Recensé : Marisa Linton, Choosing Terror. Virtue, Friendship and Authenticity in the French Revolution, Oxford University Press, 2013, 336 p., £65.
« Ô mes amis ! Il n’y a nul ami » [1]
Marisa Linton, professeur à l’université de Kingston (Londres) et historienne du long XVIIIe siècle, est bien connue des spécialistes de la période pour son ouvrage sur la vertu (The Politics of Virtue in Enlightenment France, Palgrave, 2001), pour ses écrits sur les origines intellectuelles de la Révolution française et sur l’obsession jacobine de la conspiration, de même que pour des articles de fond sur des idées-clés de Saint-Just et de Robespierre [2]. Le livre ici recensé est tout à la fois l’aboutissement de ces travaux et leur prolongement.
Marisa Linton y aborde plusieurs thèmes essentiels, traités chronologiquement — des Lumières à Thermidor an II. L’introduction explique fort bien l’intention de l’auteur. Il s’agit d’une étude tout à la fois historique et psychologique des Jacobins, de leur politique et des rapports qu’ils entretiennent avec des valeurs morales telles que la vertu, l’amitié et l’authenticité. L’auteure s’intéresse à l’identité des personnages, aux émotions qui les traversent et aux conséquences de leur politisation sur cette identité. Entrer en politique, pour ces hommes et ces femmes à qui toute participation à la vie de la Cité était auparavant interdite, n’avait pas que des avantages. Leur existence tout entière en fut bouleversée. Une des contraintes du politique, et non des moindres, fut que les révolutionnaires devaient éviter que leur vie privée et leur vie publique se confondent ou se contredisent. Leur authenticité et leur vertu devaient se manifester dans l’une et l’autre, sinon ils risquaient d’être taxés d’hypocrites, de versatiles ou d’ambitieux, et par suite, d’être exclus de la scène politique. Tout au long de la tourmente, le problème crucial fut de distinguer l’homme politique motivé par une vertu authentique de celui qui n’en portait que le masque. Ce problème joue un rôle dès les débuts de la Révolution, mais s’amplifia jusqu’à l’époque dite de la Terreur, qui en serait, selon l’auteure, le point culminant. Linton choisit ici un point de vue intéressant : elle n’entend pas étudier la terreur provoquée par les massacres ou les insurrections populaires, mais celle qui mène aux grands procès de l’an II et qui aboutit à l’exécution des ci-devant chefs Jacobins : tous des anciens amis. Pourquoi les Girondins sont-ils exclus de la Convention et définitivement éliminés ? Pourquoi les Dantonistes et les Hébertistes sont-ils exécutés ? Et les Robespierristes ? Étaient-ils réellement tous des traîtres ? Des conspirateurs ? Des corrompus ? En optant pour la répression qui règne au sommet de l’État, et non à la base, l’auteure pointe du doigt un des problèmes majeurs que rencontre toute étude de la Révolution française. Mais en conservant la dénomination de Terreur pour qualifier cette répression politique, elle perpétue en somme le mythe forgé par les Thermidoriens.
La Terreur n’a pas été à l’ordre du jour
Des études récentes ont en effet démontré, sources primaires et preuves à l’appui, que la Terreur n’a jamais été décrétée par la Convention nationale [3] et que c’est la période thermidorienne qui la crée a posteriori. Si l’expression « la terreur à l’ordre du jour » est bel et bien employée le 5 septembre 1793 par une députation de Jacobins et de sectionnaires, la Convention décrète la création d’une armée révolutionnaire, mais n’arrête en aucune façon une loi relative à la terreur [4]. Le porte-parole du Comité de Salut public, Bertrand Barère, montre qu’il a bien entendu les propos des pétitionnaires, mais c’est pour commenter et non pour proposer un décret. À l’en croire, c’est l’armée révolutionnaire qui sèmera la terreur auprès des ennemis. Ni plus, ni moins. Inversement, tout homme qui provoquera la terreur dans les départements sera passible de poursuites. Le 22 mars 1794, c’est encore Barère qui propose à l’Assemblée de proclamer « justice et probité à l’ordre du jour ». Ce qui est aussitôt fait, et ce qui démontre que la Convention se désolidarise publiquement d’une formule devenue courante auprès de certains représentants en mission et des patriotes radicaux, mais que n’apprécie guère une assemblée soucieuse de sa dignité et de celle de la France.
Il n’en demeure pas moins que, dès les débuts, la terreur fut une des émotions quotidiennes des Français. De la Grande Peur de l’été 1789 aux massacres de septembre de 1792 ou à la guerre civile de l’été 1793, les patriotes étaient terrorisés. Contre cette crainte obsédante, « terreur-émotion », des mesures répressives sont prises. Marisa Linton nomme celles-ci « terreur-coercition », ou « système de terreur » [5] et elle en étudie les occurrences à partir de la chute des Girondins en juin 1793 et de leur condamnation à mort en octobre suivant. Car, à ce moment-là, quelque chose se détraque. Jusque-là, les adversaires de la politique jacobine avaient été exclus du club, voire de l’Assemblée nationale, ou bien ils s’étaient volontairement démis de leurs fonctions ou exilés ; certes, le roi-parjure avait été jugé et condamné à mort pour trahison, mais aucun collègue député n’avait encore été exécuté. Marisa Linton baptise l’élimination des ennemis politiques de terreur « politicienne » soit « terreur-politique » — (politicians’ terror). De fait, si la terreur n’a jamais été à l’ordre du jour officiellement et juridiquement, elle le devient dans la réalité à l’endroit des frères ennemis : à savoir des députés qui appartiennent à des factions devenues hostiles aux Jacobins épurés [6]. L’auteur n’en insiste pas moins sur le fait que ce sont les Girondins qui ont déclenché l’offensive, lorsqu’en avril 1793 ils ont envoyé Marat, lui aussi représentant du peuple à la Convention, devant le tribunal révolutionnaire. Et, de fait, les Jacobins ne sont pas seuls en cause. Sont concernées toutes les factions.
Le stoïcisme de la vertu
Ici intervient en somme la vertu, indispensable à tout homme politique et qui paraît faire défaut aux « factieux ». Marisa Linton en distingue clairement deux formes : la vertu naturelle, innée, qui porte l’homme à la compassion pour ses semblables et qui est une manifestation de sensibilité et d’authenticité ; et la vertu républicaine, stoïque et inflexible, pour laquelle l’amour de la patrie tient lieu de lien affectif et social. Le vrai patriote doit être prêt à sacrifier sa vie et celle de ses proches. Durant « les années lumières » de la Révolution, un homme comme Robespierre avait fort bien su marier vertu naturelle et vertu républicaine devant un auditoire ému aux larmes. Avec les années terribles, le ton se durcit. Les acteurs sont jugés en fonction de leur vertu politique — et donc de leur patriotisme. De tous les citoyens la Convention et ses comités exigent un sacrifice de tous les instants. La situation, il est vrai, est catastrophique en cet été 1793. On ne saurait trop le répéter : Marat assassiné ; la Vendée en flammes ; le Midi en insurrection ; Toulon entre les mains des Anglais ; les Espagnols vainqueurs dans les Pyrénées ; le Nord attaqué par la coalition ; Mayence perdue et les frontières de l’Est menacées. Les chefs jacobins optent pour des mesures sévères de coercition, qui n’épargnent pas leurs anciens amis girondins — d’autant que ceux qui se sont enfuis fomentent des révoltes dans les départements et provoquent la crise dite fédéraliste. À ce stade, il n’est plus question d’amitié mais de répression ; plus question de compassion mais d’inflexibilité. L’ami est devenu l’ennemi, l’hostis publicus, d’autant plus à craindre qu’il menace de l’intérieur l’intégrité de la République.
Une des erreurs commises par les Girondins fut évidemment d’avoir sans relâche attaqué Paris et la Commune, mais aussi d’avoir privilégié leur cercle d’amis et d’avoir déplacé le débat politique dans le cadre de la vie privée. La politique révolutionnaire implique depuis ses débuts que soient exclusivement choisis ou élus des hommes vertueux, dignes des postes qu’ils vont occuper. Leur mérite et leur talent prévalent sur toute autre chose. Or, une fois conquis la prépondérance à l’Assemblée législative et au club des Jacobins, Brissot, le leader du groupe, parvient à faire nommer par le roi un ministère patriote. Il y place ses meilleurs amis : Roland, Clavière, Dumouriez. Et il s’en flatte : « Tout aux amis ! » écrit-il, enthousiaste. Désormais c’est chez les Roland qu’ont lieu les réunions politiques, ou bien chez Vergniaud, ou encore chez Valazé : tous des amis girondins, qui violent ainsi les lois tacites qu’ils ont eux-mêmes adoptées durant les années précédentes, lors du conflit avec les Feuillants. Ces derniers avaient été attaqués pour des motifs similaires : relations intimes, abondance de mets délicats, conférences à huis clos. Tout cela les avait discrédités. Or les Girondins semblent imiter ces tristes précédents. L’histoire se répète, ainsi que le regrette Robespierre. La politique révolutionnaire qui se voulait transparente et démocratique échappe ainsi au débat public — notamment au club des Jacobins. Le confinement dans l’espace privé prend des allures de conspiration, ou pour le moins, de manipulation. C’est le secret qui domine comme il en allait sous la monarchie ou dans la Société de 1789, où se retrouvaient l’élite de la noblesse et celle des riches banquiers et négociants. Les Girondins sont alors dénoncés, eux et leurs dîners soi-disant abondants et raffinés. Dans une période où le peuple meurt de faim, il n’est pas de bon goût de festoyer. C’est même extrêmement dangereux. Ces rumeurs réduisent à néant la popularité des amis de Brissot. De là aussi l’insurrection sectionnaire des 31 mai et 2 juin 1793 qui mène à leur perte.
Les doubles contraintes
Ce que nous dévoile avant tout ce livre, c’est que les révolutionnaires étaient pris dans des doubles contraintes, auxquelles ils ne surent échapper et qui ont envenimé la situation. La première est celle qu’implique la vertu en politique. Être vertueux dans le sens stoïque signifie non seulement qu’un patriote doit sacrifier ce qui lui est cher quand c’est nécessaire à la patrie, mais aussi qu’il ne doit pas aspirer à une fonction politique, surtout pas au ministère qui le rapprocherait du roi ou du conseil exécutif, et lui donnerait accès au pouvoir et aux richesses. Vouloir être élu trahirait une ambition, que condamne la vertu. Il y a pis. Car l’ambition paraît inséparable de la vénalité, de l’égoïsme, de l’hypocrisie, de la trahison. Mais refuser une place est tout aussi dangereux. Robespierre sut ce qu’il en était, quand il abandonna en avril 1792 le poste d’accusateur public au tribunal criminel du département de Paris afin de se consacrer exclusivement à la politique. Les Girondins l’accusèrent à leur tour de « désertion », et critiquèrent la froideur de son patriotisme. En vérité, faire de la politique tout en se voulant et se disant vertueux est une contradiction dans les termes, puisque la politique exige nécessairement un engagement et, partant, une ambition.
La seconde contrainte concerne la vie privée qui doit être exemplaire, mais ne pas empiéter sur la vie publique. À l’instar de Rousseau, les Jacobins encouragent la sensibilité, la communion des âmes, la sympathie pour leurs semblables. Mais les cercles privés, les dîners, les salons, la correspondance, les réseaux amicaux, où peuvent s’épancher ces sentiments, sont soupçonnés de cacher des intrigues et des conspirations. La vie privée est devenue quasiment impossible. Il en est de même avec l’authenticité. L’être doit se montrer à nu en public, et convaincre l’auditoire et les autres députés qu’il est intègre — sous peine de devenir suspect. Seulement, comment prouver son authenticité ? C’est là une qualité qui ne s’apprécie chez un individu qu’avec le temps et l’expérience — ou, peut-être dans des situations extrêmes, telles que le sacrifice de ses amis ou sa propre mort, ainsi que le suggère Linton. L’authenticité n’est pas visible au premier coup d’œil. Ce ne sont pas non plus les émotions qui l’indiquent, car les signes de celles-ci peuvent être simulés. Saint-Just évoque ainsi « les larmes de crocodile » de Fabre d’Églantine, l’acteur escroc qui excelle dans la duplicité (p. 213-219). De là tant de remarques sur les masques, le théâtre, les intrigues, comme si le paraître avait pris le pas sur l’être. Trop de déceptions ont été vécues depuis 1789. Les amis du début de la Révolution trahiraient tour à tour la confiance des vrais patriotes. La Révolution radieuse des débuts se transforme progressivement en une école de la défiance.
Choisir la Terreur ?
Le titre de l’ouvrage suggère que les Jacobins, ou du moins leurs chefs, firent le choix de la Terreur. L’auteur, très nuancée en toutes choses, admet que tant les circonstances que l’idéologie ont joué un rôle dans la radicalisation de la violence officielle. Elle n’oublie pas non plus la rhétorique propre aux assemblées politiques, et particulièrement goûtée à cette époque précise de l’histoire de France. Mais elle insiste aussi sur le fait que la « terreur politicienne » fut la conséquence de décisions prises par des individus, prisonniers de leurs émotions. C’est cela même qu’elle souhaite comprendre, en examinant de près les arguments invoqués par les uns et les autres. On pourrait toutefois observer que, dans le contexte dramatique où se trouve la Convention, la répression était inévitable. Il s’agit ni plus ni moins de sauver la France de l’invasion et du retour à l’ordre ancien. Là se trouve une urgence qui demande des mesures adéquates. Plus qu’un choix conscient ou inconscient, c’est une nécessité telle celle adoptée par les nations menacées d’extermination [7]. Les Jacobins — ou plutôt les révolutionnaires, puisque nombre d’entre eux n’étaient pas jacobins, ce que l’auteur a tendance à oublier — décrètent donc des lois de salut public. Rappelons que les premières d’entre elles sont rédigées et conçues par Cambacérès et Merlin de Douai, deux juristes de renom qui ne fréquentent pas le club de la rue Saint-Honoré. En vérité, poursuivre et punir les ennemis de la Révolution ou ceux qui entravent les travaux de la Convention sont dans l’ordre logique des choses. Ce ne sont donc pas tant les lois pénales adoptées qui choquent que l’extrême sévérité des peines : la liberté ou la mort. Dans ses mémoires, le conventionnel Baudot en convient. Il regrette que la Convention n’ait pas imité les Américains et privilégié l’exil à la peine de mort [8]. Barère l’avait proposé le 17 septembre 1793. En vain. De même, Barère et Robespierre ont tour à tour souhaité introduire une commission qui aurait examiné de près le cas des personnes incarcérées. Collot d’Herbois et Billaud-Varenne intervinrent successivement pour faire ajourner la discussion.
Mais c’est dire que le choix d’une justice aveugle et inflexible n’était pas unanimement accepté. Il y eut des hésitations et des propositions en faveur de peines plus clémentes. Reste — et c’est là où l’ouvrage de Linton touche juste — le problème des amis devenus ennemis politiques. C’est là aussi que resurgit la problématique soulevée par Derrida qui, dans ce contexte, cite Cicéron. Ce dernier distingue en effet « l’amitié vulgaire et ordinaire » de « l’amitié vraie et parfaite » : celle qui renvoie à l’autre « sa propre image idéale ». Pour Cicéron — et pour nos révolutionnaires — l’amitié vraie impliquerait une unanimité en toutes choses. Le désaccord risque à tout moment de la briser. Or une amitié trahie engendre la haine. La conception androcentrique que se fait Cicéron de l’amitié ne permet pas de surmonter l’obstacle qu’est la différence de l’autre. Se pourrait-il que ce soit ce qui est arrivé aux révolutionnaires de l’an II ? Ou bien est-ce arrivé parce que les liens entre des hommes aussi différents que Desmoulins, Danton et Robespierre notamment découlaient d’une amitié ordinaire, d’une liaison de circonstance ? Ce n’est pas le cas des Girondins, semble-t-il, qui n’ont pas trahi leurs amis. Durant et après leur incarcération, ils se sont avérés fidèles aux liens affectifs qui les attachaient (p. 178-184), ce qui suggère que, chez eux, l’amitié était authentique — bien que critique. Rien de tel à première vue chez les Jacobins [9]. Est-ce parce qu’il n’est pas d’amitié réelle à l’égard de ceux que l’on redoute — tel l’Incorruptible — mais seul un simulacre d’affection, et donc, une fausse amitié ?
L’auteure ne s’aventure pas si loin. Qu’elle nous pardonne si nous extrapolons, en invoquant Cicéron et sa théorie de l’amitié ! Ce qui est certain, c’est que, dans leurs mémoires, plusieurs survivants régicides de l’an II avouent regretter leur contribution au 9 Thermidor, mais ils reconnaissent que Robespierre était par trop rigoureux [10]. Ceci peut expliquer cela.
L’ultime preuve d’authenticité
En fin de compte, c’est la mort qui résolut les dilemmes des révolutionnaires. Dans un dernier chapitre, Marisa Linton conclut sur l’importance du sacrifice de soi tout au long de la période, avant de remarquer que ce qui fut tout d’abord une figure rhétorique récurrente devint par la suite réalité. Confrontés à la mort, les condamnés sont contraints de se montrer tels qu’ils sont vraiment. De Madame Roland à Saint-Just ou à Danton, nombreux sont ceux qui affrontent dignement leur sort tragique devant un public attentif. L’héroïsme face à la guillotine devient fréquent. La mort comble l’écart entre actes et paroles. Mourir comme un être vertueux motive par ailleurs des choix antérieurs. C’est la preuve que les convictions et allégations de ces hommes et femmes étaient fondées sur la vérité. Ils ont dit être prêts à sacrifier leur vie pour la survie de la patrie et ils assument (p. 276-283). Pour l’auteure, cela expliquerait que les Jacobins n’aient point eu de regrets à sacrifier les autres : ceux qui auraient trahi ou abandonné la cause. Tous en vérité — à quelques exceptions près, tel Hébert — apparaissent tels des martyrs acceptant leur sort avec stoïcisme pour la sauvegarde de la patrie et de la Révolution. Pour la plupart d’entre eux, c’est le dernier geste politique : celui qui leur assurera l’immortalité dans les mémoires.
Le livre de Marisa Linton a pour atout non seulement d’humaniser les grands acteurs de la Révolution, en leur restituant leurs émotions, leurs amitiés, leurs vertus, leurs angoisses et leurs haines, mais encore de proposer un récit original de la dérive « terroriste », engendrée par la peur qui les habitait. Le récit est caractérisé par la justesse du ton et la finesse des analyses. Certes, les commentaires qui précèdent notent quelques points sur lesquels le lecteur aurait souhaité plus de nuances ou de détails : sur la généralisation abusive du terme de « Jacobin » en lieu et place de Montagnard ou de révolutionnaire [11] ou celle de terreur en lieu et place de justice ou de coercition ; sur le dilemme qui se posait à des hommes obsédés par le complot et la trahison et qui se trouvaient dans une impasse (tout choix était détestable et mortel), ou bien encore sur les raisons précises qui ont poussé les chefs jacobins à transformer leurs collègues en ennemis à abattre. Était-ce principalement dû à la peur, ainsi que le suggère l’auteure ? Peur de ne pas être à la hauteur des attentes populaires et de perdre une réputation laborieusement construite ; angoisse devant l’immensité de la tâche et l’ampleur des résistances ; crainte de sacrifier la vertu sur l’autel des sentiments privés, et d’être jugé en conséquence ? Une enquête plus approfondie sur la politique de l’amitié pourrait apporter une réponse mieux accordée avec un des thèmes clés du livre. Cicéron ne disait-il pas qu’un ami est un double de soi-même ? Dès qu’il diverge de ma voie, il devient l’autre, d’autant plus menaçant qu’il me connaît, qu’il a trahi ma confiance, et sera entraîné à me trahir plus encore. L’amitié alors se transforme en inimitié. Autant de points qui, je l’espère, donneront matière à discussion.