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La médecine et l’argent de l’industrie pharmaceutique

lundi 26 janvier 2009



Recensé : Marcia Angell, « Drug Companies & Doctors : A Story of Corruption », New York Review of Books, 15 janvier 2009.

par Alexandre Brunet

Après avoir été pendant près de deux décennies la rédactrice en chef de la New England Review of Medicine, Marcia Angell dresse dans cet article de la New York Review of Books un tableau sombre des relations incestueuses entre les compagnies pharmaceutiques et les institutions médicales. La prise de conscience récente de ce phénomène dans l’opinion publique a été favorisée par une investigation menée par le sénateur républicain Charles Grassley – appartenant au Senate Finance Committee – sur les liens entre l’industrie pharmaceutique et les médecins universitaires, dont l’impact sur la valeur marchande des médicaments est considérable. L’industrie a une stratégie commerciale dont le souci premier est la rentabilité économique et qui ne pourrait fonctionner sans l’aide et le consentement des médecins. Ce consentement, selon Marcia Angell, est littéralement acheté par des cadeaux, des honoraires de conseil et la détention d’actions de ces mêmes sociétés. Les personnes impliquées ne sont pas d’obscurs praticiens hospitaliers : l’enquête du sénateur Grassley a révélé que des médecins aussi illustres que le docteur Biederman, professeur de psychiatrie à la prestigieuse Harvard Medical School et à l’hôpital général du Massachusetts de Harvard, ou le docteur Alan F. Schatzberg, de Stanford, président de l’American Psychiatric Association, ont reçu de telles rémunérations se chiffrant en millions de dollars.

Les pratiques qui permettent que de tels liens perdurent sont les suivantes : élimination des résultats de recherches défavorables – comme celles montrant que des placebos sont aussi efficaces à 80% que les cinq antidépresseurs les plus vendus au monde aujourd’hui – ; des réglementations bien trop souples sur les conflits d’intérêts dans les facultés ; ou encore la possibilité de maintenir des recommandations très vagues pour l’application de certains traitements (concernant l’age, la situation du patient, les effets secondaires, etc.)

Selon Angell, les problèmes débattus dans cet article ne se limitent pas à la psychiatrie. Des conflits d’intérêts et des tendances similaires existent dans pratiquement tous les secteurs de la médecine, en particulier dans ceux qui dépendent fortement de l’usage de médicaments et d’instruments. Les nombreuses réformes qui seraient nécessaires pour restaurer l’intégrité de la pratique de la médecine ne sont malheureusement pas débattues dans l’article. Beaucoup d’entre elles impliqueraient l’adoption de nouvelles lois et des changements au sein de la Food and Drugs Administration (FDA) – notamment en ce qui concerne son processus interne d’approbation de médicaments. Il est aussi urgent que la profession médicale commence à se sevrer de l’argent de l’industrie pharmaceutique.

Le site de la New York Review of Books

Reviewed : Marcia Angell, « Drug Companies & Doctors : A Story of Corruption », New York Review of Books, January 15, 2009.

by Alexandre Brunet

Having been the editor of the New England Review of Medecine for two decades, Marcia Angell paints a dark picture of the incestuous relationship between drug companies and medical institutions. Public awareness of this issue has been raised of late by the enquiry led by Rep. Sen. Charles Grassley of the Senate Finance Committee into the financial ties between the pharmaceutical industry and the academic physicians who have a considerable impact on the market value of prescription drugs. While the former have profit-orientated agendas, their strategies could not function without the help and consent of the latter ; this consent is, according to Marcia Angell, quite literally bought, in gifts, consultancy fees and stocks. And not just any academic physicians : Sen. Grassley’s investigation put into the light the fact that people like Dr. Biederman, professor of psychiatry at Harvard Medical School and chief of pediatric psychopharmacology at Harvard’s Massachusetts General Hospital, or Dr. Alan F. Schatzberg, chair of Stanford’s psychiatry department and president-elect of the American Psychiatric Association, had received such forms of remuneration in millions of dollars.

The practices put into place to permit such an association comprise of suppressing unfavourable research – the kind which, when unearthed, show that placebos are 80% as effective as the five best-selling antidepressants in the world today –, of loose and loosely applied regulations over faculty conflicts of interest, and the ability to maintain vague enough recommendations for the application of certain medications (regarding age group, condition, side-effects and so on).

According to Angell, the problems discussed here are not limited to psychiatry, although they reach their most florid form there. Similar conflicts of interest and biases exist in virtually every field of medicine, particularly those that rely heavily on drugs or devices. So many reforms would be necessary to restore integrity to clinical research and medical practice that they cannot be summarized briefly. Many would involve congressional legislation and changes in the Food and Drug Administration, including its drug approval process. But there is clearly also a need for the medical profession to wean itself from industry money almost entirely.


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