient rendu impossible) ni désengagé de la pratique, mais ce n’est pas non plus un ensemble de réflexions fragmentaires et ponctuelles sans lien entre elles. Il importe donc de restituer la cohérence voire la systématicité relative des réflexions étudiées, en particulier dans la mesure où elles répondent à des problèmes déterminés (le problème du parti par exemple, sur lequel on reviendra, le problème plus général de la politique révolutionnaire, le problème de l’histoire et de la modernité, etc.). On pourrait parler pour cela de méthode « reconstructrice » dans la mesure où il s’agit de retrouver la cohérence d’un ensemble de réflexions qui ne sont souvent pas articulées explicitement entre elles. Le présent ouvrage combine en quelque sorte la méthode diachronique avec la méthode reconstructrice mais en accordant un net primat à la première – primat qui est le corrélat nécessaire de la forme biographique. Mais il peut être fructueux, pour d’autres types de travaux (surtout s’ils sont centrés sur les Cahiers de prison), de les combiner en accordant plutôt un primat à la méthode reconstructrice : partir de problèmes théorico-politiques et déterminer dans quelle mesure une conception cohérente se dégage des réflexions de Gramsci de ce point de vue, mais tout en restant attentifs aux tensions, évolutions voire ruptures qui affectent sa pensée et en prenant garde à ne pas « solliciter les textes » pour servir une interprétation arbitraire, comme lui-même y insiste (Cahier 6, §198, décembre 1931).
Quoi qu’il en soit, il serait vain de vouloir résumer les riches développements auxquels donne lieu l’étude de l’œuvre-vie de Gramsci proposée ici. Je m’arrêterai donc sur deux éléments principaux qui illustrent la démarche de l’ouvrage et en constituent des lignes de force.
Il s’agit d’abord d’une hypothèse concernant les Cahiers de prison : « les principaux concepts que forge Gramsci sont liés à un désaccord avec la ligne décidée par l’Internationale communiste lors du VIe congrès de juillet 1928, que le Parti communiste italien a fait sienne, malgré des réticences, à l’automne 1929. L’Internationale communiste (IC), désormais sous la houlette de Staline, décide, avec ce VIe congrès, l’abandon de la tactique de front unique ; désormais, c’est “classe contre classe” et tous les partis ou groupes sociaux-démocrates ou démocrates sont assimilés au “social-fascisme”. Cette nouvelle politique, conjointement avec l’abandon de la NEP en 1929 et la collectivisation forcée des campagnes sur le plan intérieur, marque un “tournant” » (p. 269).
Les auteurs rattachent à ce contexte la célèbre thèse gramscienne selon laquelle il importe, dans des pays caractérisés par une structure sociale complexe (en particulier avec une société civile développée), de penser la lutte politique par analogie avec la « guerre de position » (ce qui signifie notamment lutter pour l’hégémonie selon une temporalité longue) plutôt qu’avec la « guerre mouvement » (ou attaque frontale) [6]. Ils mobilisent un argument important à cet égard : les premières notes consacrées spécifiquement à la guerre de position en politique ont été écrites dans les mêmes semaines où Gramsci débattait avec ses camarades en prison pour les convaincre de la nécessité d’adopter le mot d’ordre d’assemblée constituante, ce qui était en rupture avec la ligne sectaire de l’IC. À ses yeux, l’objectif démocratique d’assemblée constituante permettrait en effet de rassembler plus largement pour la lutte antifasciste et la lutte visant une hégémonie nouvelle que ne pouvait le faire la perspective de la révolution socialiste (laquelle restait toutefois l’objectif ultime).
Les auteurs resituent également dans ce contexte la conception de l’hégémonie élaborée dans les Cahiers. Certes, Gramsci n’a pas forgé de toutes pièces la notion d’hégémonie : elle était déjà utilisée par les dirigeants bolcheviks avant comme après la révolution pour penser la nécessité pour le prolétariat tout à la fois de diriger la paysannerie et de s’allier avec elle, dans une société où elle est majoritaire comme en Russie. Gramsci connaissait ces débats et avait adapté la stratégie bolchévique d’hégémonie du prolétariat à la situation italienne (marquée en outre par la domination du Nord sur le Sud) en particulier dans ses Notes sur le problème méridional d’octobre 1926. Mais s’il reprend la réflexion sur la notion d’hégémonie et la développe largement dans les Cahiers c’est sans doute, entre autres, en raison de l’adoption d’une ligne politique sectaire par l’IC et de l’abandon d’une politique hégémonique en direction de la paysannerie en URSS. Ainsi, « la réflexion sur l’hégémonie servira à Gramsci pour construire une alternative aux conceptions de l’État, de la dictature du prolétariat et du rôle des intellectuels qui ont alors cours en Union soviétique » (p. 410). À partir de là, on peut suivre dans l’ouvrage la manière dont Gramsci approfondit radicalement la notion d’hégémonie, de plusieurs manières. Il la détache du seul prolétariat en pensant également l’hégémonie de la bourgeoisie dans différentes situations historiques, comme avec le jacobinisme lors de la Révolution française. Il repense par la même occasion ce qu’est le pouvoir d’une classe, qui ne se réduit pas à la domination mais implique de susciter dans une certaine mesure du consentement. Il thématise la dimension culturelle de l’hégémonie, en mettant notamment en évidence le rôle crucial des intellectuels (même si l’on aurait tort de réduire la conception gramscienne de l’hégémonie à cette seule dimension comme on le fait trop souvent aujourd’hui).
Sur ce dernier point, les auteurs montrent que Gramsci reprend et développe d’une manière nouvelle ce qui était déjà une préoccupation dans ses textes de jeunesse : « l’importance que revêtent l’éducation et la culture comme vecteurs d’émancipation » (p. 533). Il s’agit là d’une « donnée permanente » dans la pensée gramscienne, l’une des continuités que l’étude diachronique parvient à mettre en évidence sans pour autant occulter les différentes manières dont le rapport entre culture et émancipation est conçu dans les différentes périodes.
L’ouvrage met également en évidence une autre continuité complexe, celle des traditions que fait dialoguer Gramsci (même si la compréhension qu’il s’en fait change au cours du temps), à savoir le marxisme et le néo-idéalisme. Car si Gramsci s’engage politiquement dans le mouvement socialiste dès 1913, il est initialement particulièrement influencé par le néo-idéalisme de Benedetto Croce et de Giovanni Gentile. Ce qui l’attire dans ces philosophies néo-hégéliennes est notamment la valeur accordée à la culture (dans le sens fort de formation intellectuelle de l’humanité par elle-même), le refus de réduire l’histoire à un cours prédéterminé ainsi que la centralité accordée à l’action humaine. Aussi lorsque Gramsci commence à s’intéresser de plus près au marxisme, en 1917, il le lit d’abord avec des « lunettes néo-idéalistes » (p. 96). C’est à cette époque qu’il peut écrire que la révolution russe a été une « révolution contre Le Capital [7] », dans la mesure où elle représente le triomphe de l’action et de la volonté collective, brisant les supposées lois de l’histoire que certaines marxistes croyaient pouvoir tirer de l’œuvre de Marx : on attendait en effet « le développement préalable du capitalisme pour qu’une révolution prolétarienne se déclenche » (p. 101), et non qu’elle ait lieu dans un pays peu développé économiquement comme la Russie.
Dans les Cahiers, Gramsci reprend son dialogue avec les néo-idéalistes, mais il en fait une critique sévère. Il les attaque pour différentes raisons mais en particulier pour leur incapacité à penser l’histoire et l’action, en dépit de leurs prétentions, autrement que d’une manière spéculative, et pour la manière dont ils présentent d’une manière déformée le marxisme afin de mieux pouvoir le rejeter. Pour autant, l’adhésion incontestable de Gramsci au marxisme n’est pas dogmatique, et il critique également les versions étroitement mécanistes et rigoureusement déterministes qui ont pu en être données (ce que les auteurs rapprochent à nouveau de son opposition aux tournants staliniens). C’est ainsi que l’histoire « éthico-politique » théorisée et pratiquée par Croce, bien qu’elle soit unilatérale en s’intéressant exclusivement aux conceptions du monde et idéologies, et bien qu’elle occulte la conflictualité sociale, rappelle néanmoins au marxisme qu’il ne saurait s’en tenir au domaine économique et faire de la politique et de la culture de simples épiphénomènes. Pour sa part, Gramsci s’efforce de redéfinir le marxisme comme une « philosophie de la praxis », à même d’unifier théorie et pratique, et de traduire l’une en l’autre – et non réduire l’une à l’autre – les différentes manières d’appréhender les sociétés humaines et leur histoire (économie, politique, culture).
De l’ensemble du parcours effectué dans cet ouvrage, il ressort l’image d’un penseur et d’un « combattant » (p. 531-532) profondément attaché aux « hommes réels » (p. 136) et à la complexité du « monde grand et terrible » (p. 5) dans lequel il vivait et luttait, selon l’une des expressions qu’il avait coutume d’employer. C’est ce qui a permis à Gramsci d’échapper aux distorsions mécanistes du marxisme comme aux rigidifications sectaires de la politique révolutionnaire.
Sur ce point, on peut remarquer que les auteurs s’attardent plus sur son ouverture et son originalité que sur sa fidélité à la ligne du PCd’I ou de l’IC. Pour la période 1921-1926, ils soulignent à raison que Gramsci reste marqué par sa participation au mouvement des conseils d’usine de Turin en 1919-1920 et que cela contribue à expliquer sa sensibilité à la spontanéité des masses : « c’est la petite musique turinoise que nous privilégions afin de retrouver, au-delà de la tonalité sectaire de beaucoup de ses articles de l’époque, les signes qui laissent entrevoir une pensée nouvelle, liée aux aspirations dont le “mouvement turinois” était porteur » (p. 121). Ce choix revendiqué se justifie donc parce qu’il permet de mettre en lumière toute la créativité de la pensée gramscienne.
Cela étant, il peut aussi être intéressant de s’attarder sur des aspects de la pensée gramscienne moins ouverts ou plus contestables, tant dans les écrits pré-carcéraux que dans les Cahiers de prison. On peut faire l’hypothèse que cela permet de mettre en évidence certaines tensions qui la traversent. Je pense en particulier à la tension entre l’attachement de Gramsci à l’émancipation démocratique des subalternes d’une part, et l’impératif de se doter d’une direction politique ferme, efficace et hiérarchisée d’autre part. Cette tension, du moins telle qu’il la met au travail dans ses réflexion des Cahiers, est au cœur de sa réflexion sur le « problème du parti » et de sa conception du parti révolutionnaire comme Prince moderne (par analogie avec le Prince de Machiavel), et est plus généralement centrale dans sa réflexion sur l’hégémonie et la révolution [8]. Or une telle tension traverse sans doute toute politique émancipatrice radicale dans la mesure où elle doit accepter, pour un temps du moins, de jouer le jeu de la lutte pour le pouvoir : c’est aussi pour cette raison que la pensée politique gramscienne conserve une profonde actualité.
par , le 6 septembre 2023
Yohann Douet, « Gramsci face au monde grand et terrible », La Vie des idées , 6 septembre 2023. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net/Gramsci-face-au-monde-grand-et-terrible
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[1] Voir Jean-Claude Zancarini, « L’improbable “gramscisme de droite” », AOC, avril 2023 [en ligne].
[2] Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini animent un espace de recherche sur Gramsci à l’ENS de Lyon, notamment avec le séminaire « Lire les Cahiers de prison » qui se tient depuis 2012. Cela a donné lieu à différents travaux et ouvrages collectifs, en particulier Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini (dir.), La France d’Antonio Gramsci, Lyon, ENS éditions, 2021.
[3] Jean-Louis Fournel et Jean-Claude Zancarini, Machiavel : une vie en guerres, Paris, Passés/Composés, 2020.
[4] Les trois tomes des Écrits politiques édités par Robert Paris (Gallimard, 1974-1980) sont une sélection nécessairement partielle des textes écrits par Gramsci entre 1914 et 1926.
[5] André Tosel, Étudier Gramsci : pour une critique continue de la révolution passive capitaliste, Paris, Kimé, 2016, p. 82.
[6] On trouve un extrait du chapitre 21 de l’ouvrage, consacré spécifiquement à cette question, sur le site de la revue en ligne Contretemps (https://www.contretemps.eu/guerre-position-gramsci-revolution-communisme-lenine/).
[7] Antonio Gramsci, « La révolution contre Le Capital » [5 janvier 1918], in Écrits politiques, Paris, Gallimard, 1974, vol. 1, p. 135-138.
[8] Je me permets de renvoyer à Yohann Douet, « Gramsci et le problème du parti », Contretemps, mars 2017. J’étudie la pensée politique gramscienne, à la fois dans toute sa cohérence et dans certaines ses tensions, dans L’Hégémonie et la révolution : Gramsci penseur politique, Paris, éd. Amsterdam, à paraître à l’automne 2023.